16 décembre 2010

Recherche de l'utilisation des mots

Voici un instrument fascinant dont la description apparaît aujourd'hui dans le New York Times: Google Labs.

Demandez-lui n'importe quel mot et trouvez son utilisation dans l'histoire.

15 décembre 2010

L'âme, le holy ghost...



Je lisais ce matin un article du New York Times, Extended Mind Redux, d'Andy Clark. Je voulais vous en glisser quelques mots, mais je fus stoppé par la recherche d'une traduction valable du mot MIND: peine perdue. Je ne pus trouver aucun terme qui correspondait parfaitement en français. Déformation peut-être? Chaque mot choisi après quelques instants devenait inefficace; il promenait trop de bagages dans mon imaginaire sans doute. Le mot ÂME ne me satisfait pas non plus, il correspond trop à un terme religieux à mon goût. Il faudra s'y faire. Ici, ce mot ne se veut qu'une référence à une fonction réflexive. Comme le mentionne Clark, une fonction qui ne peut se situer facilement nulle part, un peu comme la fonction Turbo d'une automobile.
«A couple of replies touched on what is really one of the philosophical hot potatoes here, which is the distinction between “mere” inputs to a cognitive system and elements of the system itself. Critics of the extended mind (for example, Fred Adams and Ken Aizawa, in their 2008 book called “The Bounds of Cognition”) think theorists of extended cognition are guilty of confusing inputs to the cognitive engine with stuff that is part of (and “constitutes”) the cognitive engine. I think this distinction between “mere” inputs and processing elements in far less clear than it sounds. An analogy I sometimes use is with the workings of a turbo-driven car engine. Compare: the car makes exhaust fumes (outputs) that are also inputs that drive the turbo that adds power (up to around 30 percent more power) to the engine. The exhaust fumes are both outputs and self-generated inputs that, as they loop around, surely form a proper part of the overall power-generating mechanism. I think much the same is true of our use of bodily gestures while reasoning with others, and of the way that actively writing contributes to the process of thinking. The gestures and words on the page are outputs that immediately loop back in ways that form larger circuits of ongoing thinking and reasoning.» (Extended Mind Redux: A Response, Andy Clark)

Les religions ont eu tôt fait de prendre en charge ces fonctions dont on ne pouvait nier l'existence, mais qu'on ne parvenait pas à isoler pour en définir clairement et précisément le rôle. Pour les chrétiens, cette force de conceptualisation a pris le chemin du Saint-Esprit. Un genre d'anima encadré par un duo d'animus.

Mais...
«The question — memorably posed by rock band the Pixies in their 1988 song — is one that, perhaps surprisingly, divides many of us working in the areas of philosophy of mind and cognitive science. Look at the science columns of your daily newspapers and you could be forgiven for thinking that there is no case to answer. We are all familiar with the colorful “brain blob” pictures that show just where activity (indirectly measured by blood oxygenation level) is concentrated as we attempt to solve different kinds of puzzles: blobs here for thinking of nouns, there for thinking of verbs, over there for solving ethical puzzles of a certain class, and so on, ad blobum. (In fact, the brain blob picture has seemingly been raised to the status of visual art form of late with the publication of a book of high-octane brain images. )»
La nouvelle imagerie nous permet de tracer les flux dans notre cerveau. Le trafic cérébral se colore et révèle ses secrets. Mais, en même temps, ces découvertes nous poussent vers de nouvelles questions, car certaines réponses manquent. Elles se trouvent forcément ailleurs, comme le dit Clark, out of brain, out of body, and in the world. Curieusement, nous revenons à la marotte de mon directeur de thèse : au-delà de l'imagination, il y a l'imaginaire et, là, la liberté créatrice est stoppée, soumise à l'environnement à l'intérieur de laquelle la vie opère.
«But we seem to be entering an age in which cognitive prosthetics (which have always been around in one form or another) are displaying a kind of Cambrian explosion of new and potent forms. As the forms proliferate, and some become more entrenched, we might do well to pause and reflect on their nature and status. At the very least, minds like ours are the products not of neural processing alone but of the complex and iterated interplay between brains, bodies, and the many designer environments in which we increasingly live and work.»
 Comme professeur, c'est aussitôt le socioconstructivisme qui me saute en tête : je dois rendre ma matière, ma littérature, ma passion, assez malléable pour permettre l'entrée de toutes ces imaginations morcelées et vibrantes à l'intérieur d'un imaginaire global puis suivre les méandres que j'y ai tracés.

