16 décembre 2009

Entre le temps et l'hésitation...

Schwarz-Bart vécut ce drame terrible de la reconnaissance immédiate. Le poids s'avère trop lourd; la responsabilité trop contraigante. Il veut guérir; le vaccin offert à la première heure le transforme en ermite. «C’est un écrivain à qui il est arrivé un grand malheur : il a fait ses débuts avec un chef d’œuvre.»

Encore monsieur Assouline qui nous invite à retourner dans la mémoire, puisque «tous avancent dans la lumière de leur vérité secrète».

À lire absolument.


3 novembre 2009

La faune domiciliare




Que j'aime ce lieu pastoral!

Quelques marmottes qui font le bonheur de mes jeunes filles — le beau toutou qui bouge; trois familles de rats musqués qui rôdent autour de la piscine; des écureuils trop nombreux pour le compter qui grimpent sur le mur de stucco et les moustiquaires en nous regardant effrontément; huit mouffettes, bien comptées, attrapées dans les cages, dont deux ensemble la semaine dernière; bien sûr les chats; évidemment les nombreux oiseaux qui viennent se nourrir aux mangeoires; les quelques familles de souris des champs qui gambadent dans le plafond du sous-sol malgré les sacs de moulée empoisonnée et les quelque douze trappes enfromagées dispersées un peu partout. Il y a aussi la faune à peine civilisée qui orbite dans les chambres de l'hôtel, gagne-pain de ma conjointe, mais on y reviendra...

La vie sur le bord du fleuve n'en demeure pas moins idyllique. Les arbres de marais, la coulée à l'eau brunâtre et huileuse, bourrée de résidus huileux et nauséabond fruit de puisards qui rejettent directement leurs eaux; la berge marécageuse immédiatement à côté du pont qui sent le canard et l'algue poisseuse; et ce pont, mais oui ce fameux pont, qui charrie ces points lourds aux freins Jacob, tonitruant les oreilles en faisant vibrer la maison comme autant de tremblements de terre au cliquetis de tout objet plus ou moins bien fixé sur son socle.

Ah! divin lieu pastoral! Jamais le Lac de Lamartine n'aurait semé les larmes que mon fleuve et sa faune ne m'extirpent chaque nuit de tintamarre symphonique.

23 octobre 2009

Le précurseur







Le texte qui suit est cité de la revue Sciences Humaines, octobre 2007, n°186, page 46.

Paul Otlet (1868-1944). Il avait rêvé Internet






Jean-François Dortier
L’homme qui voulait classer le monde est le beau titre de la biographie consacré à Paul Otlet (1868-1944) (1). Ce juriste belge fut un visionnaire, porté par un grand rêve. Les documentalistes le connaissent pour avoir inventé la CDU (Classification décimale universelle). Mais son projet était plus vaste : classer tous les savoirs du monde – livres, articles, photographies… – dans un lieu unique et centralisé. Avec le soutien du roi des Belges, le Mundaneum voit le jour au début des années 1920. Là des équipes classent, répertorient, rédigent des notices avec le but affiché de contribuer au progrès de l’intelligence en classant tout le savoir humain. Le temps passant, le projet prend de l’ampleur. P. Otlet rêve de construire une « cité mondiale » où seraient rassemblés tous les savoirs du monde, et dont Le Corbusier dessinera même des plans et maquettes.
En 1934, P. Otlet imagine dans un texte prémonitoire ce que sera Internet : « Ici, la table de travail ne serait plus chargée d’aucun livre. À leur place se dresse un écran et à portée un téléphone. Là-bas au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les renseignements… De là, on fait apparaître sur l’écran la page à lire pour connaître la réponse aux questions posées par téléphone, avec ou sans fil. (…) Utopie aujourd’hui, parce qu’elle n’existe encore nulle part, mais elle pourrait bien devenir la réalité pourvu que se perfectionnent encore nos méthodes et notre instrumentation. »
Mais à partir des années qui suivent, P. Otlet perd peu à peu ses soutiens. Finalement le Mondaneum ferme au début des années 1930 et ses collections sont dispersées. Il ne désarme pas, continue de noircir ses carnets de nouveaux projets. En 1934, il publie son Traité de documentation, considéré comme l’ouvrage de base de la documentation moderne. Malgré une reconnaissance internationale, l’aspect utopique de ses projets l’isole de plus en plus… Devenu aveugle à la fin de sa vie, P. Otlet meurt en 1944. Son œuvre sombre dans l’oubli.
Depuis peu, on redécouvre P. Otlet. Il fut non seulement l’inventeur de la documentation moderne mais il avait imaginé Internet, le Web et même Wikipedia bien avant l’heure. Un film et une biographie lui ont été consacrés en 2006.

NOTE

Françoise Levie, L’homme qui voulait classer le monde. Paul Otlet et le Mundaneum,Les Impressions nouvelles, 2006.






Nous soulageons notre ignorance avec de galantes et polies expressions qui deviennent des proverbes. Nous tétanisons nos craintes par de tournures langagières habiles. De tout temps, la marge ne cultive jamais que la solitude et l'incompréhension. Il en est bien ainsi, car le solitaire se régale de l'abandon ambiant. Il s'en masturbe; c'est sa joie, sa drogue. Tel le poète qui se replie sur son texte; l'écrivain qui met fin à ses jours juste après sa dernière conclusion, il n'est jamais que la brique qui tombera du mur avant les autres, que la dernière feuille à s'accrocher au lierre. Je lisais dernièrement un article au sujet de Geoff Powter et de son héros, Conrad Kain dans le Canadian Geography: ce célèbre alpiniste canadien, amant des Rocheuses, décida d'escalader seul le Bugaboo Spire. Seul; en solitaire; suivant le chemin. Powter se lance donc à l'attaque; bientôt, au tiers de l'escalade, il doit renoncer et rentrer à cause de la détérioration de la température. Deux poids, deux mesures : Otlet s'est fait voler définitivement son rêve par la maladie; Powter, par les éléments.

Les défis sont nués comme les gants à l'époque des duels. Le courage de les relever est bouteille à la mer. Et encore faudrait-il faire la part des choses entre courage et aveuglement.

Finalement, montagne ou communication, c'est toujours Sisyphe qui se balance.






22 octobre 2009

Vous dites... cul?

Je suis jaloux. Ouf! Voilà! Je n'aimerais pas exhiber mon encrier à quelque autre plume quelle qu'elle soit.

Agnès Giard de Libération active les testostérones avec son blogue Les 400 culs. Le titre sur lequel nous nous arrêtons reprend une expression fort populaire: Montre-moi ta femme, je te dirai qui tu es!

«Pour vivre heureux, il y a ceux qui préfèrent se cacher. Et puis il y a les autres qui ne conçoivent le bonheur que dans l’idée du partage, y compris érotique: ils exhibent leur conjoint(e). Parfois même ils le/la prêtent.»

Roi-candaule

On parle bien sûr de liberté de part et d'autre. Giard dévie tout le long de son article vers l'absence de droit des femmes voilées ou non. L'homme prête; il justifie ses gestes; il philosophe même sur ses vertus de partage ignorant les sentiments de sa femme.

Preuve que le voile ou l'isolement n'est qu'une partie du problème. Un peu comme la violence psychologique que l'on aime ignorer, que l'on ne s'avoue jamais, la violence physique a mille et unes facettes.

