31 juillet 2010

Jouer avec Antidote HD



Nous nous reposons en début de soirée dans notre chalet de St-Tite des caps. Le Soleil touche le faîte des arbres de la montagne et annonce une nuit de pleine lune aussi pure que l'eau du lac. Les enfants s'émoustillent sur le divan. Je décide d'ouvrir mon Ipod Touch et d'activer l'application Antidote HD: je demande à Laurence de me donner un mot: bouclier - Emma et elle jouaient à la princesse sauvée par le prince. Aussitôt, je pitonne le mot et demande à Antidote de me donner la ou les définitions disponibles.

Bon choix Laurence: 5 définitions dont une, pièce de protection, moyen de défense.

Ensuite, on tente de deviner d'où vient le mot: l'étymologie de celui-ci prend sa source dans l'ancien français, un cousin de «écu» au XI°siècle.

Des synonymes? Il y en a onze; de façon très inattendue, Emma sort «protection». C'est bon! Les autres enrichissent le vocabulaire et s'en vont rapidement dans une mémoire à long terme...

Plus facile, les locutions avec bouclier: bouclier humain, on l'a trouvé;  levée de bouclier aussi... les trois autres? Une a trait à chaleur, une autre aux offensives aériennes et la dernière n'est qu'un prolongement de la première: faire un bouclier de son corps.

Les mots de la famille ne sont que deux; pas très enlevant!

Les analogies, au nombre de 24, sont très relevées: bon, pour la culture personnelle et la curiosité pointue.

On fit quelques mots de cette façon.

Cette application fonctionne sans connexion aucune. Elle est intégrée au iPod. Elle représente une distraction intéressante pour la voiture et, certainement, plus enrichissante que le lecteur DVD qui trône sur le dossier du siège.

La rupture...


Dionne Brand, What we all long for, un roman presque trop réaliste, indéniablement trop près. Il me reste une soixantaine de pages à lire : chapter twenty. Clara vient tout juste de « score the skin of the car all the way square to the far tail light. Fucking prick! She yelled at the house. » Tuen, Oku et Clara ont leur couleur, leurs faiblesses, leurs joies, leurs défaites, leur vie à eux, quoi! Mais ils sont devenus du sang qui coule dans mes veines.

Que faire quand on ne veut pas quitter un livre. Que l'atteinte de la dernière page développe la crainte de terminer la relation. Je lis quelques pages, un chapitre, puis je dois arrêter et poser la question à Tuen : Et, dis, tu vas survivre toute seule à la fin? Et Oku, tu vas continuer à le suivre?

J'adore lire Zola. Il est un des très rares auteurs dont je peux délaisser le roman pour plusieurs mois, puis retourner à la page dite dernière lue et tout reprendre comme si je l'avais laissé la veille. Quand je lis Zola, je suis chez moi! Je lis le plus souvent possible des romans canadiens-anglais; ils sont ontariens, albertains, terre-neuviens, québécois, mais j'ai un penchant certain pour les manitobains : j'aime leur sable et leur vent, j'aime leur nationnalité toute en subtilité; c'est un peu comme lire du Sahel : 

« La littérature sahélienne se définit à travers une double caractéristique dialectique. En effet, elle est d’abord l’expression d’un environnement répulsif qui se traduit dans les romans étudiés par les notions de démaîtrise et de déconstruction. Par le biais de ces démarches scripturaires, les écrivains sahéliens tentent de restituer l’instabilité du Sahel qui dépasse souvent les arguments opposés par ses habitants. Cependant, cette lecture à tendance pessimiste est dynamique, car l’acceptation du caractère répulsif de la littérature est un facteur de prise de conscience qui se concrétise, dans le cas de ces romans, par l’expérimentation d’une écriture audacieuse. » BOULAMA Kaoum, La double caractéristique de la littérature sahélienne à travers quelques romans.
Immédiatement après, c'est Toronto et Montréal et Vancouver que j'aime vivre à travers la littérature. Et Dionne Brand est là. Chez moi, dans cet univers petit et pas très propre de la grande ville canadienne. Un monde dans un monde : des jeunes qui cherchent leur identité à travers leur quotidien. La livraison en vélo; la sculpture domestique dans l'appartement, la musique dans la tête avant le karaoké... la délinquance immédiate avant la loi. Rand a bien raison :
« Anonimity is the big lie of a city. You arent anonymous et all. You're common really, common like so many pebbles, so many specks of dirt, so many atoms of materiality. »  (page 3)
Je m'en vais terminer mon livre. Je vous souhaite la lecture jusqu'à la fin de vos jours...


30 juillet 2010

Pensez cartésien ou réfléchir en spirale: langue fourchue.