14 décembre 2010

Un voyage affectif


«Pour savoir ce qui se cache derrière nous, ne devons-nous pas faire appel aux sentiments ? Ecrire le présent, n’est-ce pas faire appel à la mélancolie ? « Je crois que l’écrivain regarde beaucoup derrière lui. C’est ce regard rétrospectif qui me touche. On peut être un grand écrivain d’avenir en étant un nostalgique inguérissable. J’ai d’ailleurs évoqué sur ce point plusieurs fois Céline sur Canal Académie, un des écrivains les plus novateurs dans la forme, dans le style, dans la puissance compassionnelle. En même temps c’était un homme qui n’était pas de l’avenir, totalement mélancolique, nostalgique. Le monde idéal avait juste précédé sa vie ! »
 Écrire le présent, n'est-ce pas faire appel à la mélancolie... On écrit en arrière même quand on parle du futur parce que le futur n'est rien d'autre que le parasite des souvenirs. Vitoux raconte sa vie à chercher des clefs de son passé; il le fait en complète coupure avec le présent : pas son présent, le présent sociétal qui l'entoure. De son propre aveu, il est réactionnaire, en désaccord avec l'allure de son monde. Pour cette raison, il travailla Céline avant tout le monde en brisant les préjugés pourtant si justifiables avec son terrible et si ferme antisémitisme. Comme Morand d'ailleurs. Combien de lettres admirables seraient demeurées ignorées si ces briseurs de cadres n'avaient osé les amener sur la place publique? Les amener eux? Non, pas vraiment eux, leurs textes oui! (Frédéric Vitoux)

On a tellement besoin de ces êtres sur des belvédères scrutant la réalité de haut, mais oui, de haut puisque tant de soi-disant réflexions ne réussissent pas à s'élever d'un cil vers une certaine vérité.

13 décembre 2010

Agaguk : Inuk mort.



