17 août 2010

Le Grand dérangement... des Roms!

Éric Fottorino, directeur au quotidien Le Monde, lance un éditorial «J'accuse» ce matin dont Zola ne serait pas peu fier: L'amour de soi et la haine des autres. D'entrée, je vous invite à consulter les mots d'Assouline sur ce journaliste et auteur. Vous y connaîtrez un homme profondément sensible aux déchirures.

Alors, nous y sommes? Cet homme dénonce le démembrement des camps roms: sans violence! Nous assure-t-on. Bien sûr! On y a mis les gants. Pour quelle raison? Ne pas attraper leur virus; celui de la différence? Les autres déporteurs n'avaient-ils pas des gants eux aussi, tous, des gants: l'ordre, la conquête, la vengeance, la sécurité, l'impérialisme, la civilisation, la démocratie... God!

J'ai croisé plein de Roms dans mes voyages; je les ai regardés; parfois leur ai donné quelques centimes. Régulièrement, leur campement en marge des grandes villes sautait aux yeux: bourgades ramassis des besoins vitaux essentiels décrépis dans l'environnement autrement bucolique. Ça fait cliché, mais n'avons-nous pas tous nos Roms? Je me souviens de ce développement le long du boulevard Des Forges qui devait abriter des citoyens des Premières Nations. Quel fatras! Et puis tout le monde a survécu. À Beaconsfield, on apprend ce matin sur Cyberpresse que les citoyens associent l'arrivée de personnes âgées à la dévaluation de leur propriété. Les Roms sont des reliques. Ils ne bougent plus, ou si lentement, sur le fil de l'histoire. Ils quêtent sur les parvis; ils se réfugient dans leurs caravanes, mais elles ne roulent plus. Dansent-ils encore? Lancent-ils encore les couteaux encadrant sans coup férir la jolie silhouette collée au mur? Et leur violon devant le feu? Légende et patrimoine. Dans une société en pleine déroute, dans laquelle on voudrait pouvoir s'accrocher à un passé pour ancrer notre avenir, faisons-nous les mauvais choix?

En 1973, Soylent Green, un film de science-fiction américain du directeur Richard Fleischer et mettant en vedette Charlton Heston, barricade les quelques immenses fermes productrices ainsi que les quartiers résidentiels pour les gens bien; inspiré du roman  de Harry Harrison publié en 1966, Make Room! Make Room!, il illustre la gravité de mesures coercitives légalisées par les «bien-pensants pour contrôler la vie des «autres». Triste affaire! Non, bien sûr, nous n'en sommes pas là. Nous en sommes bien loin. Mais les caméras de surveillance scrutent tout de même notre vie un peu partout, à l'intérieur bien sûr pour les vols et autres tromperies que l'employeur ou le propriétaire n'aimerait pas. Mais attention, à l'extérieur aussi. Si la terre entière peut sonner à votre porte quand elle le désire, imaginez ce que les gouvernements peuvent faire avec leurs brigades, que dis-je, leur légion de satellites qui garnissent l'orbite terrestre.

Ce n'est qu'une question de temps! Comme le disait si bien le chanteur de charme, Pierre Lalonde. Nous sommes déjà loin toutefois. Il faudrait commencer à se poser les vraies questions. La première étant la source de notre obsession de la tranquillité et de la rectitude. Professeur de collège, je commence à voir de plus en plus de descendants de mes ancêtres en classe. Ceux à qui j'ai foutu la petite vérole dans l'espoir de les faire disparaître. J'ai trouvé un meilleur moyen de les extraire ma vie: je les enferme dans leur réserve. Remarquez, moi, je m'enferme dans ma cour, alors... Quand je les nomme, il me regarde de leurs profonds yeux, comme jamais je ne les aurai et, soudainement, je me sens étranger, intrus. Ils portent dans leurs veines cette nature que je détruis systématiquement. Les Roms, les Amérindiens. Les premières Nations. Signification s'il vous plaît! Les uns portent deux énigmes de l'histoire des civilisations: les uns, en chevauchant le Moyen-Orient et l'Occident; les autres en détenant le droit d'aînesse sur sur un territoire apprivoisé par des millénaires d'histoire.

Mais on n'est quand même pas pour nommer des Roms au Patrimoine! Soyons sérieux... On risquerait de retrouver des principes de vie plus porteurs.

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