Bonne lecture.

9 septembre 2009

L'instant écrit

_ + = plate à mort ou l'infini...

: # = bouche cousue ou herpès buccal

à + = (accent facultatif) à plus tard ou à plusieurs

Langage de cafetière. Ignorance crasse. Paresse congénitale.

Parlons. Lisons.

Clive Thompson on the New Literacy survole notre écriture; celle de nos étudiants aussi.

À l'heure où notre ministre de l'éducation annonce un énième plan pour contrer le décrochage, les enfants, les adolescents, les adultes, ma foi, toute la population mondiale de toute la terre écrit à en perdre la tête. Vous êtes-vous déjà arrêté à réellement penser à la masse infinie et aussi incalculable que les déficits budgétaires de nos gouvernants produite quotidiennement. Combien d'amis avez-vous sur Facebook? Combien de conneries avez-vous lues ou écrites sur votre ou tout autre blogue? Combien de suiveux ou de suivants comptez-vous sur Twitter? Ce ne sont que quelques-unes des multiples interfaces disponibles. Ne parlons pas des courriels, des copies conformes, des listes, des groupes, des copies masquées et autres manigances pour rejoindre des humanoïdes bipèdes dans un certain espoir d'évangélisation. On tuerait pour communiquer. Une bonne proportion de l'humanité placote abondamment sur la Toile : Toile? Web! On ne croyait pas si bien dire; on en est tous là : sur et dans la toile et l'araignée s'empiffre goulument... Mium mium mium... L'écrit est « Paramount ». Hors contrôle. Libéré. Free as a bird!

Qui va pouvoir gérer cette formidable créativité? Personne! Trop tard! Le monde a pris le contrôle de l'écrit. On lui a coupé la parole en le gorgeant d'images télé. On lui a coupé la parole en lui rappelant constamment qu'il n'avait rien de vraiment intéressant à dire : va jouer au soccer; mets tes écouteurs; pratique ton Lost Invaders; Wii Wii! À l'école, on le parque quelques instants entre les journées pédagogiques et les visites aux mille et un médecins de l'âme et des pieds. Depuis quelques années, les maladies et troubles de déficience de toutes sortes fusent de toute part : hyperactivité, dyslexie, alexie... et le Survenant! Il faut punir sévèrement toute tentative de rédiger des SMS en classe : mais pourquoi veut-il tant écrire le p'tit monstre? Écris ce que je veux ou Slam! CONSÉQUENCE! Nouveau mot, nouvel euphémisme pour Ta créativité, Tes initiatives, Tes goûts du risque, faut les tuer dans l'oeuf de la routine de Ma société, de Mes règles, de Mes réponses : de MON AUTORITÉ! Paramount!

«We think of writing as either good or bad. What today's young people know is that knowing who you're writing for and why you're writing might be the most crucial factor of all.»

Il faut alors insister sur le personnage qui va le lire. Il peut écrire pour son professeur. N'importe lequel. Il va satisfaire madame Leclerc et monsieur Lassonde; les plus vites vont même démontrer tous les efforts nécessaires pour connaître les replis un peu véreux de monsieur Lafleur pour les petites confidences personnelles « en toute intimité » assaisonnées de quelques moues voire quelques larmes; pour madame Caron, il faudra un peu de Cavac, de féminisme et de cheveux dans le vent sur ma montagne sauvage de liberté souriante; pour monsieur Pépin, il s'agira de quelques modifications bien éparpillées d'un obscur site d'autant plus ravissant que personne n'en a jamais encore parlé. Oui, bien beau, mais le ministère c'est qui? Au cours de mes années d'enseignement, j'ai rencontré plusieurs étudiants qui ont joué habillement avec le concept de l'Épreuve finale en identifiant les standards primitifs auxquels la horde de correcteurs ministérieux obéit : ils se sont retrouvés avec des résultats surprenants; des A, des B. Les plus inquiets et même assez régulièrement les plus créatifs croupissent et se complexent d'incompréhension devant leur C, pire leur D, et si d'aventure ils ont porté le zèle jusqu'à élaborer quelque chose d'intelligent, de vraiment intelligent, d'original, de fondateur, ma foi, ils ont probablement perdu le zélote qui ne sait plus où donner de la cote...

À titre gracieux, voici donc le portrait du correcteur type et je vous souhaite à tous une bien bonne journée:

3 septembre 2009

Faux jetons

Les feuilles du marronnier sèchent. Elles brunissent de dépit. Le chêne luit et brille et va et vient dans la brise, ne peut croire à sa chance. L'été fout le camp; l'automne arrive la nuit et conquiert le jour. Le jardinier, avec qui j'étudiais le comportement de nos plates-bandes, remarquait que certaines variétés de plantes reprenaient déjà le cycle du printemps avec des bourgeons neufs; les cannas d'ailleurs après avoir attendu le soleil et ne le trouvant qu'en début septembre exposent leurs fleurs à la merci des nuits fraîches : il faut les voir le matin arborer tristement un léger brun-tabac avant de reprendre quelques teintes rosées rouges en après-midi sous le soleil de plomb. À la fenêtre, les oiseaux s'empiffrent aux mangeoires ; écureuils et tamias se gorgent de grain entre deux voyages de cocottes de pins à leur nid. Rien n'y échappe après le brun le blanc.

«Sun and moon, sun and moon, time goes. In Mrs Smith's acres, crocuses break the crust Daffodils and narcissi unpack their trumpets. The reviving grass harbors violets, and the lawn is suddenly coarse with dandelions and broad-leaved weeds. Invisible rivulets running brokenly make the low land of the estate sing. The flowerbeds, bordered with bricks buried diagonally, are pierced by dull red spikes that will be pionies, and the earth itself, scumbled, stone-flecked, horny, raggedly patched with damp and dry, looks like the oldest and smells like the newest thing under Heaven. The shaggy golden suds of blooming forsythia glow through the smoke that fogs the garden while Rabbit burns rakings if crumpled stalks, perished grass, oak leaves shed in the sark privacy of winter, and rosebush prunings that cling together in infurating ankle-clawing clumps. These brush piles, ignited soon after he arrives, crusty-eyed and tasting coffee, in the midst of the webs of dew, are still damply smoldering when he leaves, making ghosts in the night behind him as his footsteps crunch on the spalls of the Smith driveway. All the way back to Brewer in the bus he smells the warm ashes.» (Updike, Rabbit run, page 117)

Rabbit doit gagner sa vie. Fuir la réalité comporte un prix. Il découvre la vieille veuve et son jardin. Il semble renaître sous les cendres du vieil automne parmi les chaleurs colorées du jeune printemps : fuir et sa récompense.

Le poète allemand Goethe dans son livre La Morphologie des plantes argue que toutes les plantes, incluant leurs fleurs, ne sont que des feuilles. C'est depuis peu aussi l'avis des généticiens botaniques qui ont découvert que la surprenante invasion des fleurs dans la nature alors qu'elles étaient, pratiquement, absentes durant plusieurs centaines de milliers d'années proviendrait de leur dédoublement cellulaire bisexuel.