«C'était simple, cela découlait d'une faculté physique venue de générations multiples. Mais Agaguk n'aurait pas su expliquer comment fonctionnait le mécanisme ni où se situait en lui ce sens qui donnait l'alerte. Maintes fois déjà il s'était arrêté sur la toundra, conscient tout à coup de la présence d'un animal. Il n'avait pas besoin de le voir pour posséder en lui la certitude qu'il était là, non loin.» (Yves Thériault, Agaguk, page 163)
Je lisais la chronique de Minou Petrovski ce matin sur cyberpresse. Elle parlait de la prédominance anglophone dans les spectacles du Festival d'été de Québec. Elle avait tenté d'introduire son fils à la culture rock francophone avec Marjo au Centre Bell; sans succès, il était parti à l'entracte. Il aurait sans doute fait la même chose avec Police ou Jethro Tull. Pour lui, la vieille Marjo qui s'émoustille sur scène, c'est beaucoup maman qui écrit dans la Presse : je ne lis pas ça. Il est dans une mouvance. Nous le sommes tous. Et nous voulons tous trouver une solution; simple si possible.
La citation du début vient d'Agaguk, le roman nordique d'Yves Thériault. Nous y retrouvons un héros défiguré par un loup aux prises avec les réminiscences du meurtre d'un blanc qui voulait le voler avec un troc vraiment trop injuste. Cette deuxième lecture, la première datant de l'adolescence a des répercussions différentes. À l'époque, on voulait nous présenter le blanc comme un civilisateur qui pouvait, grâce à sa miséricorde, mais aussi sa justice immanente, vaincre le primitivisme tribal. Le tout finissait par s'enrober dans un maelstrom puissant dans lequel Inuk et caucasien devaient rendre les armes : l'Inuk par la mort, le caucasien par un retour au Sud.
Aujourd'hui, cette lecture porte ombrage à ma culture. L'action se déroule en 1938. Nous ne pouvons nourrir l'illusion que cela se passe encore de la même façon aujourd'hui, toutefois, nous ne pouvons nous empêcher de croire que certaines de ces attitudes persistent encore aujourd'hui chez ces peuples autochtones. Ils sont restés imperméables à notre européanisme. Ils nous utilisent comme des peaux de chagrin, mais conservent intrinsèquement leur véritable nature : l'homme, comme il s'appelle souvent sous divers dialecte. Mais je ne suis pas l'un des leurs ou si peu : produit d'un accouplement voilà trois générations d'un français bourru et d'une indigène trop fière qui retourna chez les siens après une raclée de trop. L'aïeul en fut quitte pour battre le reste de ses enfants en défigurant physiquement certains et psychologiquement tous sans exception. Cette violence, dans le roman de Thériault, pose une question de façon brutale : quelle différence y a-t-il entre la violence conjugale du blanc, le viol incestueux du blanc, l'ivrognerie du blanc et ceux de l'indien? Sans réponse. Une chose est sûre, la vie quotidienne de l'un et de l'autre, en 1938, au Québec, du sud au Nord, n'était pas si différente. Mon grand-père battait; visitait ma grand-mère sur son lit de mort pour se servir; chauffait au poêle; n'avait pas de réservoir d'eau chaude; allait travailler à trois milles à pied; il vivait au centre-ville du Cap-de-la-Madeleine. C'était en 1957! Les choses ont bien changé; mais les mentalités? On est frappé par le tribalisme immanent de notre société.
Le jeune Petrowski sorti du spectacle de Marjo devant sa mère déçu de son ignorance de cette culture québécoise, c'est tout à fait Agaguk qui fuit le village et s'en va construire sa propre hutte avec Iriook. C'est le squeegee quêtant sa moulée avant d'aller squatter. C'est la jeune conne qui surfe sur le toit de l'auto; c'est le casseur qui sirote un speed dans le sous-sol. Il ignore totalement où il s'en va et comme personne ne l'aiguillonne dans une direction quelconque, il définit le non, le verbalise, l'actualise, et ferme le plus possible l'horizon.
«Il avança, vint tout près d'elle. Soudain sa rage fut plus forte que toute raison.
Tu parles trop haut! cria-t-il.
Son poing partit, s'abattit sur la joue d'Iriook. Puis Agaguk fut sur elle, la frappant à coups de pied, à grands jabs du poing fermé. Le sang giclait sur le visage de la femme et toujours elle criait :
Je veux garder la fille! Je veux garder la fille!
Quand Agaguk n'eut plus la force de frapper, il se laissa tomber sur Iriook et il la prit.» (Yves Thériault, Agaguk, page 229-230)
L'homme, détaché de son patrimoine, mais ligoté par sa nature, avance en aveugle dans un futur qui se façonne au fur et à mesure des levers de soleil. Son futur est dans la chair de son fils, et son fils n'a pour guide qu'un père détruit. La passivité d'Iriook est phénoménale. À la fin, elle triomphe, mais sa victoire est dénaturée; rien ne changera si ce n'est la présence d'une autre femme à battre par le suivant. Et nous aussi, nous tournons en rond. Nous voulons, mais n'osons pas aller jusqu'à l'épanouissement; la toundra est trop vaste. Le grand oiseau avec ses sorciers dans son ventre peut survenir à tout moment avec des magies trop fortes. La soumission a meilleur goût. Le dogme est plus confortable, plus sécuritaire; la parole ne tue jamais; elle se perpétue par l'écho. C'est ça la culture dont on a habillé un peuple, un écho entre des falaises. Les Inuits demeurent toujours dans leur hutte, cette fois elles sont gouvernementales. Ils cultivent leur isolement garant de leur histoire. Chez nous , on a troqué l'histoire pour une langue.

La guillotine du dévouement


Dévouement:
  • Action de se consacrer entièrement à une personne, à une cause.
  • Disposition à servir quelqu'un pour son bien-être.
Combien de personnes mortes au nom de ce grand cantique grégorien sans fin et sans soulagement? Quand il pleut, il pleut; il peut pleuvoir toute une vie sans une seule journée de plein soleil quand on circule sur la pente spirale du dévouement. La seule satisfaction nous est définie par les profiteurs qui ont organisé la mission. Ils ont installé un dogme, un credo quelconque qui, à l'origine, ne nous appartient pas du tout, auquel on n'a aucune relation. Ils nous établissent un certain nombre de prières à répéter de temps à autres; ils organisent des messes officielles, d'autres officieuses, pour polir leur blason à l'aide de notre énergie : il nous donne accès à notre salut. C'est du plus plate paternalisme.