Quand mes filles apprirent à s'exprimer, à communiquer, à prononcer des sons, elles modelèrent leur structure mentale.
« All this new research shows us that the languages we speak not only reflect or express our thoughts, but also shape the very thoughts we wish to express. The structures that exist in our languages profoundly shape how we construct reality, and help make us as smart and sophisticated as we are.
Language is a uniquely human gift. When we study language, we are uncovering in part what makes us human, getting a peek at the very nature of human nature. As we uncover how languages and their speakers differ from one another, we discover that human natures too can differ dramatically, depending on the languages we speak. The next steps are to understand the mechanisms through which languages help us construct the incredibly complex knowledge systems we have. Understanding how knowledge is built will allow us to create ideas that go beyond the currently thinkable. This research cuts right to the fundamental questions we all ask about ourselves. How do we come to be the way we are? Why do we think the way we do? An important part of the answer, it turns out, is in the languages we speak. »
Le Canada, la Belgique, la Chine, les Indes, la Serbie et combien d'autres dizaines de pays doivent composer avec de ce type de dilemme linguistique. Nous sommes loin de la grammaire unique de Chomsky. La thèse de Boroditsky défend une profonde différence entre les individus utilisant des langues différentes; non seulement leur logique fonctionnerait différemment, mais leur conclusion différerait aussi. Parlons-nous de la richesse linguistique qui, en ajoutant de plus en plus de dialectes différents, améliorerait la perception individuelle en éliminant des préjugés basés sur des différences culturelles et donc linguistiques? Ou alors, s'agirait-il d'une différence irréconciliable?
J'avais eu une discussion un jour avec un ami anglophone qui mentionnait qu'il préférait dire « je t'aime » plutôt que « I love you » qu'il trouvait plutôt sec; pour moi, francophone, c'était le contraire! Recherche d'originalité; charme du nouveau. Quand je parle une langue, je devrais commencer à penser autrement immédiatement pour couler mon raisonnement au service de la langue utilisée. Bilingue depuis plus ou moins 38 ans, j'ai peine à croire que ce phénomène modifierait à ce point ma façon de penser. J'accepterais plus facilement une modification du processus de réflexion, pas un changement de pensée. La conclusion resterait la même.
Quand les habitants des Indes se sont mis d'accord pour utiliser la langue anglaise uniformément pour communiquer entre eux pour éviter d'apprendre les très nombreux dialectes parlés sur leur territoire, ont-ils automatiquement vendu leur âme au britannisme. De même, quand la coexistence du Code de Napoléon et du Common law au Canada signifie-t-elle que les infractions sont jugées de façon différente? Les avocats devraient-ils choisir la langue des juges pour exiger un jugement en faveur de leur client? À la limite, ne devrait-on pas diriger les accusés vers des procès présidés par des individus de leur langue d'origine?
Nous tombons rapidement dans des labyrinthes inextricables. Les minuscules tribus des zones vierges sont utiles pour supporter des théories, mais prennent l'eau quand elles abordent en société. En fait, faudrait-il diviser les peuples selon leur langue et les réunir selon les mythes fondateurs de la civilisation comme l'a affirmé Lévi-Straus dans l'Homme nu :
« Les mythes ne disent rien qui nous instruise sur l'ordre du monde, la nature du réel, l'origine de l'homme ou sa destinée. Les mythes nous apprennent beaucoup sur les sociétés dont ils proviennent, ils aident à exposer les ressorts intimes de leur fonctionnement, éclairent la raison d'être de certains modes d'opération de l'esprit humain, si constants au cours des siècles et si généralement répandus sur d'immenses espaces, qu'on peut les tenir pour fondamentaux et chercher à les retrouver dans d'autres sociétés et dans d'autres domaines de la vie mentale où on ne soupçonnait pas qu'ils intervinssent, et dont, à son tour, la nature se trouvera éclairée. » L'Homme nu, Plon, 1971, p.571.
Nous sommes un ou multiples. Quand le cheval copule avec l'âne, nous obtenons une mule stérile, une fin de génération. Nos différences linguistiques nous acheminent-elles vers des conflits ou vers une meilleure compréhension de notre diversité?

29 juillet 2010

Soccer animalier



Au Vieux Port de Montréal, Vincent Munier présente 70 de ses photos animalières en grand format. Fin le 6 septembre. À voir!

Le 28 juillet, l'Impact de Montréal perdait un match contre Les Whites Caps de Vancouver. Désolante, mais méritée, cette défaite connut un heureux dénouement au Trois Amigos, sangria et nachos fromagés sur Sainte-Catherine.


Les Vikings jouaient au foot avec des têtes dont ils décapitaient leurs ennemis : Tête à claques???
Les Brits utilisaient un objet plus ou moins rond, peut-être une tête de chèvre qu'il devait amener jusque dans le village voisin contre la gang de l'autre bourg qui le défendait : le bouc émissaire!

En me promenant à travers les superbes prises de vue de Munier, je me suis pris à jouer au miroir des comportements avec ces harfangs, ces mufles, ces boeufs musqués, aigrettes, cygnes et autres rennes et ours de contrées plus moins familières et souvent carrément inhospitalières.

Le jeu du miroir, qui m'amenait à rechercher un but à la volonté de 22 personnes à mettre une sphère gonflée dans un cordage. Ils gagnent de l'argent pour mettre une dizaine de milliers de personnes, et parfois plusieurs dizaines, voire plusieurs millions si on ajoute les transmissions, en état de stress, d'espoir, d'extase ou de détresse selon le montant que vous avez placé et sur quelle équipe. Le gain ou la défaite devient immédiatement une fierté ou une honte. Situation très éphémère : le lendemain, on est prêt à recommencer de part et d'autre.

Le miroir de Munier fait partie du même ordre sauf que le jeu est figé. Le moment capté ne bouge plus. L'action a été amputée. C'est un super slomo (slow motion, cf National football league, NFL); la lenteur correspond au dialogue qui s'installe dans notre inconscient entre le début et la fin de l'histoire qui s'élabore dans notre imaginaire. Un rêve éveillé : dans le lit à bâtir des scénarios. Le photographe affirme vouloir nous transmettre sa vision de la nature et il n'est satisfait que lorsque son tableau transpire le dynamisme que lui-même ressent; il réussit : chacune de ses photos représente un arrêt sur film, un mouvement figé qui inspire l'instant originel et expire l'instant final. C'est un playball et une fin de match.   C'est du foot cervical! Avec de superbes corners...




27 juillet 2010

Nabokov and me...



Certains événements grugent le cerveau; ils créent des secousses qui ne détruisent pas; ils crevassent; ils craquent; ils fissurent; juste assez pour meubler les moments de silence et de solitude dans une nuit noire inondée d'étoiles au fond d'une chaise en synthèse. Je me rappelle cet exercice de fin d'année où nous devions décrire notre plus pénible expérience pédagogique pour la dévoiler à notre groupe puis à l'auditoire entier. Hubert Aquin, qui était venu nous visiter dans le cadre d'une cours de littérature, en riant, à la table de la cafétéria de l'université, où nous tentions de rire assez fort pour que ce grand auteur québécois nous remarque quitte à nous regarder comme le dernier des cons, avait mentionné son arrestation par les forces de l'ordre lors des événements d'Octobre 70; il avait été innocenté des accusations de complot qui pesaient sur lui. Un de nous lui avait demandé s'il était coupable finalement; nous savions par sa réputation qu'il devait bien l'être un peu. Il avait déclaré en s'esclaffant : Je ne m'inculperai pas moi-même devant vous ce matin, alors que la justice vient de me libérer... Personnellement, je n'ai pas raconté ma pire expérience pédagogique; je choisis celle qui faisait politiquement correcte. J'ai été malhonnête; j'ai au moins eu le courage de le dire. Qu'est-ce que Humbert, le nympholepte — sa propre version de lui-même — aurait donné comme expérience? J'ai épousé la mère pour coucher avec la pré-adolescente de douze ans?