Rabbit perd pied. Il sort de son terrier pour courir, mais revient rapidement : il a peur; il a besoin de chaleur. Il va faire des feux chez madame Smith; il brûle le vieux. Il couche avec Ruth; il veut revoir des couleurs. Il passe du simple au complexe. Il refuse la routine; il marche vers le printemps. Rabbit est la métonymie de l'évolution ou alors la synecdoque de sa société : Américaine d'après-guerre, simpliste et abrutissante. Updike en sort la fleur, mais c'est une fleur d'ortie. L'éclosion colle la réalité : c'est une fleur de macadam!


27 août 2009

Le jeu et la littérature


Le goût de reprendre une avenue introduite par un bon ami me vient ce matin : le jeu virtuel dans la formation académique.

Ma formation littéraire me mène instinctivement vers le jeu que représente l'analyse de texte. J'envie les professeurs de sciences qui ne s'ingénient pas trop longtemps pour motiver la horde de leurs ouailles qui luttent férocement pour atteindre des performances dignes d'une rutilante cote R et d'un droit d'entrée dans des secteurs d'élite qui leur amèneront argent et reconnaissance. Attention, je connais certains professeurs de sciences qui, en véritables pédagogues se lanceront des défis superbes en introduisant des méthodes toujours plus originales pour présenter des concepts en évolution continue : confrères, quel baume de voir vos efforts, vos projets, couronnés par des mines attentives, curieuses et avides de se rendre au bout du défi, au bout du contrat. Malheureusement, outre ma personnalité, mon charisme et ma profonde affection pour eux, je ne rencontre, après plus de trente années dans le secteur, que des succès mitigés et souvent réducteurs : la littérature officielle, le roman, la poésie, le théâtre et dans un moindre impact l'essai, ne soulèvent à peu près jamais de passion. Les multiples contorsions pour séduire fonctionnent habituellement, mais ne développent que très rarement une onde qui perdure au-delà de quelques semaines.

La question que je me pose est la suivante : comment développer chez les étudiants en technique, toutes techniques confondues, le sens du défi qui suscite la curiosité et la volonté de fouiller avec enthousiasme le monde de la littérature?

Je débute cette brève réflexion avec une citation de Maurice-Jean Lefebve, théoricien littéraire français, prise dans son livre Structure du discours de la poésie et du récit aux pages 92, 93 et 94 :

« Le terme d'image est vague, il recouvre des réalités diverses : représentation mentale, imitation picturale, décalque, copie, figure de style en général ou plus particulièrement métaphore. Disons d'abord que, par image, nous entendrons toujours image fascinante, c'est-à-dire un phénomène qui, nous le savons, entraîne l'interrogation sur la Réalité. La présentification. [...] La vie pratique ne distingue entre réel et irréel que pour les besoins de son action. Ou plutôt, elle accepte également le réel et l'irréel à la condition de ne pas risquer de les confondre. Alors une représentation mentale lui est aussi utile qu'une perception. [...] Ainsi, ce que le conducteur d'une voiture voit dans son rétroviseur devrait conduire à la catastrophe. Il y puise pourtant des renseignements vrais qui guident son action. [...]

L'image fascinante consiste donc dans le phénomène par lequel l'objet de notre conscience, quel qu'il soit, se voit soudain mis en doute dans sa réalité et sa présence. Je dis : “l'objet de notre conscience» parce que deux cas sont ici possibles. Ou bien c'est la réalité de l'objet de notre perception qui, à la suite de quelque circonstance, nous apparaît soudain comme douteux et glisse vers l'irréel; ou bien c'est l'objet de notre imagination (une représentation d'abord purement mentale, un souvenir ou un rêve) qui semble tout à coup acquérir une consistance «réelle», qui glisse, dans un mouvement contraire, vers la matérialité. Dans les deux cas, il y a donc ambiguïté, incertitude, doute portant sur la véritable réalité (ou irréalité) de l'objet. Il s'ensuit que cette réalité mise en péril et en quelque sorte vacillante, braque notre attention sur elle et nous amène à formuler la question à partir de laquelle, comme nous l'avons vu, se prononce la Réalité esthétique. [...]

Le phénomène fascinant, dans la vie quotidienne, est souvent dû au fait que deux sensations qui nous viennent du même objet et qui à l'ordinaire coïncident, se trouvent soudain décalées l'une par rapport à l'autre, cette simple perturbation de notre perception suffit à en mettre en cause la réalité. Ainsi d'un spectacle contemplé de loin et dont les bruits qui nous parviennent sont en retard sur nos perceptions visuelles de quelques dixièmes de seconde. L'espace acquiert alors une consistance qui communique aux choses un aspect insolite. »

Alors si nous transposons ces données de réfraction entre la réalité perçue et la réalité réelle, nous pourrions suggérer une connexion entre les événements d'une oeuvre littéraire et les événements que l'étudiant fréquente dans son champ de spécialisation. Les chances de confronter les épisodes littéraires à des épisodes professionnels pourraient susciter de l'intérêt. Le rétroviseur devient la structure de sa réalité professionnelle; il doit avancer grâce à elle au travers d'une fiction qui interprète celle-ci. On me rappellera que les professeurs font souvent preuve de contorsion exemplaire pour créer des liens; mais cette fois, il faudrait l'implication des professeurs des cours spécifiques.

L'équipe de professeurs enseignant aux programmes s'entendrait sur un corpus à lire de part et d'autre; c'est-à-dire qu'autant le professeur de littérature devrait se documenter sur une dynamique professionnelle autant le professeur de formation spécifique devrait être informé et lire les oeuvres au programme. Nous atteindrions grâce à cette dynamique une réelle approche programme. Il serait d'ailleurs intéressant de réaliser à quel point les oeuvres, plusieurs faisant déjà partie du corpus régulièrement utilisé, même littéraire ont des connexions surprenantes avec la vie... On a tendance à l'ignorer. D'autre part, la communion des connaissances entre les professeurs de formation générale et spécifique pourrait ouvrir des perspectives riches.


26 août 2009

Ted Kennedy



Has enough been said? I guess not...

John, le grand frère, commença par son assassinat. Le deuxième, Robert, amplifia le psychodrame sous les balles de Sihran B Sirhan. Le plus jeune allait survivre politiquement beaucoup plus longtemps. On se demande bien pourquoi : parce qu'il n'était pas président? Peut-être. Pourtant, il a tout fait pour le devenir à une certaine époque.

John et Robert durèrent le temps d'un coup de coeur; Edward a vieilli dans la machine comme le vieux Joseph dans sa fortune. On a dit que John n'avait jamais travaillé un seul jour de sa vie. On pourrait sans doute dire la même chose de Robert. On ne peut très certainement pas en dire autant de Ted. Il faut travailler fort pour renouveler à chaque quatre ans un mandat électif. Peu importe l'argent, les gens ne sont pas dupes au point d'élire à répétition un homme, toujours le même, à leur sénat.

Bien sûr, il y eut toutes sortes de drames et de scandales, mais jamais d'assez grotesque ou grotesque pour le remiser aux oubliettes. La lecture de plusieurs articles à son sujet permet de constater le populisme de ce bourgeois. À la tête de plusieurs dizaines de millions de dollars, il se faisait le défenseur de la veuve et de l'orphelin. Ce scénario ne tourna jamais à la théâtralité; son honnêteté prévalait toujours. Depuis 1962, sans coup férir, il revenait au Sénat américain sous la bannière démocrate pour clamer la justice sociale.

La mort des deux premiers Kennedy a soulevé l'horreur. La mort de Ted Kennedy soulève l'inquiétude devant la perte d'un grand défenseur et l'espoir de pouvoir encore célébrer de grands américains.