Les commentaires sur le manque de passion chez les jeunes face à l'emploi sont monnaie courante. Dans le fond, le plus inquiétant pour les patrons est la perte de l'emprise sur leur conscience. À l'heure où on voudrait de leur part une politisation, une implication, une « comitment », ils répondent par une moue. Ils ont compris que leur salut ne dépend que d'eux. Ils ont sans doute vu leurs parents participé au grand cirque de l'ambition; ils les ont vus s'éteindre avec un beau certificat photocopié et une soirée hommage, alors que tout autour d'eux avait pris des allures de grand saule ravagé par les parasites. Leur indépendance déroute.

Tant mieux pour leur vie. Tant pis pour les banquiers de la productivité.

Dernier jour de cours



J'ai terminé mon dernier contrôle cet après-midi : une vingtaine de questions sur cinq siècles de la littérature française, du Moyen Âge au Romantisme. Demain, on termine la session.

Une autre rencontre fortuite entre une centaine de jeunes et moi, un vieux prof qui cherche encore à plaire. J'y parviens. J'en ai la conviction, c'est bien ce qui me tient en place. Je pense de plus en plus à partir, mais je me demande ce qui me motiverait à poursuivre mes recherches autant en littérature qu'en pédagogie. Je deviens vite paresseux. Le congé de l'an dernier le prouve assez bien.

On vieillit moins vite entouré de jeunes. Au rythme où va ma vie, on pourrait croire que je rajeunis. Non, c'est une illusion! Je me suis adressé à des amis dans la vingtaine, à de jeunes frères et soeurs dans la trentaine, à des enfants dans la quarantaine, et, le coup de grâce, à des petits-enfants dans la cinquantaine. Eux, ils ne vieillissent jamais; c'est toujours à recommencer. Chaque session, ça recommence à neuf.

C'est triste : une espèce de deuil.

10 décembre 2010

Fin de session...



Fin des cours: 12 h 05, 10 décembre.

Triste. Content. Satisfait. Fatigué.

En attente de 92 analyses littéraires à corriger. Pour 80% de tâche. Aurait eu 120 pour une tâche pleine. À vingt minutes par copie (le ministère en accorde 30) = 1 840 minutes (ou 2 400 pour 100% d'une tâche) = 30,66 heures (ou 40 heures).


Les étudiants, ils me sauvent. On devrait éliminer les couettes et les dentelles. Les prof et les étudiants, c'est bien assez... Les parents qu'ils paient un peu plus; les stationnements, on les élimine, ça encouragerait le transport en commun.


La magie compense. Le départ vers l'autre dimension: le contournement de la réalité. Rencontré un jour, un prof de cégep prenait deux cuites sérieuses par année: une à la fin de chaque session. Une cuite assez sévère pour perdre la carte totalement. Seulement deux, pour pouvoir continuer et se rendre au bout. L'enseignement de sa passion ne connaît pas de bout. On finit toujours par s'ennuyer de prêcher parce que, même quand c'est dur, on sait qu'on ne prêche pas dans le désert.


Une quinzaine d'années = une trentaine de sessions = 3 000 étudiants: ça ne remplit même pas une seule salle de concert. Une carrière pour une tout petite secte. Mais on s'amuse avec ma culture et c'est ce qui compte. Prendre un train vers l'inconnu avec le vieux havresac plein des souvenirs des randonnées passées.


8 décembre 2010

Je t'écris...



Rien à ajouter ce soir que ce très beau texte du grand poète Miron. Je l'avais rencontré à l'époque à l'université où ses paroles ressemblaient tellement à ses mots. Je me souviens, nous étions une seizaine de jeunes fous qui se faisaient autant de mal que de bien. Je crois que nous formions un futur qui n'a jamais pris sa place comme elle devait. Nous étions une pomme grenade qui a germé sans jamais engendrer. Dans des sols dispersés, nous voguons toujours, je crois, dans la sphère que la vie a rafalé comme une congère sur un corps que nous n'avons jamais assumé... Je lis Agaguk. Pour lui, le Nord est le toit du monde et ses habitants les seuls hommes dignes de ce nom. Sommes-nous à ce point du Sud?