Quand tu roules à 130 sur l'autoroute et que les sueurs froides t'humectent les paumes parce que tu viens de voir un fantôme provincial derrière le bosquet? Quand tu sors de la librairie avec un livre que tu as glissé dans ton manteau et qu'à la sortie quelqu'un te suit et t'intercepte pour te donner le gant que tu viens d'échapper... Je prenais l'avion pour Philadelphie avec Gary; on venait de Vancouver. À la fouille, l'agent sort de mon sac un baggie de pot, juste assez pour deux ou trois joints. Il me regarde; remet l'objet dans mon sac;  referme le rabat; le pousse vers moi. Dans l'heure qui a suivi, je scrutai les mouvements de chaque agent de la GRC qui passait dans un rayon de 100 mètres. Gary riait, blaguait, se promenait à droite et à gauche, beignets, café, cigarette — à l'époque on pouvait fumer ailleurs que dans les toilettes — moi, j'étais gelé en bad trip : la GRC, c'est comme les troopers, ils n'avertissent pas, ils menottent, point. Le plafond annonce l'embarquement; je suis sauvé; enfin le siège; pourquoi l'hôtesse de l'air me sourit-elle comme ça? Vite, les moteurs! Qu'on parte! Ça y est, on roule sur le tarmac. Ouf! On relaxe...

— Attention, chers passagers, nous devons nous arrêter pour quelques instants à la demande du capitaine qui vient de recevoir un message de la Tour de contrôle...

Oh non! Merde! Remerde! Ça y est. Cinq minutes interminables. Je croule; un cauchemar; qu'est-ce que je vais leur dire? Et Philadelphie... Ce voyage au nom du collège comme bénéficiaire d'une bourse pour ce séminaire à Germantown.

L'avion a décollé. Très beau voyage. Dis Humbert, pourquoi tu l'as marié la maman? T'aurais pu juste l'embarquer comme la plupart des pédo contemporains; une affaire de quelques jours, quelques semaines, quelque part dans un chalet boisé au bout d'une longue route de terre battue. Puis, un trou, dans la tête puis dans le sol, puis tu reviens. Plus risqué! Dis Lolita, quand tu lui as dit au revoir à Humbert, qu'est-ce qu'il restait de ta pire expérience? Tu te retrouves avec un malentendant... Tu n'as jamais très bien entendu... Je suis arrivé à bon port. J'avais, dans mon sac, la même chose que Dolorès dans sa tête : un peu de liberté... et de suspense.

Nabokov étudiait les insectes; Nabokov maniait les échecs en général; Nabokov voyait des fusions de couleurs et de formes dans l'espace grâce à sa synesthésie. Comme de tomber dans la mescaline en naissant. Nabokov décrivit des fantasmes coupables cachés profondément. Des fissures. Des vergetures de grossesse qui n'ont jamais abouti.

Hum! Bonne nuit, bon rêve!



26 juillet 2010

Des moufettes et des hommes

Ce matin de fin de vacances, oh! malheur!, le réveil fut matinal et brutal. Ma fille suit son premier cours d'équitation classique avec Sandrine Boulard. La porte-fenêtre à peine ouverte, l'odeur familière me prend au nez : elle est de retour!

Des souris et des hommes (Of Mice and Men) est l'oeuvre de John Steinbeck publié en 1937. Qui trop embrasse, mal étreint. J'aimerais bien l'avoir aux alentours pour entretenir mes plates-bandes; il pourrait en même temps caresser mes moufettes. L'été dernier, la chasse fut bonne : 9 moufettes, cinq écureuils et un chat dans le piège au beurre d'arachide. Si on ajoute les rats musqués, les marmottes, dont une est finalement restée emprisonnée dans le rejet de la gouttière, les rats d'eau du printemps, les souris des champs et les mulots, dont les quelques familles dans le plafond du sous-sol furent finalement décimées , il en aurait eu à plein pour sa déviance le beau Lennie; ma foi, il aurait même peut-être pu se taper une dépression ou à tout le moins de la corme à la paume. C'est doux George, c'est doux. Je voulais juste la caresser. Toujours est-il, qu'après la venue, la deuxième cette semaine, de quelques jeunes imbéciles, graines de mauvaises herbes pas du tout encourageant pour notre société, violant la propriété et refusant de quitter avant que la police ne s'en mêle, ce retour de la moufette bicolore m'a drôlement chatouillé la bipolarité. Juste avant de commencer à herser mes plates-bandes, j'ai placé le piège, cage à deux portes à fermeture sur ressort relié à une plaquette centrale sur laquelle se trouve l'appât: beurre d'arachide biologique, pas de coin rond pour moumou!

Dans quelques heures, cette nuit fort probablement, une claquette drue et sonore suivit de près de la cymbale typique de la broche à poule dont est faite la cage brisera le silence nocturne; puis, pendant quelques minutes, de petits cris, du grattage, du je-te-brasse-la-cage-un-peu, et, finalement, le silence de nouveau; bon, tout est relatif: vivre au pied du pont Laviolette, ce n'est pas le feutre du p'tit Sanctuaire du Cap... Tout de même. Avec un peu de chance, elle n'urinera pas. Mais par expérience, la plupart s'organisent pour asperger leur environnement immédiat. Demain, muni d'une couverture, à jeter après usage, je couvrirai subrepticement, mais jamais de façon aussi experte que mon bon ami et agent de la faune, Jean, la cage buissonnière. Je saisirai doucement la poignée du dessus pendant lequel temps moumou aura sans aucun doute commencé à rouspéter et à sentir à plein nez.

Bon, dans la boîte du camion; allez up vers un bois environnant; sortir la cage, la poser sur le sol; ouvrir la porte et la maintenir ouverte courbé au-dessus de la cage : tadam! Nous espérons tous qu'elle déambulera avec ses petits coups de hanches gracieux vers l'orée du bois. Jean me disait que le truc est de ne pas bouger; une fois, la petite bête lui a tourné autour des chevilles avant de prendre la poudre d'escampette. Ne pas bouger? Malade toi?

Je vous tiens au courant...



25 juillet 2010

Poèmes de la résistance

Un vinyle du début 70 avec des grands et des petits, tous du Québec, qui chantaient, lisaient, gueulaient une résistance toute nouvelle dans son expression rockeuse, parfois vulgaire, mais surtout impatiente. Je les écoutais aujourd'hui, Michel Rossignol en tête, sur ma vieille table tournante juste avant de la ranger dans le garage avec les autres senteurs de moisi, d'oubli. Duguay tataouinait, Charlebois volait sur Lindberg avec Mouffe, Deschamps nasillait sur les boss.

Cette mélancolie m'est venue après la réception du bulletin hebdomadaire de l'Évène français qui offre la programmation de la compilation dissidente qui sera présentée sur le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris. Vous y verrez de grandes chansons de tous les âges.

Ferré:« La mélancolie, c'est un désespoir qui n'a pas les moyens »

Bien content parfois de ne pas avoir les moyens; ça permet de garder une petite ouverture sur l'horizon. Tout s'embrouille avec l'âge, même les idées : problème, pas de foyer pour les révolutions...