24 août 2009

Vision

Parfois, les messages s'embrouillent. Un retour de lecture s'est mêlé à un autre par un automatisme que je m'explique encore mal. Un de ces gestes sans aucune logique qui nous fait creuser l'inconscient à la recherche d'une réponse. La nuit dernière, j'ai recopié quelques lignes de Le Clézio pour marier celles de Denise Bombardier. L'américanité brute de l'une fait une liaison oblique à l'arabisme conteur de l'autre. Comme si le conte fantastique poursuivait l'élan réaliste.

Les trois soeurs, sang héréditaire qui a coagulé; dont la galle séchée a résisté à toutes les tempêtes, à toutes les foudres; trois sordides femmes issues d'une Terre zolienne bouclent leur vie en célébrant une mort :

« L'après-midi où elle décida, en quelque sorte, de partir, ses soeurs étaient à son chevet. Elle s'adressa à Gloria en yiddish. “On l'a pas eue facile», murmura-t-elle. «T'as toujours été trop intelligente», répondit Gloria dans cette langue qu'elles avaient partagée en une complicité quasi affectueuse. «J'me suis bien occupée de toi quand t'étais bébé», dit Irma, «J'le sais, souffla Edna. Pis c'est pas vrai que tu m'laissais dans ma pisse,» «Repose-toi, pis sois pas inquiète, on va rester ici avec toi", dit Gloria, «Vous êtes ben bonnes toutes les deux», souffla-t-elle, Gloria lui prit la main tout doucement pendant qu'Irma lui caressait les cheveux. Edna referma les yeux. Les deux soeurs évitèrent de se regarder et demeurèrent silencieuses. Plusieurs minutes s'écoulèrent. Seul le souffle affaibli d'Edna brisait le silence. «Je sens plus son pouls»...» (Denise Bombardier, Edna, Irma et Gloria, page 243)

Elles sont peut-être canadiennes-françaises, peut-être québécoises, ou un peu américaines; elles sont clairement en chute libre dans un univers qui ne les ancre pas, où la notion d'appartenance, pour reprendre les mots de Noah Richler, est absente.

Absence dans laquelle nous lance Le Clézio avec cette petite aveugle qui cherche le ciel, l'azur, le bleu :

«Le grand ciel noir était absolument lisse, dur, paré de petites lumières lointaines. C'était le froid qui commandait sur ce pays, qui faisait entendre sa voix.

Peut-être que là où on allait, on ne pourrait plus revenir en arrière, jamais. Peut-être qui le vent recouvrait vos traces, comme cela avec son sable, et qu'il fermait tous les chemins derrière vous. Puis les dunes se mouvaient lentement, imperceptiblement, pareilles aux longues lames de la mer. La nuit vous enveloppait, elle vidait votre tête, elle vous faisait tourner en rond. Le bruit rugissant de la mer arrivait comme à travers le brouillard. Les grincements des insectes s'éloignaient, revenaient, repartaient, jaillissaient de tous les côtés à la fois, et c'étaient la terre entière et le ciel qui criaient.» (J.M.G. Le Clézio, Peuple du ciel, pages 48 et 49)

L'existence gonfle l'univers qui s'élève en monstre que l'on pourra ou non apprivoiser. Le dilemme des vies tient dans ce défi. Je dirais à un bon ami : est-ce donc un jeu? Nous devrions discourir sur la valeur de ce mot. Chose certaine les mêmes jeux n'ont pas le même effet sur tout le monde : l'un joue, l'autre vit. Le ciel est vaste et impénétrable, c'est un acquis; l'Amérique est vaste et mystérieuse, c'est une réalité. Les enfants survivront à leur vision, des clins d'oeil les y invitent; les trois sorcières — remember Eastwick — s'étoufferont dans leurs propres psaumes.


22 août 2009

De fil en aiguille

La littérature est un inépuisable compagnon. L'étrange séquence de lecture que voici illustre que seuls la méconnaissance et le manque de curiosité rendent ses services mitoyens à la quotidienneté. L'éducation gouvernementale me force à enseigner des gammes que les étudiants doivent nécessairement acquérir pour se voir délivrer leur diplôme. On y reviendra; sois dit en passant qu'il n'existe rien de plus efficace pour tuer le culturel et la langue avec elle.

Or donc, le printemps dernier, je lisais le panorama de Noah Richler, This is my country, What's yours?, avec engouement. De province en province, il cheminait de la côte ouest jusqu'à l'Atlantique en n'interviewant que des auteurs vivants. Parfois captivant, parfois baillant, souvent instructif, toujours souriant et bonhomme. Le point fort du bouquin est assurément sa thématique : (page 3)

« If you are canadian and travel at all, then you lesrn very quickly that the place ou come from is just that - Nowhere - that Canada is not on the map. »

Richler parle abondamment et avec une unique originalité de ce « nulle part ». Il est souvent et presque instinctivement associé au Grand Nord; toutes les provinces vivent au sud; toutes les provinces entretiennent le mythe du pur inconnu en haut. Pur. Inconnu. Haut. Trois mots essentiels me semble-t-il dans notre histoire commune. Blancheur. Mystère. Inaccessible. Pour cette trouvaille et son exploitation, la lecture est essentielle.

Curieusement, l'un des grands points faibles de son livre tourne autour de deux des plus grands auteurs canadiens encore vivants : Margaret Atwood et Victor-Lévy Beaulieu. Cette encoche me troubla; bien sûr, les littérateurs régionaux ont fait leur chou gras de l'épisode plutôt comique de sa rencontre ratée avec Bouscotte. Qu'il ait été saoul ou non, en bobette on non, avec un ventre plus ou moins proéminent, pouvait-on s'attendre à autre chose de Monsieur Bas-du-Fleuve ? Il était chez lui; il a fait les manchettes une fois de plus; Richler aurait dû faire comme la plupart des journalistes qui voulaient rencontrer Félix : arriver avec un vieux Glenlivet. Avec le père qu'il a eu, il aurait pourtant dû le savoir. On a passé sous silence toute l'ironie du rendez-vous avec Madame Atwood : dans la chic cafétéria d'un chic magasin à rayon. Cette déception face à deux auteurs si cruciaux dans notre histoire littéraire amena ma fille, à qui je m'étais confié, vivant à Toronto et affichant sa francophilie de son mieux, à m'acheter la traduction d'un livre très révélateur bien que peu célèbre : Margaret Atwood — Victor-Lévy Beaulieu — deux solicitudes (two solicitudes). Ces entretiens colligés par Doris Dumais élèvent un débat national au niveau littéraire. On y découvre que ces deux personnes de lettres s'adorent, se respectent, se lisent pour finalement se commenter et développer une complicité qui réjouit. En fait, Atwood et Beaulieu sont deux créatures invivables; elles sont d'une indépendance farouche; elles se carpent comme le brochet à l'approche d'une éventuelle capture. Atwood et Beaulieu appartiennent, quoi que Northrop Frye puisse en conclure, à la grande littérature contemporaine. Alors le physique et le puritanisme, on repassera.