Je t'écris
I
Je t'écris pour te dire que je t'aime
que mon coeur qui voyage tous les jours
— le cœur parti dans la dernière neige
le coeur parti dans les yeux qui passent
le coeur parti dans les ciels d'hypnose —
revient le soir comme une bête atteinte
Qu'es-tu devenue toi comme hier
moi j'ai noir éclaté dans la tête
j'ai froid dans la main
j'ai l'ennui comme un disque rengaine
j'ai peur d'aller seul de disparaître demain
sans ta vague à mon corps
sans ta voix de mousse humide
c'est ma vie que j'ai mal et ton absence
Le temps saigne
quand donc aurai-je de tes nouvelles
je t'écris pour te dire que je t'aime
que tout finira dans tes bras amarré
que je t'attends dans la saison de nous deux
qu'un jour mon coeur s'est perdu dans sa peine
que sans toi il ne reviendra plus
II
Quand nous serons couchés côte à côte
dans la crevasse du temps limoneux
nous reviendrons de nuit parler dans les herbes
au moment que grandit le point d'aube
dans les yeux des bêtes découpées dans la brume
tandis que le printemps liseronne aux fenêtres
Pour ce rendez-vous de notre fin du monde
c'est avec toi que je veux chanter
sur le seuil des mémoires des morts d'aujourd'hui
eux qui respirent pour nous
les espaces oubliés
Gaston MIRON



7 décembre 2010

Question de vision...


De plus en plus, la recette de monsieur le maire de Trois-Rivières fonctionne. Trois-Rivières prend une place de plus en plus importante dans les médias. Trois-Rivières perd son image de pause-café comme le mentionnait ce matin un commentateur de Rythme FM. Je suis fier de ma ville.

Je devrais donc être fier de mon administration municipale. Le suis-je? Je vais voir un centre des arts digne de ce nom s'ériger sur les lieux mêmes qui avaient été achetés à vil prix par de très riches magnats du papier pour continuer à exploiter les ressources ligneuses des environs. Ils avaient même poussé la dégradation de la rivière St-Maurice en déversant des tonnes de produits chimiques et en flottant le bois. Mais ils avaient accepté, après que les syndicats les aient brassés, de donner des salaires qui clouaient le bec à tout le monde. Leur calcul était clair. Nous poussons la production à ces coûts pendant une vingtaine d'années, puis on fout le camp; juste le temps de préparer l'exploitation d'une autre population ailleurs. Mon administration municipale a racheté ces terrains à prix d'or; elle l'a nettoyé à prix d'or. Ses ambitions de vendre des espaces à prix d'or se sont envolées comme feuilles à l'automne. On y retrouvera des édifices fortement subventionnés pour décorer ce qui aurait pu être un magnifique parc. Tout ce développement se fait grâce à la baguette de monsieur Lévesque. Au fond, il dirige Trois-Rivières un peu comme son restaurant de nourriture rapide caché derrière les commerces qui marchent. Oui, je suis fier de mon administration municipale, car elle rend ma ville moins villageoise et plus citadine. J'en suis fier aussi parce que ses problèmes sont des problèmes de croissance et donc pas de stagnation. Monsieur Lévesque dirige comme un élu d'expérience qui a appris à tenir pour acquis que la majorité de la population le suit de toute façon. Il fait sans doute ce calcul: outre le fait que ma majorité a été fortement réduite, en comptant les pantouflards lambineux qui ont décidé de ne pas voter, il y a 79,38% de la population qui ne sont pas assez en désaccord avec moi pour me dégommer, ou, pour être totalement optimiste, 79,38 % des Trifluviens m'aiment! Si une si forte majorité me donne sa bénédiction, je dois personnellement être fier de mon travail et cette fierté rejaillit sur toute ma ville. Ce n'est donc pas une question de fierté, c'est une question de respect; de respect de part et d'autre s'entend.

Ça, pour le respect, on repassera... de part et d'autre aussi. Monsieur Rheault pose des questions auxquelles monsieur Lévesque n'a aucune réponse - et il le sait très bien, c'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle il les pose. L'inquiétude qui a gagné la population devant la très inquiétante marée noire des gaz de schiste est symptomatique de la furie médiatique qui s'empare de tout projet un peu important ces dernières années. D'une part, on retrouve de spécialistes de l'organisation de manifestations, et d'autre part nous retrouvons des dirigeants qui ont de plus en plus la mèche courte devant l'impossibilité de bouger sans devoir retarder sine qua non ce qu'il juge pertinent pour le développement urbain. Faire taire un citoyen qui pose des questions légitimes n'est ni poli ni de bon aloi. Si monsieur Lévesque avait la même bonne humeur que lorsqu'il se promène en public - j'en ai fait l'expérience lors d'une sortie avec monsieur Jutras - , le premier magistrat était aussi chaleureux et sympathique que l'autre était d'un snobisme délirant, la plupart des réunions du Conseil deviendrait populaire pour autre chose que les chicanes qu'il cultive. Ce comportement, habituellement, survient lorsque le sujet se sent agressé et en positon d'insécurité. Ici, à la réunion du Conseil, monsieur Lévesque avait possiblement toutes les raisons de se sentir en danger puisqu'il ne pouvait fournir les réponses par ignorance, qu'il ne voulait pas les dévoiler s'il les connaissait ou qu'il jugeait plus efficace de poursuivre son habituel traintrain expéditif. Je crois personnellement qu'il avait raison de signer ce contrat avec Talisman. La façon dont il l'a fait est plus que condamnable, mais en homme fort de 80 % d'approbation issue du vote, jusque'à nouvel ordre, on n'y peut pas grand-chose.