Cohen, The Partisan


« Hier encore nous étions trois
Il ne reste plus que moi
Et je tourne en rond
Dans la prison des frontières.

 

Le vent souffle sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l'ombre »

Bernard (Original)



« There were three of us this morning
I'm the only one this evening
But I must go on
The frontiers are my prison.

Oh, the wind, the wind is blowing
Through the graves the wind is blowing
Freedom soon will come
Then we'll come from the shadows. »

Cohen



Cohen l'optimiste ne mentionne pas l'oubli; le retour par les ombres garantit le souvenir. De quoi doit-on se souvenir au juste? De la jeunesse, des cris, des feux, de la fronde...



Boris Vian, Les joyeux bouchers:



« Faut qu' ça saigne
Appuie sur la baïonnette
Faut qu' ça rentre ou bien qu' ça pète
Sinon t'auras une grosse tête
Faut qu' ça saigne
Démolis en quelques-uns
Tant pis si c'est des cousins
Fais-leur sortir le raisin
Faut qu' ça saigne
Si c'est pas toi qui les crèves
Les copains prendront la r'lève
Et tu joueras la Vie brève
Faut qu' ça saigne
Demain ça sera ton tour
Demain ça sera ton jour
Pus d' bonhomme et pus d'amour
Tiens! Voilà du boudin! Voilà du boudin!
Voilà du boudin! »



Tu connais ça le sang? T'as vraiment déjà saigner p'tit con? Pas une égratignure; une cisaille, une vraie; une qui gicle et tache, qui t'entre dans la mémoire, mais aussi dans ta peau, qui entre et qui reste comme le plus profond tatous jamais aiguillés.



Georges Brassens, Mourir pour des idées :



Bon, oui, voilà, je veux bien mourir à cette idée que je ne perdrai jamais mon rêve, mais faites que je ne meure pas avant d'en avoir eu une autre.



Encore Ferré, Les Anarchistes:



« Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent
Et s'il faut commencer par les coups d' pied au cul
Faudrait pas oublier qu' ça descend dans la rue
Les anarchistes
Ils ont un drapeau noir
En berne sur l'Espoir
Et la mélancolie
Pour traîner dans la vie
Des couteaux pour trancher
Le pain de l'Amitié
Et des armes rouillées
Pour ne pas oublier
Qu'y'en a pas un sur cent et qu' pourtant ils existent
Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous
Joyeux et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout »



Une idée quelqu'un pour organiser la liberté sans autorité. Ah! que je ris de me voir si belle dans le miroir! entonnait toujours la Castafiore... Et Haddock de rétorquer : Ta gueule poufiasse! Je t'emmerde... Je danse à chaque occasion : le seul endroit où je garde ma vie à moi.



Et pour finir en beauté :



J'suis un mannequin glace avec un teint de soleil.
Ravale, l'homme presse, mes conneries proférées
Sont le destin du monde, je n'ai pas le temps, je file,
Ma carrière est en jeu, je suis l'homme médiatique.
J'suis plus que politique, je vais vite, très vite,
J'suis une comète humaine universelle.

Je n'suis rien de tout cela. Mais, hé! J'ai une idée....




24 juillet 2010

Désaxé

Lisbeth Salander était définitivement une désaxée. La Fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette se brûle autant qu’elle brûle : barjot, fêlé, cinglé, cinoque, détraqué, dingo, dingue, foldingue, maboul, piqué, siphonné, timbré, toqué, zinzin – merci Antidote! –, mais un seul antonyme : sain d’esprit.

La composition du mot vient d’axis, essieu en latin; en y ajoutant le préfixe de privation « dé », nous visualisons le tout. Très social comme définition; très stéréotypé, puisque dès que l’on propose le terme, on doit immédiatement fixer l’axe à un point nommé… ou non, mais on le pense. Où est l’axe? Où est le point d’ancrage? Où se trouve la référence? À l’intérieur de la convention! Enfoui profondément dans la normalité. Alors, bien sûr, Salander est totalement désaxée. Voilà la principale pulsion de vouloir terminer le roman.

La lecture est relativement banale. La structure absolument prévisible : du beurre sur le comptoir à trente Celsius : ça beurre épais. Mais je me suis follement amusé; je veux lire la suite et fin pour apprendre ce qui adviendra aux deux larrons encore vivotant dans la nature suédoise.

Au delà de cette écriture, je trouve intéressant ces personnages qui orbitent, presque tous, dans des sphères satellitaires comme autant de lunes qui s’accrochent à une quelconque planète qui, honnêtement, pourraient aisément se passer d’eux tellement ils ne lui apportent rien : le néant! Les désaxés aiment les marges : parlez-en aux professeurs : ils y passent leur temps pendant leur correction. Mes ballades en vélo deviendraient des calvaires infernaux si, soudainement, une des mes roues décidait de se désaxer. Non, non! Tu restes en place; tu obéis; tu suis; de cette façon, je peux me désaxer, aller où je veux, enfreindre les lois de la circulation, faire à ma tête, c’est CAPital! Il faut toujours une dose d’axe pour pouvoir actionner le désordre. Le chaos n’existe que par l’ordre sur lequel il s’échafaude ou qu’il détruit…

Salander nous fait du bien. Sa super intelligence actionne nos espoirs : oui, on peut s’en sortir; s’agit de vouloir. Chose que nous ne voulons que peu et pour de très courtes périodes. Salander, on l’aime pour sa folie. Salander, Superman en jupon!


23 juillet 2010

En mémoire du CHUM...

Trois dans le sous-sol

On vous garde à l’urgence. On vous transfère en OB (chambre d’observation). Les OB sont des enclos de parcage pour un troupeau d’insécures ou d’impatients ou d’habitués.
À l’arrivée, un jeune Mexicain en appendicite aigüe accompagné par sa mama et bientôt son papa et deux sœurs fébriles devant la tragédie… À ses pieds, Jo de Larue sans dents ni dentiers en jaquette et boxer en teintes agricoles réclame son allocation de voyage pour retourner chez lui à l’AUTRE bout de la ville : mon ticket d’autobus tabarnak! Admis pour crampes abdominales, il a goulument avalé son souper avant de quitter le douillet lit où il a récupéré un peu de son énergie perdu sur le trottoir. Sitôt vide, sitôt rempli : une veille italienne et une vieille Grecque. Avec un vieux Canadien pour compléter le bal, le portrait de famille va faire Hérouxville, la ville de l’insertion sociale québécoise.