Plusieurs mois plus tard, me voici à la suite d'une recommandation de lecture d'un ami, devant un mastodonte américain : John Updike, Rabbit, Run. Je goûte; je lis lentement ce début de tétralogie; je souris à la crudité des descriptions... Et soudainement, sens le besoin de retourner voir Les Grands-pères. Et Miami, Miami, Miami. Puis Le Rêve québécois. Je ne peux donner de raisons. La connexion existait. Beaulieu existe bel et bien; il est en mal de presse; il est pressé d'arriver quelque part avant sa mort? Je lui accorde tout. Un auteur écossais donnant une entrevue radiophonique au sujet de son premier succès public, son quatrième roman, mentionnait qu'il n'était pas un « writer », mais un « writist »; un peu comme on dit un violoneux et un violoniste. Mais on ne s'embarquera pas tout de suite dans ce débat-là...


20 août 2009

Updike?


Rabbit, run dans une mer de détail. Voilà Zola parfois avec l'orgie de précision; Dos Passos avec la chaude lenteur presque suffocante; Kérouac avec son vocabulaire en marge d'une société puritaine; Beaulieu avec son sexe précis et omniprésent dans la relation de l'homme. Dans une entrevue, Updike signalait sa difficulté à bien ausculter sa créativité et aussi à comprendre l'aggressivité des femmes à son égard.

Il ne crée pas. Il calque un personnage ancré dans une société rattachée à des paramètres qu'il n'arrive pas à maîtriser; mais ces mêmes paramètres n'ont jamais raison de lui: sa lutte est efficace; il réussit toujours à avoir le dessus sur elle. Mais cela ne lui apporte jamais le bonheur. Comme son basket secondaire qui ne lui a rien, mais absolement rien, apporté, il chevauche sur une selle sans animal.

Sa recherche de bonheur passe irrémédiablement par l'amour. Cet amour, il ne la trouve que temporairement au mieux. Il est voyeur pas partenaire. Le portrait d'Updike dans son écriture devient la futilité de sa vie dans la fiction à l'intérieur de laquelle il se débat. Les femmes ne l'aident, il s'en sert comme de vulgaires poupées qui ne réusissent qu'à l'éloigner de sa quête.

Page 95:
She laughs, on and on, in that prolonged way women use when they're excited by you and ashamed of it, "Oh my Rabbit," she exclaims in a fond final breath. "You just grab what comes, don't you?"
"He got hold of me," he insists, knowing his attempts to explain will amuse her, for shapeless reasons. "I didn't do anything."
"You poor soul," she says. "You're just irrisistible."
Viens dans les bras de maman mon petit, elle comprend que tu n'es pas en mesure de lutter, d'affronter, de prendre ta vie en main... En cultivant sa faiblesse, la femme updikienne donne au héros le confort nécessaire pour calmer les ardeurs qui auraient pu lui permettre d'assumer ses peurs et ses faiblesses.

... Je continue. On verra bien...

19 août 2009

La mort qui vit.



Le pèlerinage du poète inclut le cimetière du Père Lachaise à Paris. Cet espace relève du mythe. Les plus célèbres auteurs, artistes et autres personnages historiques (http://www.pere-lachaise.com/) y reposent. Le Monde met à notre disposition trois témoignages saisissants sur les visions que provoque ce lieu (Père-Lachaise, cimetière buissonnier,LEMONDE.FR,21.07.09)

Du nécrosophe à la baladeuse, les morts parlent encore. Nous savons tous que ces décédés agissent en nous. Parfois, nous doutons de leur pouvoir sur l'imaginaire; quelques statuts au repos, certains mausolées envahis par la végétation, nous rappelleront que leur accompagnement n'est pas enfoui avec leur corps; leur esprit nourrit leur légende.


18 août 2009

hommage à Jacques Rouillard

Beau cadeau que tu me fais là Jacques! En plein le jour de ma fête...

Notre dernière conversation remonte au restaurant St-Hubert alors que j'étais tiraillé par mes jeunes filles et que tu mangeais ton poulet en galante compagnie. Fin mai, je crois bien. Je t'avais brossé le tableau de ma condition cardiaque. Le dernier. Le dernier de nos nombreux dialogues souvent au laboratoire des professeurs ou à la bibliothèque dont tu préférais les larges baies vitrées au béton du sous-sol où tu n'avais pas encore de bureau: chargé de cours oblige!

Souvent, tu lisais La Terre de chez nous attablé sagement parmi les étudiants. Ou tu corrigeais une des nombreuses copies des rapports de laboratoire ou des contrôles de tes étudiants. Tu souriais toujours. On avait des bons mots, des jeux de mots ou des vieux maux; ça faisait du bien de sortir ces rages, ces rancoeurs, ses blessures.

Mon cadeau, c'est que tu en as fini d'attendre. Un poste; un bureau; un bonheur en béton; une solution... magique. Tu ne seras plus là où tu t'asseyais; tu seras désormais partout. Ce soir, alors que je te place sur mon blogue, peut-être simplement pour avoir quelque chose de concret sur lequel graver mon souvenir, je t'entends rire : mieux qu'avant, car ce n'est plus au collège que je l'entendrai, mais dans ma tête.

Amuse-toi bien là-haut. Ils ont sans aucun doute les meilleures archives sur la nutrition et la collection complète de cette Terre de chez nous!


17 août 2009

Lee Gowan : The Last Cowboy




Page 234:

WOOD PANELLING. The sink overflows with dishes. Pizza boxes piled beside rows of empty beer, and whiskey bottles on the lime-green linoleum counter. The smell - of the dishes and garbage that's been left too long - is only slightly disinfected by the smell of cigarette smoke and alcohol. Perhaps there is the smell of another disinfectant as well: a row of bleached animal skulls is arranged on a shelf lkge knickknacks. The cowboy explained to me how he'd stripped them down to the pure white with some sort of acid. They are a powerful white indeed. Badger, deer, eagle, sparrow, gopher, cow, horse, dog. Morbid but beautiful. Certainly sculptural. They dominate the room, presiding over it all with their empty eyes. I can't help thinking of Dad. I take photos, having been let loose to document the lair in any way I choose while the cowboy has gone to "do his ablutions."
Gowan sends his men deep into primitive life. Even those living - what a big word - existing would be better, in cities are raw. Their suit don't fit; they're polyester, shiny and uncomfortable. Les femmes: plus à l'aise; plus volontaires. Pas surprenant qu'elles dirigent, conduisent et prennent des décisions. Mais, à la fin, tout ce beau monde ne trouvera la paix que dans la mort: du rêve ou de la vie... Ou de l'inatteignable: Ai, woman fooled by a big time movie producer, is looking for a deadend road! She finds it and turns back to life; her one day companion still walks the prairie dealing with his lost opportunities et les affres de sa terre d'origine.



15 août 2009

Attendre la nuit.