Monsieur Rheault est un individu formidable. Je la sais, je le connais. Il ferait d'ailleurs un excellent ami pour monsieur Lévesque. Il aurait plein de choses intéressantes à lui enseigner; et vice versa, monsieur Lévesque pourrait lui en apprendre beaucoup. Mais cela n'arrivera sans doute pas. Pas à cause de monsieur Rheault qui ne demande que de s'entendre avec tout le monde et qui veut se faire entendre, mais n'a d'autres choix que la réunion du Conseil pour le faire; non, je dirais que c'est plutôt du côté du Maire que la rencontre bloquerait parce qu'il s'est fait ériger toutes sortes de barrières par une équipe de professionnels de tout acabit qui l'ont convaincu de l'importance de son image de grand seigneur; ils l'ont fait parce qu'à sa suite, ce sont ces mêmes petits marquis qui se glissent dans leur petite tour d'ivoire. Si jamais monsieur Lévesque avait le goût de redevenir l'homme que les Trifluviens aimaient, s'il décidait de revenir se promener dans le Centre d'achats pour dire bonjour au monde, s'il décidait de s'inviter chez les messieurs Rheault de la ville pour prendre un bon café et parler de fleurs, de fleuve et de terrasse, je suis convaincu qu'il retrouverait la place qu'il avait et .. qu'on serait bien content pour lui quand il se rend dans les loges corporatives du Centre Bell juste avant de signer de gros contrats... Bon, OK, il serait peut-être préférable qu'il se rende dans la loge de Morisset au Colisée... Au fait, est-ce que monsieur Morisset a besoin d'une subvention?

Bonsoir! Et que la plus belle platebande gagne!




Le contrat avec Talisman mal reçu

Le Nouvelliste
07 déc. 2010

Trois-Rivières — Le contrat que la Ville de Trois-Rivières vient de conclure avec la compagnie Talisman Energy pour traiter à Trois-Rivières des eaux usées provenant de l’exploration des gaz de schiste a bruyamment rebondi hier soir, au conseil de...lisez plus...


5 décembre 2010

Steve Lerueux (nom fictif)

Sculpture de Murakami

Un chien dans un jeu de quille.
Un cheveu dans la soupe.
Une bouteille à la mer.
Un écho, un rappel...

En 1997, j'ai enseigné à Steve. Steve étudiait en Éducation spécialisée. Il avait à peine vingt ans, mais avait l'air d'en avoir 30 : il avait ce genre de maturité que les expériences de la vie accumulent dans notre cerveau. Son regard avait quelque chose d'agressif; sa voix grugeait les mots comme s'il voulait les retenir un instant avant de les lâcher; c'était sans doute toutes les paroles ravalées lors des rebuffades de la société des années précédentes. Il était musclé, court, comme un tronc de chêne; il était aussi anxieux devant ce professeur de français, image de la culture littéraire qu'il craignait de toute évidence de pocher, non pas par faute d'intérêt et de volonté, mais par faute de connaissances, pire par faute de posséder les neurones nécessaires à le faire : manque total de confiance.

Il se lança dans la mêlée comme un ogre. Les premiers écueils et ses réactions ont tôt fait de le démarquer. Il est devenu un point repère dans le groupe. Tous les autres commencèrent à le regarder comme le pivot du groupe : la référence comportementale. Steve, c'était un ajustement des plaques tectoniques; une vibration terrible qui ne brise rien, mais sentie par tous. Il fit de nombreuses heures supplémentaires au laboratoire pour terminer le mandat du cours. Il compléta son parcours et termina le cours avec brio. Pas comme il l'aurait voulu, mais j'avais appris à le connaître : il ne serait jamais satisfait.