Irène, à droite, est incontinente. Elle pisse au lit; elle pisse en sortant du lit; elle pisse dans sa couche; et elle défèque par la bouche. Au figuré. Rien ne la satisfait, ni la position du lit, ni l’attitude des infirmières, ni les compétences des auxiliaires, ni le service de santé, même pas sa pauvre fille… aussi mal emmanchée qu’elle, qui vient pourtant, allez savoir pourquoi, la voir chaque jour. Elle n’est pas laide; plutôt jolie; moins obèse que potelée : poupée qui rit et crie. Les nombreuses alarmes qu’elle sonne allègrement au poste de garde se terminent souvent par une demi-engueulade faute de la perfection du service rendu. Pas conne tout de même : les infirmières de haut niveau et entre autres responsables de la médication reçoivent le miel de la reine, voire même la gelée royale en excuses et sourires rauques : argent en banque pour le prochain somnifère nocturne. Elle dirige son regard du côté de la Grecque ivoire. Elle cherche à pénétrer son histoire, mais elle ne parle que le grec. Quelques mots en grec ne suffisent pas à établir quelque empathie que ce soit; même après avoir tenté vainement de l’introduire à de l’italien 101 pour voir s’il n’y avait pas de connexion possible : le multiculturalisme tout de même…?

Cassandre? Athena? Médusa? Edna! Elle éleva ses enfants, ne put donc pas apprendre d’autres langues. Autre avantage : tous les petits de la famille, jusqu’aux petits cousins furent forcés de parler, de comprendre et d’obéir à la Grèce montréalaise. Obligation très efficace pour la survie de la culture familiale et traditionnelle : une garderie familiale pour laquelle on a ciblé une éducatrice, grecque bien sûr elle aussi, qui prendra charge de la bande d’enfants jusqu’à l’âge de la sortie sociale obligée vers l’âge de l’école. La parade de traducteurs, tous d’origine grecque oblige, défile d’heure en heure : la belle-fille, le fils aîné, l’anglais de près après le grec, le français à la traîne; les petits-enfants, 30, 27, 22, 16, sont une vague linguistique à la marée incertaine selon les lunes et les vents, mais la maternelle est profondément ancrée à la mer Égée.

Ironique que l’Italienne chie et pisse partout alors que la Grecque, coincée par un cancer d’estomac, doit se soumettre au ruban interventionniste pour la forcer à évacuer. On évacue ce que l’on peut quand on le peut…


15 juillet 2010

Et puis la confiance bordel!

Joseph Campbell dans son livre Myth to Live by décrit l'impact de ma génération, celle qui a atteint la vingtaine dans les année
s 70, comme une mouvance qui a détruit plusieurs mythes auxquels la société de l'époque s'était accrochée: la religon, la tenue vestimentaire, les relations sexuelles, le respect de l'autorité et j'en passe. Il mentionne qu'un problème a surgi quand cette génération s'est dit qu'elle ferait confiance à la génération suivante pour refaçonner cette jachère. Il ne semble pas avoir été préoccupé outre mesure par cette tâche. Ils ont joué avec les morceaux détachés jusqu'à plus tenir et ils se sont bedonnés dans de menus travaux. La suivante fut plus cynique: elle a décroché et suivi tant bien que mal le chat nouveau qui remplaçait avantageusement la réflexion. Nous vous invitons, mais c'est un labeur qui demande du courage, à lire cette série parue dans le New York Times récemment qui relatecahin-cahat le longcheminementt du Je-souffre-mais-j'en ignore-la -cause au Nous-trouvons-des-maladies-pour-tous-les-problèmes! (The Anosognosic’s Dilemma: Something’s Wrong but You’ll Never Know What It Is (Part 1, 2, 3, 4, 5) By ERROL MORRIS) Et pour vous mettre un tout petit peu l'eau à la bouche (Here's one for you Susan):

DAVID DUNNING: That’s absolutely right. It’s knowing that there are things you don’t know that you don’t know. [4] Donald Rumsfeld gave this speech about “unknown unknowns.” It goes something like this: “There are things we know we know about terrorism. There are things we know we don’t know. And there are things that are unknown unknowns. We don’t know that we don’t know.” He got a lot of grief for that. And I thought, “That’s the smartest and most modest thing I’ve heard in a year.”


God, it's lovely! ;-))

Alors, quand monsieur Bellemare gratte monsieur Charest qui regratte monsieur Bellemare qui regrattent ensemble le bobo de la justice au grand plaisir des partis de loppositionn qui reregrattent le bobo, la population et toutes les générations dont je vous parlais, la destructrice, la jouisseuse, la passive et la placoteuse, ils n'en ont plus de l'urticaire, ils s'en balancent; ma foi, j'ai presque le goût de dire qu'ils deviennent lucides!
Dominique Schnapper, quant à lui, poursuit la réflexion vers le lien de confiance qui se brise entre le peuple et ses dirigeants:
«Ni les pratiques de la vie économique ni la légitimité du politique, c'est-à-dire de l'ordre social, ne pourraient se maintenir s'il n'existait pas un minimum de confiance entre les hommes et si ces derniers n'avaient pas un minimum de confiance dans les institutions.


C'est sur l'établissement de la confiance (ou trust en anglais) entre le peuple et l'autorité politique que le philosophe anglais John Locke (1632-1704) faisait reposer le passage de l'état de nature à la société civile. Les rois, les ministres et les assemblées élues n'étaient, pour lui comme pour nous, que les dépositaires de la confiance provisoire que leur avait accordée le peuple. La démocratie, comme l'économie de marché, repose sur la confiance à l'intérieur comme à l'extérieur.

Nous sommes là dans l'idée abstraite de la société démocratique. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Nous serions à l'âge de la "société de défiance généralisée". Et les indicateurs en ce sens ne manquent pas.

Si la confiance semble souvent faire défaut, son érosion est révélatrice de l'une des tensions majeures de l'ordre d'une démocratie, la nôtre, qui est devenue, selon le mot que j'emprunte à Montesquieu, "extrême".»
Alors, quand on me parle de Toronto, je vous renvoie à mon mécanicien, qui vient de metaperr un job de frein de 1 000 $ tellement bienfaitse que, ce matin, le foutu Grand Am n'avançait plus. Il a fait un job parfait; juste un peu trop... Quand tu mets le feu à uneauto-patrouillee, que tu casses desvitriness, que tu t'assoies sur la rue pour défendre la démocratie, c'est mon compte de taxe que tu attaques. Croyez-vous vraiment que BP va payer la note; mais non, ce sont vous et moi avec les p'tits quarts de cennes de plus à la pompe qui va payer. Dans le fond, le salon est la pire place à être, onn’aa même pas le plaisir de tout casser.