Le Soleil se couche dans l'orgie de couleurs. Ma Terre bascule dans le noir. Aveugle au bruit du trafic sur le pont à ma fenêtre. La chaleur de la journée poussa chaque minute dans la tension. Les gestes de la quotidienneté s'enflent dans cette torpeur. Les filles se chamaillent; elles se taquinent; elles se poussent, se frappent; elles crient puis pleurent; quelques secondes, cinq à peine, elle se regardent et partent à rire. Pas une sonate même de Rachmaninov, une fugue de Bach, une marche de Strauss. L'air conditionné est au bout; le manque de fréon est frustrant. La température se stabilise trop rapidement aux alentours de 25 °. Les lumières rouges, les arrêts, les autres, les maudits autres colons qui ne savent pas conduire. On arrive; un peu de réparation sur le pont : 70 km/heure : je mets le régulateur de vitesse et faites-moi chier! Suis! Peut pas dépasser : une seule voie. FIN. J'accélère au plus vite pour continuer à taper sur chose en arrière. 100 atteint; on se calme; les filles gardent le rythme. L'enfer. Il fait si chaud. La sueur me coule sur le front, sur les tempes; j'ai les mains moites. Elles rient. Bon Dieu! Elles recommencent à crier : Non, NON, c'est à moi, Ahhhh! Pas fine! MÉCHANTE!! 100. On ouvre un peu pour respirer. La voie d'évitement arrive. On va prendre l'embranchement pour la 55 sud. On va prendre la sortie juste avant le pont. On se stationne, ouvre la porte et ouvre la porte coulissante de la fourgonnette pour sortir les deux tyrans. Dans la maison se sera plus frais.

Les deux se retrouvent dans la piscine. J'ouvre le réfrigérateur : le Clamato, une bière, un bock du congélateur. Il n'en reste que la moitié après la première gorgée. Je suis debout à la fenêtre de la cuisine et les regarde se débattre : dépenser leur énergie pour un sommeil hâtif... Faut pas rêver!

Mais là, je suis au lit. Elles dorment après câlins et bizous. J'écris quelques mots la fenêtre ouverte. La brise souffle doucement. Je suis seul. Les draps sont propres, je viens de les laver. Bon, bon. Ça valait le coup. Jusqu'à six heures demain matin! C'est justement ce qu'il me reste : 6 heures!


14 août 2009

Qui fait du journalisme? Moi?



Écrire pour se faire plaisir devient un passe-temps. L'écriture reprend son rôle primitif : communiquer brutalement; directement; sans vergogne. Dire.

Un grand merci à Assouline pour avoir mis en ligne cette référence. Chris Anderson fait un constat troublant de la situation médiatique actuelle. Les journalistes et leur patron en sont les premiers responsables : ils voulaient jouer les vedettes et les richards; élever leur rôle au niveau d'une religion, d'une dictature de la parole dont ils tenaient seuls les rênes.

L'empire chancelle. Peut-être retrouverons-nous la réflexion sur papier que l'on a un jour connu.

J'écris.

13 août 2009

The Horseman's Graves, Jacqueline Baker



Un cadeau. Un emballage rude. Des rubans effilochés par le vent qui charrie le sable des prairies. L'histoire de Baker nous met la poussière et les tumble weeds dans les yeux. Des pionniers sauvages et rustres coulés dans le roc absent de la sécheresse semi-désertique d'une Saskatchewan aussi vile que fière, aussi mystérieuse que vierge; qui pourtant absorbe tous les vices, et les vicissitudes, que l'humanité place dans son chemin.

Personne n'est beau; tout le monde s'accroche, mais nous accroche aussi à leur environnement maudit. Mais qu'ils ont choisi comme des centaines de milliers d'oubliés ont choisi, juste au sud, des prairies tout aussi inhospitalières. Les cowboys et les vipères courent le même bétail :

Ronnie shifted on the pew beside his mother and coughed and felt too warm, and his mother frowned over at him, but he could not sit still, the air was too close - why would someone not open a window? - and so he rose, and saying, "Excuse me, pardon, excuse me, please," he squeexed down to the end of the pew and into the aisle and toward the door, while Father Rieger frowned down at him, saying, "And so on this Easter Sunday morning, we must all ask ourselves" - his voice following Ronnie out the door and into the bright morning - "Is it life everlasting which I seek, or only the tomb erternal?"

Seulement la vie, révérend, malgré cette nature infâme qui ne cherche qu'à détruire l'oeuvre en émergence. Pas nouveau, de tous les temps, la littérature canadienne à relever ce noeud gordien de la survivance. Point bien intéressant d'ailleurs : si la survie, version francophone passe dans le Québec par la religion, la culture et la langue, c'est un luxe que les pionniers de l'Ouest n'ont pas. Tu marches ou tu crèves versus tu plies et tu t'assimiles.


11 août 2009

Le droit de lire au soleil

Je suis invalidé. Un cardiologue l'a décrété le printemps dernier. J'ai devant les yeux un écureuil noir; il ramasse les graines de tournesol échappées de la mangeoire. Une mangeoire de trois : les deux autres offrant aux chardonnerets, aux mésanges et aux moineaux divers mélanges de graminées. Quelques tourterelles tristes accompagnent l'écureuil de temps à autre. Le gazon sent bon; le soleil reste accroché; mes fleurs sourient en accompagnement du jeune marronnier de quinze ans qui atteint maintenant une quinzaine de pieds de hauteur et presque qu'autant d'envergure. Est-ce cela que Rabbit fuit?... De village en village. Une image pastorale trop accrochée au mouton et pas assez à la montagne?...

Updike le laisse deviner. Rabbit rêve et se sauve pour ne pas se réveiller. Il court l'Amérique. Comme Kerouac. Le monde, comme Hemingway. Antoine Compagnon posait déjà la question (14 mars) au sujet de la vie et de la fiction : quelle est la marge de différence entre les deux univers? Alors Updike cherchait-il donc à se sortir de sa vie. Baker, U and I, juge ironiquement l'homme derrière le personnage. Je viens de lire un article sur l'Enfer de la bibliothèque nationale de France où sont conservées les oeuvres trop crues pour les tablettes populaires. L'auteur américain ne fera jamais ces sous-sols reclus, mais il ne brasse pas moins son carrosse, bonjour Emma Bovary, par l'entremise de monsieur Angstrom. Je lirai donc, tranquillement bercé par un poli « R » ma lecture insouciante mais captive sous un soleil d'emprunt qui est soudainement proscrit à tous mes confrères et consoeur. Le coeur a ses raisons. Le sexe aussi!

7 août 2009

Debout!

Et si je me levais...


Menaud est mort debout: tombé dans un trou de neige. Des héros qui soulèvent le drapeau américain sur le mont Suribachi, trois étaient amérindiens; ils crevèrent comme des chiens dans les ruelles de l'Amérique...

Fichier:USMC War Memorial Night.jpg


Je suis fier de quoi au juste?

20 mars 2009

I will survive

As crazy as always...





And for ever!

15 mars 2009

Ballade pour Dimanche

Allez! Dimanche.

On ferme les yeux.

On se berce.


Voilà...

Maintenant, tu vas prendre une marche!

14 mars 2009

Fiction

J'écoute un cours de littérature sur le podcast du Collège de France. Proust en est la vedette. Antoine Compagnon y parle entre autres de Blanchot, critique et auteur français à la plume sévère et riche tant dans sa fiction que dans son regard sur l'autre. Ils sont d'accord, tous les deux, pour affirmer que la fiction ne peut se détacher totalement de la réalité: toute création littéraire demeure le reflet d'une vie. Assouline, incidemment, touchait ce dilemme en étudiant la dernière oeuvre de Carrère (Classe de neige); il le fait régulièrement sur plusieurs auteurs et leur vie. Les deux univers se touchent nécessairement, mais la fiction n'existe que dans la distance que l'auteur place entre lui et ses personnages.