 J'ai croisé Steve dans le stationnement du carrefour cet après-midi. Il venait d'entrer dans son véhicule pour retourner chez lui; je me dirigeais vers mon auto quand, en tournant la tête devant les phares qui venaient de s'allumer, je le reconnus derrière le volant. Douze ans n'avaient pas suffi à effacer nos figures de nos mémoires. Je me suis tourné vers lui; il est sorti; une poignée de main solide et ce rire indélébile confirmèrent les bons souvenirs. Il a une fille et un garçon. Il travaille comme éducateur spécialisé dans une école pour décrocheur. Il a vieilli. Il n'a pas perdu son air moqueur. Et il a gardé cet intérêt à écouter l'autre.

Les souffrances ne s'effacent pas. On apprend toute sa vie à mieux les apprivoiser, mais elles restent. On veut aussi, sans doute, les garder près de nous, comme des rappels pour ne pas retomber dans les mêmes ravins. Ces fantômes de notre passé ressortent dans les zones critiques; d'autres fantômes reviennent aussi, mais ceux-là sont bien vivants. En leur nom, en ton nom Steve, voici quelques chansons d'un homme qui a écrit ta vie, ta franchise et ton courage. De nos jours, les mots sont devenus les esclaves de la lettre; les tiens ont toujours suivi l'esprit, celui que tu avais décidé de donner à ta vie sans changer un iota de ta conduite : droit comme une barre, lourd comme le passé, éclatant comme l'avenir. Bon courage Steve... Lâche pas!

4 décembre 2010

J'ai entendu la neige...



Bien beau samedi avec mes filles et mes petites filles en bonus. Chaque article que je rédige cherche à recréer une ambiance. Je cherche un sujet qui va susciter mon intérêt puis je me creuse les méninges pour faire en sorte que ce soit intéressant pour d'éventuels lecteurs. Parfois, je suis satisfait, parfois non. Écrire ressemble au jogging : plus tu le fais, plus ça devient facile... Non, pas vraiment. Ce soir, je veux finir ma journée avec le calme d'une description assez simpliste somme toute de ma journée.

Les filles sautent dans le lit vers 6 h. Encore engourdies par la nuit, elles se recroquevillent dans la chaleur du grand lit; elles ne dorment pas, mais j'entends de l'une des bruits comme si elle conversait avec ses pensées et de l'autre une succion douce et régulière de son pouce l'index enveloppé de sa couverture de flanelle. À peine une petite trentaine de minutes et elles s'activent. On se lève. On se dirige vers l'escalier à la queue leu leu pour se diriger vers le premier. Un peu de dessins animés pour elles, le rasage et la douche pour moi.

Il faut s'habiller; on s'en va déjeuner au resto. Dehors, une neige lourde couvre la voiture. Je démarre le moteur; les filles grimpent et s'installent. Je replace le balai à neige; je m'installe à mon tour; on quitte la maison; nous serons à destination dans une quinzaine de minutes. Le resto est presque vite; il est trop tôt pour la foule. Kristel nous assoit : toujours souriante! Deux oeufs bacon; un oeuf poché bacon; un oeuf brouillé bacon; trois ordres de toast; un café, un lait et un chocolat chaud. Je mange; elle engouffre; elle grignote. La foule se pointe déjà. On finit par le ballon accroché au poignet.

De retour à la maison. Les filles vont jouer dans la salle de jeu. À l'ordinateur; avec les poupées; avec les robes de princesse. Dans l'après-midi, on regarde un film; je cante; elles sirotent un demi-sommeil dans l'atmosphère mystérieuse du conte qui se déroule à l'écran. Au générique, nous nous levons en nous étirant comme sortant d'une rêverie éveillée. Nous avons nos sourires douillets; dans le silence reconquis de la maison, le crépitement de la télévision s'efface.

Je m'assois sur le divan de la salle de séjour avec Agaguk qui sera au programme à l'hiver; Laurence continue son épopée entre le chalet et le cottage de sa société de Lilliput; Emma pitonne sur Toc Toc Toc à l'ordinateur tentant de compléter quelque recette de muffin aux noix et aux raisins. Il neige dehors; il neige à gros flocons; une neige qui réchauffe en dedans. Une neige qui nous fait se frotter ensemble nos pieds sous la couverture; une neige qui achève de convaincre que le bonheur n'est pas à portée, il est là : nous y sommes!