Quandj’'étais sur la colline parlementaire à brûler des Union Jack avec les copains,venus de Trois-Rvivières avec un bus payé par le Collège Laflèche, ça promettait pour le futur. Les policiers n'étaient pas moins sauvages; ils frappaient à qui mieux mieux; on était moins mauviette et le là-cé-pas-juste-tu-me-fais-mal on était trop fier pour l'utiliser.  Les moumounescontestatricess qui font le régal des médias d'aujourd'hui ont beaucoup dexpertisee dans la stagnation. Parle parle jase jase, tout le monde en parle alors on ne fait rien.

Pas surprenant que ce p'tit peuple a le souffle court et ne peut jamais prendre la mesure de son avenir: trop de choses qu'il ne sait pas qu'il ne sait pas...

La lucidité est-elle un luxe?

Jacques Attali, l'économiste français mentionne :
« La lucidité n'est rien d'autre qu'une ivresse des puissants. »
Il rajoute :
« Selon leurs pères fondateurs, le capitalisme et la démocratie ne pouvaient fonctionner sans respecter des règles morales fondées sur la loyauté et la transparence. Ils sont devenus l’un et l’autre des procédures vides de valeurs, vides de sens. L’obsession de la liberté individuelle a en effet conduit à la tyrannie du caprice, et au droit absolu de changer d’avis à chaque instant, sur tous les sujets, y compris sur le respect des contrats; et donc, in fine, à l’apologie de la déloyauté. »
 En plaçant ces deux citations côte à côte, en se disant que la lucidité est la réflexion sur une décision à prendre face à un environnement fluide et donc changeant, ce serait les riches qui détruiraient notre civilisation grâce à leur habileté à posséder le loisir d'être lucide, les pauvres n'ayant pas les moyens de ne pas suivre l'esprit grégaire instinctif de l'humain.

D'où, je suis riche. Je bâtis une puissance sur la collectivité et la hiérarchie gouvernementale. Mon pouvoir décuple mes gains dans la mesure où les petits s'amenuisent jusqu'à perdre leur droit de représentativité. En effet, les gouvernements se soumettent désormais à mes caprices depuis que leur financement m'appartient. Les quelques bouchées de pain que je glisse dans leur appareil partisan me donnent un droit d'accès plénipotentiaire sur ceux que ce même appareil réussit à faire élire. Je me rappelle que l'on disait à l'époque que Robert Bourassa avait été choisi par le parti libéral après la recherche par une firme-conseil du meilleur candidat à présenter à la population. Aujourd'hui, la firme-conseil est accompagnée par les bonzes financiers. On a démontré dernièrement que les dons des particuliers étaient à la baisse; nous pouvons y voir un désintérêt, ou une impuissance ou inutilité à participer au grand cirque qu'est devenu la politique. Depuis l'arrivée de Obama, nous pourrions sans doute conclure la même chose. Le peuple a perdu le pouvoir : il consomme à outrance; il joue à outrance; il ne cherche plus à nager, il se noie à outrance...

Ce peuple n'a plus les moyens d'une lucidité. Il rêve de demains où il ne sera plus parce que ses aujourd'huis deviennent trop passifs. Shakespeare avait qualifié le monde de grand théâtre; il avait bien raison; sauf, que nous en sommes rendus aux grandes tragédies grecques avec plein d'Électres sanglantes, d'Oedipes sans domicile et d'Amphytrions trop politisés.

Dan Perjovschi

13 juillet 2010

L'Art et la monnaie

Une entrevue sur la monétisation absolue de l'Art par Christine Sourgins sur Canal Académie analyse le marketing à outrance.
«Elle commence par définir ce mot ambigü : "contemporain". Il est souvent pris dans le sens d’une "lutte contre ce qui est". Il s’agit donc pour les tenants de cet "art" de déconstruire. « La transgression de l’art devient l’art de la transgression », s’écrie-t-elle en commentant bon nombre « d’œuvres » souvent achetées à grand frais avec l’argent public. Cette dimension mercantile s’affirme comme indispensable à l’expression d’un système fondé sur le clientélisme. Mieux que cela, l’Art contemporain réalise une synthèse inédite entre les apôtres de la Révolution et les idolâtres de l’argent. En procédant à la « vidange des valeurs » (Jean Clair), il veut éradiquer tout ce qui s’opposerait à la seule loi du marché»
Après la viste du Pop à Ottawa, pour qui la mise en marché est très importante car elle confirme la popularité relative du produit, la réflexion de Sougins apparaît sensée mais passéiste. Pourtant, nous pouvons difficilement biffer les raisons qui la motivent. La manipulation du matériau par l'artiste passerait-il en second après la cogitation qui permet de définir le but et la symbolisation ultime de l'oeuvre. Nous revenons sans cesse à l'urinoir de Duchamps qui le premier soumit un objet usuel sans le modifier en clamant que c'était là un objet d'art.
«L’art est l’incarnation d’une inspiration dans la matière, grâce à un travail des formes. Dans cette inspiration, il peut y avoir des idées, des émotions, des rêves…peu importe. Mais il faut re-présenter, c’est-à-dire rendre présent, manifester une présence. L’art est médiation entre le réel et un plan plus élevé, plus spirituel qui devient ainsi sensible, visible grâce au travail artistique. L’Art dit contemporain, détourne, s’approprie, refuse la médiation : c’est une prédation du réel. Il nie toute transcendance, c’est un art de l’Absence. Bien sûr il existe des zones frontières où les deux définitions se chevauchent, en particulier parce que la confusion (subie ou entretenue volontairement) règne chez beaucoup d’acteurs de l’art.»
Si le quotidien devient art, les musées et les galeries deviendront totalement désuètes. Nos trottoirs suffiront aux expositions futures.

12 juillet 2010

Arts non saturés et Espace Shawinigan

La comestibilité des arts est infinie. Rien ne se perd, rien ne se crée. Croire dans la futilité des dogmes aide très certainement aux visites dans les galeries d'art; préférable aussi de garder les yeux ouverts; l'esprit aussi, qui, comme les parachutes fonctionnent mieux ainsi (lu sur l'autocollant installé sur le vélo d'un ami: «L'esprit, c'est comme les parachutes, ça ne fonctionne que lorsque c'est ouvert!» Pierre Dac).