L'autobiographie devient dès lors un phénomène intéressant. Nous pourrions aussi parler de la «story life», terme qui naquit aux États-Unis dans les années 60 qui est devenu un genre littéraire en propre et qui romance à souhait le véridique pour y laisser planer toute l'invraisemblance que veut bien y placer l'auteur. Incidemment, le livre de Nicholson Baker, U and I, pastiche updikien du, alors, jeune auteur avec son héros chemine le long du même sentier. On y entre avec méfiance; on reconnaît le milésime littéraire du créateur du célèbre Rabbit et du grand succès cinématographique Witches of Eastwick dont l'origine est un autre de ses romans; puis, peu à peu, la structure styllistique cahoteuse typique du grand romancier devient plus originale: nous en arrivons au cliffhanger narratif où le jeune disciple ne laisse que des ombres. Updike, lui-même, d'ailleurs n'est pas sans rappeler certaines tournures de Dos Passos: la vie américaine riche de sexe, de chaleur, de profusion et de leur vie... quotidienne.

La fiction est un jeu. Que le meilleur gagne et devienne la racine du prochain. On ne parle pas de plagiat; on parle de culture.


12 mars 2009

Au fil des ondes ~


J'aime bien ce caractère d'imprimerie : vague; bouche indécise; sourire évocateur. Ondulée. Très féminin. Très doux. Très accueillant. Plein d'indécision; ou encore de charme; ou de valse en tango.

Je me souviens d'un voyage à Montréal, la grande et belle! À l'époque, l'Ouest et Eaton apprenait le français; la petite Italie nous avait donné Fiori: définitivement UNE! J'y avais assisté à la pièce Ondine de Giraudoux au Rideau vert. 1972...

Le souvenir n'a plus rien à voir avec la réalité. Trente-sept ans plus tard... Les fauteuils en velours commercial avec des dossiers en violon et des sièges à ressort. La scène fume: légèreté; vide sauf un navire à la voile bleue; un couple qui se parle doucement en costume de conte de fées. Ils parlent doucement. J'entends une berceuse. Sa voix enchante; ses paroles bercent. Ondine et son chevalier comblent la noirceur qui enveloppe. Pas besoin d'entracte, surtout pas : il ne faut pas briser le rêve. Ondine de Giraudoux demeure en moi. Intéressant de réaliser aujourd'hui que je suis allé vers elle autant qu'elle s'est présentée à moi. N'est-ce pas là la richesse, l'importance, la NÉCESSITÉ de la culture, de la littérature. ~

Qui va vers la culture aujourd'hui? Une infime minorité. Qui croit encore à la gratuité de la culture aujourd'hui? La gratuité : le fait de profiter d'une oeuvre pour le simple plaisir de découvrir ou de se sentir humain : quelques-uns; rares. Ondine se noie. Elle parle à travers les obligations scolaires; celles sociales des voisins gonflables en complet trois-pièces; celles financières de se faire voir; celles morales de ce support factice qui amène les pharisiens et leur chaux.

Ondine, en 72, m'avait coûté un billet d'autobus pour Montréal et un billet pour le fauteuil. Personne n'achète plus de billet d'autobus; on ne peut plus prendre le train, on a fermé la gare; Je pilote mon auto: plus commode! Mais le rêve est brisé.

Dans mon enseignement, la littérature règne: son histoire, son contenu, sa valeur, sa profondeur; son humanité et sa gratuité. Mais rares sont ceux qui marchent avec moi. N'est-il pas plus facile de tromper Ondine; de lui conter romance, de la distraire de son essence en nommant bêtement ses attraits sans l'aimer pour ses méandres. Sans mon enseignement, je crèverais; sans la survie de l'espoir de capter un esprit ou de séduire un être, oui, je crèverais sûrement. Alors, année après année, je reviens au navire et prie Ondine de me renouveler sa confiance. Si elle en vient à s'imaginer que je m'éloigne d'elle, j'aurai perdu mon pari. Ainsi, à l'orée de la vie, l'euphémisme poli s'étiole sur l'hyperbole créatrice. Convaincre de la gratuité littéraire! Apprivoiser la culture! Vivre.

Et les Ondines d'on ne sait où... ~ #

Je retourne à ma culture! Je retourne lire...


28 février 2009

Pas de deux


En harmonie. On oublie le négatif. Le pas des deux; la danse duo. La ronde trio. L'enfance rêveuse!

Fatima, Artimis ou Sybille. Clélie, Freyja, Cybelle et Nessa. Nous ne parvenons jamais à définir notre moi... ni celui des autres. Mes filles appartiennnent à la destinée. Nous appartenons à la destinée. Dans ce monde hallucinant (lat. hallucinatio: errer; quae Epicurus hallucinatus est (Cir); les rêveries d'Épicure) des fantômes démiurges, nous soudons des halos (gr. halos: cercle lumineux; hêlos: clou ) sur nos vies. Voile ou karma, la confession au prêtre nous permettait de traduire phantasmes et regrets. Le grille et l'encens s'esquivant, l'esprit erre. Je me réfugie dans les livres pour ouvrir les horizons. Quand ils ne suffisent plus, j'ai recours à ma descendance pour maintenir l'ouverture. Lorsque le porte du confessional refuse de me donner accès à la nef, alors je m'élève chez elles.

Ah! Les femmes de ma vie! Mes livres d'aventure aux mille et une péripéties.



26 février 2009

J'ai été programmé


Plus on vieillit, plus on recule.

Les grands-parents ont disparu de l'écran radar de plusieurs enfants aujourd'hui. À qui la faute? Aux parents qui préfèrent le soccer et les spectacles infantilisants de leur progéniture, et aux vieux eux-mêmes, monstres niais de paresse et de Sud à tout prix. Alors les enfants poussent dans le jeu organisé; ils sont laissés seuls le plus vite possible pour que le couple, conjointement ou séparément, puisse revamper leur moral; ils survivent le secondaire; ils surfent le collège. Une minorité bien sûr, car la plupart se sont arrêtés en cours de route.

J'ignore dans quelle mesure mon enfance fut en ligne avec la majorité ou marginale. À l'époque, les sondages ne faisaient pas les manchettes. J'ai dans mes souvenirs beaucoup de mon grand-père marternel. Mais ma mère qui semblait vénérer ce père, avait développé un culte autour de lui, alors on peut toujours douter. Toujours est-il que ce grand-père s'occupait de nous, nous racontait des histoires, nous montrait les araignées qui tissait les toiles et tout le bazar charmant qui fait rêver: le vieux idéal quoi! Après avoir tenté sa chance à plusieurs commerces, il était maintenant bedeau. J'imagine qu'il avait réussi à gruger tout ce que ma grand-mère avait reçu de son père, un bon bourgeois confortable. J'ai donc passé un certain temps avec lui au centre-ville; un autre bout de temps avec des cousins tapageurs en campagne; puis un long séjour à l'orée du bois dans un nouveau secteur résidentiel dans un cottage relativement cossu. Ce sont les années qui m'ont fait je crois bien. Les souvenirs s'entremêlent; p'tit bonheur, p'tit malheur. Pour utiliser une comparaison moderne: formatage de mon disque dur; motherboard; ram rom; bits and pieces...

Quelle est ma marge aujourd'hui? Pas sûr! J'ai remformaté à plusieurs reprises; mais, comme tout bon technicien vous le dira, les données ne disparaissent jamais totalement. Funny! Les disques durs de nos ordinateurs fonctionnent de façon étonnamment similaires à notre cerveau humain. T'as beau nettoyer, il en reste toujours.