Les flocons de cette neige, en ce samedi, calfeutraient notre intimité. Comme c'était bon...
 

3 décembre 2010

Chanter en français? Pour Piaf, oui!

BY Yumnu

La célèbre chanteuse à la vie pour le moins mouvementée et souvent terriblement difficile chantait avec son coeur, avec ses tripes.


Elle a créé des émules. De dignes pétroleuses dont la bravoure couvre de honte les plus courageux reprirent ses mélodies avec une passion pleine de volutes et de sensualité.


Aujourd'hui, un trait exceptionnellement remarquable de carrière nargue, sans exception connue, les artistes francophones de partout dans le monde. En effet, Édith Piaf, quand elle traversait l'Atlantique, donnait ses spectacles en français; quelques mots très accentués en anglais, puis elle lançait à la marée anglophone ses couplets suaves.


Chanter aujourd'hui n'est plus de l'art ou de la poésie; c'est du marketing. Je ne mets en aucun temps en doute l'immense talent des artistes qui offrent des performances sans faille parfois à un rythme effréné. J'en ai contre ces guignols qui les produisent comme des bêtes de cirque. Il doit leur falloir tout leur courage pour absorber les directives des mises en marché qui fait faire fortune à eux maintenant bien sûr, mais encore plus à ceux dont l'art ne consiste bâtir un phénomène financier.


À ce chapitre, je défie les chanteurs francophones de suivre les traces de Piaf. Qu'ils aillent chanter en français, comme Malajube le fait maintenant d'ailleurs.

2 décembre 2010

Le parachute s'est ouvert


Lentement, doucement, le parachute s'est ouvert hier soir. La fin de session combine l'anxiété de l'épreuve finale et la vision du repos. Les étudiants se dressent devant cette vérification qui se veut un résumé de 15 semaines de labeur. Pour le professeur, il s'agit d'élaborer un questionnaire efficace. Je me souviens d'un cours de docimologie à l'université: la science de l'évaluation; la science d’emberlificoter un examen de façon à savoir presque à l'avance quel résultat nous aurons. Ce calibrage des connaissances me fait penser 
à la grande bêtise nationale que l'on nomme l'Épreuve uniforme de français. Nous pourrons y revenir, mais disons tout de suite que cet exercice a réussi à pousser tout le corps professoral du collégial à s'engoncer dans un bachotage sans fin en marginalisant l'objet premier de la mission première de ces cours: la formation générale. Vive l'inquisition linguistique! Du calme... Nous parlions du processus de vérification.

Les étudiants et les professeurs, donc, scrutent les quinze dernières semaines: les uns pour aller chercher la meilleure note possible; les autres pour s'assurer que l'acquisition a été faite et dans quelle mesure. Il y a stress contre stress: l'assimilation contre le pointage. Par contre, le stress le plus important se campe définitivement dans le camp des étudiants. Ils doivent offrir la meilleure performance possible. Pour le professeur, surtout s'il compte quelques années derrière la cravate, l'exercice devient plutôt routinier; il fera même du copier-coller avec l'examen de l'an passé en y changeant quelques virgules ici et là. Le stress se trouve plutôt dans la qualité du texte que dans le contenu même.

De là le parachute... Tout devient plus calme. Pas de préparation, on revise. Les étudiants deviennent soudainement très attentifs aux messages dont le professeur fluctue l'importance au gré de piments à saveur aléatoire: tiens, je vois bien cela dans l'examen; hum, cette notion est tellement importante, on ne peut passer à côté; ça, je souligne à gros traits. Puis, finalement, on annonce le barème de correction avec un ton de glas dévastateur. Sous les pieds, du mois d'août jusqu'à décembre; un coup de vent parsemé de coups de vent, de moussons, de mirages, de douce brise. Bientôt que des souvenirs.... Attention! Oups.... Une culbute... on roule; le froissement à l'arrière; petite glissade. Arrêt. J'ai fini de corriger; j'ai compilé mes notes; je les ai remises; j'attends quelques jours, pas de demandes de révisions. Les vacances!

Mais ça ne vous lâche jamais. J'ai déjà commencé à lire pour l'Hiver. J'ai déjà commencé à songer à mes groupes et aux activités que je leur proposerai. Cercle vicieux. Après le parachute, j'attends patiemment le planeur!