Ces jours derniers, je visitai le AGO (Arts Galery of Ontario) à Toronto; le secteur Arts modernes du ROM (Royal Ontario Museum) à Toronto aussi; le musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa; puis finalement aujourd'hui, l'Espace Shawinigan à Shawinigan bien sûr. Assez curieux de rassembler ces quatre institutions ensemble; le plus curieux, et le plus réjouissant, c'est que grâce à l'initiative de l'équipe de l'Espace et de la persévérance du créateur, Richard Drury, la Mauricie s'accouple soudainement avec impunité et mérite, faut le dire, avec les plus grandes créations de l'art moderne.

Drury, par l'Écol-Eau, s'inscrit dans une mouvance d'oeuvres éphémères dans leur théâtralité, mais dans la permanence thématique de notre société moderne. Cette fleur d'eau dans laquelle nous baignons, dans cette pluie qui se disperse constamment, sur ces pitounes de draveurs sur lesquelles nos pieds dérapent, et , finalement dans cette pollution plastique multicolore qui s'accroche à nos orteils sous des rayons de nuage nucléaire, cette eau nous capte dans le vortex doté de la même puissance que Dan Perjovschi et ses «in vivo» caricatures sur les murs du ROM. Rien à envier à la stupéfiante force des palmes de Anselm Kiefer au AGO. Dans la même temporalité, Angela Grauerholz, The inexhaustible image ... Épuiser l’imageà la Galerie nationale du Canada, fouille notre présent et sa nudité.

Non, nous ne parlons pas du même type d'impact, de la même approche, du même apprivoisement. Aucun des contemporains de Drury, que nous venons de nommer, n'aurait réussi à séduire mes jeunes filles. Elles ne voulaient pas partir; elles posaient des questions sur la signification de ces tableaux; surtout, elles s'amusaient en devenant elles-mêmes parties de l'art. Elles nous aidaient à visualiser cette nature symbolisée, démantelée et colorée au phosphore.

Faites, à votre enfant, ou à celui qui se trouve encore en vous, la faveur d'aller voir cette exposition. Allez vous mouiller!

11 juillet 2010

Adversité

David Villa chute sous De Presi; Coup franc de Kyut après un carton jaune...

Je regarde la Coupe du monde en clin d'oeil. Plusieurs millions de personnes observent ce même match. Un par quatre ans, c'est beaucoup plus rare que le Superbowl ou la Série Mondiale. Pourtant toujours une balle en jeu.
Les Vikings jouaient apparemment avec la tête d'un ennemi décapité; les Angles promenaient d'un village à un autre un objet rond d'une nature obscure après avoir nommé chacun une équipe de joyeux athlètes qui défendaient furieusement leur toison.
Le film Robin Hood et l'exposition des guerriers de terracota illustrent bien ces jeux adversatifs. Robin Hood entraîne les troupes du Roi Jean dans une bataille horribles sur les berges de la Manche; les fantassins dévallent dans l'entonnoir que forme la falaise et la rive; les français sont coincés, ils ne peuvent sortir. Les archers sur le toit de la falaise les aspergent de volées de flèches de leurs puissantes arbalètes. Les cavaliers suivent les fantassins sur les pentes est et ouest pour venir terminer le travail et forcer les envahisseurs à rebrousser chemin vers leurs embarcations.
Du côté du ROM:
«Puissant et ambitieux, Ying Zheng est le premier empereur de Chine, accédant d’abord au trône de l’État de Qin à l’âge de 13 ans. Pendant son règne, il bâtit un empire qui, à son apogée, rivalise avec celui de Rome, et qui s’avèrera plus durable.
Considéré comme l’un des plus grands chefs militaires de l’histoire, Ying Zheng unifie la Chine après 500 ans de conflits et lance d’importantes réformes politiques, sociales et culturelles. Entre 230 et 221 avant notre ère, Zheng fait la conquête de tous les royaumes chinois rivaux et fonde le premier empire chinois unifié. Il met fin à des siècles de guerre entre plusieurs États et instaure les règles de gouvernance, de droit et d’administration qui seront caractéristiques de la Chine pour les 2 000 ans à venir.»
Ce formidable stratège, utilise les mêmes principes tactiques qu'aujourd'hui: c'est le phénomène des "com-prehensive strike". Aujourd'hui, on recoure aux firmes de communications pour préparer le terrain et amortir la vérité. En mettant la réalité au goût du jour, les néo-mercenaires arriment les plus vils buts de leur mécène à illusions de leur population respective. Les armes changent, les stratégies demeurent les mêmes.
L'Espagne vient de remporter le Coupe du Monde 1-0 contre les Pays-Bas. C'est la victoire du football méditerranéen "La comedia de'll Arte" contre la Hollande nordique "On frappe sur tout ce qui bouge et parfois le ballon". Les fauteuils seront satisfaits et rassurés de voir qu'ils ont, une fois de plus, réussi à conserver leur édredon à l'abri de la vase du rugby. Les bonzes de la FIFA songent à soumettre les situations douteuses à la reprise vidéo. Guère surprenant qu'ils hésitent: au foot, la longueur des matchs rejoindraient sans doute celle du cricket à force de revoir les innombrables complaintes et lamentations sur le vert. Il faudrait instaurer la pénalité pour comédie, comme la NHL l'a fait.


Pour Ying Zheng, pas de faux semblant possible! Il doit d'ailleurs se retourner dans sa tombe:
- Il dort votre Excellence.
- Pas grave, il se réveillera, et il ... attaquera! Au couteau!
Dans l'adversité, l'amitié n'existe pas; il n'y a que la survie. Les joueur de la Coupe du Monde, comme les soldats de Robin Hood ou de Ying Zheng, affrontent un destin qui n'est qu'en partie le leur; les conditions, le général, l'adversaire modifieront l'enjeu; leur conviction fera le reste.

10 juillet 2010

Salut ma tante Bernadette

Tu es morte voilà quelques jours. Un tas de monde a parlé de toi tantôt. Je n'y étais pas. Je m'occupais de mes filles. Mais j'ai pensé à toi. J'ai aussi pensé à la rue Haut-Boc où tu as vécu si longtemps avec mon oncle Jacques; Jacques Biron, photographe pour l'armée canadienne. Jacques le fou heureux; Jacques le mort qui vivait trop vite; Jacques du « J'aime ma femme » dans le miroir de la salle de bain. Quand il travaillait, je jouais dans la ruelle avec Gilles et Alain; quand il disparut, Gilles et Alain s'ancraient dans la ruelle pendant que j'apprivoisais le Séminaire. Toi, Bernadette, tu relevas le front; tu répondis au destin: viens-t-en, j't'attends!