J'ai été programmé pour faire le bien.... HaHaaahahahahhh! Quelle joke! Beware...

25 février 2009

Communiquer



Mille et une facettes. Une longue robe à paillettes multicolores à col roulé, à manches longues, avec une longue traîne qui ramasse toutes sortes de matériel hétéroclite pour le transformer en événement. Image falsifiée. Image mirage. Image, mensonge, manipulation.

Je dis beaucoup ; beaucoup trop. Je parle comme je respire ; je devrais écrire plus et parler moins... La plupart du temps, je parle pour respirer plutôt. Est-ce que je communique? Non, je ne crois pas parce que peu de gens entendent. Oh! Ils écoutent ; mais n'entendent absolument rien.

Je fais présentement partie d'un chantier sur la communication à mon collège. On cherche comment nous pourrions améliorer les communications. Hum ! On a engrangé un peu plus de quatre heures déjà en discussion, en remarque, en proposition. La chaloupe tient l'eau. L'atmosphère est sereine. Le contenu ? Non pas encore. Confidentialité. Et c'est bon comme cela. On finit le travail ; on soumet les recommandations ; on attend ; le ballon revient... et la balloune crève !

On crémera un peu plus épais ou on apportera des correctifs.

Une chose est certaine, je n'ai pas l'impression de perdre mon temps. Bien malheureux de voir le peu d'enthousiasme qu'a suscité cette initiative. Ce fait est symptomatique : il y a des problèmes dans mon collège parce que le crémage est trop épais et la vérité perdue. Quand on investit dans l'image, on s'éloigne nécessairement de la réalité. Quand on dépense pour la galerie, on doit souvent couper dans la stucture. Il y a un quartier dans la ville de St-Louis qui faisait pitié dans les années 70. Mais il fallait le savoir parce que lorsque vous déambuliez sur les rues vous n'aperceviez que des façades de pierres et de briques imposantes et opulentes sous des arbres immenses où les écureuils et les oiseaux chanteurs s'excitaient dans des concerts harmoniques. Il fallait savoir. Savoir qu'à l'intérieur de ces murs cossus, il n'y avait que ruine. Les riches bourgeois avaient délaissé leur manoir citadin pour des villas banlieusardes ; ils avaient quitté le centre-ville. Le quartier gardait son charme, mais avait perdu sa substance. C'est mon collège. Dans les années 90, des yuppies sont revenus dans le quartier. Ils ont acheté à rabais ; ils ont rénové ; installé leurs mille caprices dans les multiples chambres... parfois un ou deux enfants : ils ont donné la vie. Bon ! Ils ont rebranché le frigo, d'accord. Les murs de pierres et de briques ont trouvé des mignons; les arbres sont devenus creux; les écureuils, obèses; les merles, enroués.

24 février 2009

Bien assis dans ma ségrégation


Dans la presse du Québec, un peu partout, ces derniers jours, on obnubile sur le taxage à l'école. Des témoignages fusent de blessés présents et passés; d'autres, plusieurs sans doute, lisent tout ça en se demandant quand viendra leur tour.

On ne peut rien contre la vertu...

Si on cherche un peu, je crois bien que la très grande majorité des humains sur terre ont subi une forme de taxage ou une autre. On n'a qu'à penser à toutes les versions que peut prendre cette forme d'abus d'un individu sur un autre. Une brève liste:
1- l'aîné sur le cadet
2- l'ami sur son préféré
3- le conjoint sur son réciproque
4- le professeur sur son élève
5- le battu sur un plus faible
6- le cultivé sur l'inculte
7- le riche sur le pauvre
8- le pauvre sur le riche
9- le patron sur l'employé
10- le syndicat sur le syndiqué (et vice versa)
11- le syndiqué sur le non-syndiqué
12- l'homme sur l'animal
13- le parent sur l'enfant (et vice versa)

On s'arrête? C'est assez! Compris? La valse des Je me sens différent ne finit plus. On va peut-être parlé de dyslexie comportementale pour ceux qui ne sont pas compris. Il faut bien commencer à comprendre que la vie est ce qu'elle est et que les individus qui la composent sont ce qu'ils sont. On peut passer sa vie à se plaindre ou à agir. Quelle est la solution pour les marginaux? Quelle est-elle pour les hyper-grégaires?

Les solitaires promènent souvent l'image de subversifs; les gueulards aussi même si parfois leurs mandibules se gonflent plus d'air que de sens. Les populaires passent pour des manipulateurs. Ils publient leur malheur comme d'autres remplissent leur placard. Il y a les squelettes de laboratoire avec lesquels tout le monde joue et ceux des cimetières qui valsent les vents d'automne.

À ma deuxième année d'enseignement, dans un groupe de secondaire deux, un jeune aux alllures fragiles, plutôt gêné et retiré, n'ayant à son actif qu'un ou deux autres élèves comme compagnon quotidien, avait sauté une coche lors d'un exposé oral; pas sauter un coche sur un coup de sang. Non! On sentait de la préméditation dans son geste. Il avait lancé brutalement de sa petite voix qui sortait de son petit corps un avertissement final au bully du groupe; un gros et grand campagnard, serein (trop à son goût sans doute) et goguenard; une espèce de Hells avant la lettre, plutôt sympathique pour les professeurs; c'est vrai, en général, les prof les aiment bien ces bons vivants; je me demande bien pourquoi. Enfin, appelons-le François pour les besoins de l'histoire, lance une craie dans le direction de Robert, fictif vous l'aurez compris, qui la reçoit avec un air d'incompréhension mêlé de rire et surprise. François assortit son lancer d'invectives verbales qui l'encourage à cesser toute remarque portant sur lui dans le but de faire rire. J'ignore ce qu'est devenu Robert; peut-être est-il retourné dans sa campagne à faire vibrer des trente sous dans son dépanneur. Mais François, lui, est partie prenante d'une entreprise florissante qui brasse des dizaines de millions. Leçon? Aucune. L'un a eu le courage de se positionner; l'autre la bonhomie de l'accepter.

Les souffre-douleurs ne sont pas sympathiques. Les agresseurs n'ont plus. Mais, dans une certaine mesure les uns existent grâce aux autres. Les cercles vicieux ne révolutionnent pas sur des abstractions. Il y a ceux qui agacent et ceux qui détruisent; et ces deux verbes vont dans les deux sens: tu agaces par ton attitude ou tu agaces pour provoquer; tu détruis par ton action ou tu détruis par ta passivité.

Notre société est malade. Des citoyens ont gâché le respect de l'autorité en ridiculisant aussi bien les personnes en titre que les institutions. Nos enfants poussent dans des détritus nauséabonds de la destruction du respect hiérarchique qui constitue l'organigramme du respect essentiel qui fait qu'une société est viable. Sans recours, l'individu, jeune ou vieux, faible ou puissant, devient lui-même l'étalon de l'autorité sociale alors qu'il ne s'agit que de sa propre autorité individuelle. Peu importe son crime, peu importe la personne objet de sa hargne, il est innocent, car la société ne lui renvoie que l'image de son propre salut et non plus celle du salut de sa société. Curieusement, notre civilisation rejoint le primitif dans cette caverne où seul le plus musclé et le meilleur à la chasse, ou le plus grégaire et le plus populaire survivra.