Je ne me souviens pas d'autre chose que de ton rire; pas ton sourire : tu ne souriais pas. Tu riais. Toujours! Pas la peine de te demander pourquoi. Tu vivais... Et bien plus que nous tous. Je me rappelle quand tu m'avais dit que mon cadeau de noce avec l'Américaine m'attendait dans le garde-robe; on n'est jamais allé le chercher. On est si con : on coure après nos ennemis, et on ignore nos amis...

Chère Bernadette. J'irai te dire mon bonjour au fleuve ce soir. Ou tu viendras me le chuchoter cette nuit : la nuit, je suis toujours disponible pour les esprits. Si tu viens, ce sera certainement une drôle de nuit. Ton rire des années 50 et 60 résonne encore; comme celui de ton Jacques d'ailleurs.

Je t'aime beaucoup ma tante. À quelle vie t'étais rendue? Quand tu rencontreras le Juge l'autre bord, dis-lui que tu veux revenir. Fais une faveur à notre société de pacotille, prends possession d'un nouveau-né, ça va nous faire du bien, et, qui sait, si je décidais d'enseigner jusqu'à 76 ans, je pourrais te demander d'arrêter de rire une minute pour écouter ce que j'ai à dire.

À bientôt!

Pierre

9 juillet 2010

Mes sept vies...

Juste un jeu de plus dans la panoplie des divers imaginaires dans lesquels je circule.

Toutes mes vies contiennent des points communs : période foetale, évacuation dans l'atmosphère, perte de mon cordon ombilical, développement physique, social, psychologique et intellectuel. Qui sait à quoi ressemblait chacun de ces items pour chacun des différents individus qui ont abrité mon esprit, mon souffle divin? J'imagine que le premier en ligne n'en soulevait pas des tonnes, et que les derniers se rendaient à des niveaux bien supérieurs. Mais, là, ce sont de préjugés : qui dit que l'homme sage n'est pas un brave epsilon écumant sa vie à l'écuelle de la pauvreté voire de la mendicité; aussi bien, le premier pourrait capter la peau d'un foutu milliardaire imbécile — Y en a-t-il? — si flingué qu'il ne laisse en héritage que des montagnes de monnaie.

Bon, et alors, où ce corps que j'habite se trouve-t-il dans ce cheminement?

« L'incarnation est un choix.
Parvenu à une étape de son évolution, l'être choisit de s'incarner. Afin de poursuivre sa progression. Le mot choix peut prêter à confusion. Le choix obéit à la loi du karma : action-réaction. Ce sont les vies passées qui déterminent le choix.
On récolte ce qu'on a semé.
Les actions positives et négatives des vies passées. Autrement dit, l'action que je fais maintenant contribue à déterminer mon avenir. Le choix est donc l'aboutissement d'une démarche : il découle de la nécessité créatrice. »
Merci monsieur « Par quatre chemins » Languirand. Alors, ce n'est pas 7 vies finalement, c'est n'importe quel chiffre. Est-ce que c'est un? Il faudrait que la mémoire prenne le dossier en charge. Alors, disons que je crois en la réincarnation; disons que j'en suis à mon énième retour sur terre — ou ailleurs si je crois aussi aux extraterrestres — et que mes souvenirs, sous hypnose et préférablement avant que je n'aie atteint l'âge de 7 ans, moment où ces informations, selon les spécialistes, commencent à s'estomper. J'ai grignoté des pommes grenades accrochées dans mon arbre; j'ai couru en malade vers l'ennemi sous les ordres de Gengis Khan; j'ai brait; j'ai exploité mes semblables avant de construire un manoir. Je suis surtout mort; mort à répétition. Mon esprit se demande certainement quand je vais devenir une femelle pour enfin pouvoir progresser vers un éventuel nirvana qui pourra avantageusement remplacer une de mes vies...


Je vis encore. Je suis un humain. J'aurais le goût de dire : est-ce ma dernière? Ai-je agi de manière à ne pas avoir de raisons de revenir parce que j'ai fait tout ce que je devais faire? La réponse est non, bien sûr; il y a un tas de choses que je pourrais améliorer. J'ai encore quelques années pour corriger cela. Vais-je le faire... Voilà la question! Hey, Hamlet, have you come back???

Pop

L'art est la philosophie du geste. Elle boursouffle de stéréotypes. Elle précède la vision tout en suivant les sens. Elle affirme l'identité en la sectionnant.


D'instinct, le pop me rebute. Mais c'est dans sa nature; donc, il succède. Son principal but consiste à se faire voir et à se faire monnayer. J'aime mieux Pollack. Le pop plonge dans l'instantanéité: éphémère comme l'argent qui le fait vivre.

Pourtant, ce Pop est tout en séduction. Il fait rire; il joue au serpent et, comme lui, peut absorber d'une seule bouchée un univers immense.

On s'en reparle....

8 juillet 2010

Le Chien Noir


Le restaurant dont vous vous souviendrez pour le reste de votre vie. L'excellence de la nourriture, la profondeur de leur cave à vin, la chaleur du service, tout s'orchestre pour illuminer vos papilles.


6 juillet 2010

Don de monsieur et madame Xyz...

Je sors du AGO (The Art Gallery of Toronto). J'ai visité plusieurs musées d'art dans ma vie, en Europe et en Amérique. Un été, ma conjointe et moi avions couru les États-Unis pour retrouver tous les tableaux formant une des séquences des nénuphars de Monet. En Pologne, les oeuvres médiévales du Château Wawel deviennent la plus merveilleuse machine à voyager dans le temps. Une chose ne change pas toutefois : le monde entier semble-t-il cultive le partage de la richesse culturelle. Les musées grignotent les gouvernements bien sûr, mais ils se gorgent des cadeaux de leurs riches compatriotes.

Le Québec a, en effet, une attitude très distincte : les riches sont cons et ils conservent jalousement les biens qu'ils acquièrent. Connaissez-vous les oeuvres que Gilles Vigneault a achetées avec ses millions; y a-t-il plusieurs oeuvres dont Yvon Deschamps est l'heureux propriétaire qui se retrouvent sur les murs de Musée de Québec? Mais oui, elles sont juste à côté de celles de Jean Lapointe.? Les Jean Coutu, les Laperrière et Verreault, les Laquerre et les Duhaime, millionnaires des secteurs payants grâce à des gouvernements complices, les avez-vous vues leurs contributions culturelles?

Nous sommes ratatinés culturellement. Une chance que l'on est distinct, s'il fallait que tout le monde soit comme nous, ce n'est plus le réchauffement de la planète qu'il faudrait craindre, c'est le virus, voire la pandémie, de la bêtise.

Vivre et laisser vivre

Vivre dans une maison en bois rond qui n’a qu’une seule pièce. Vivre dans la plus abjecte pauvreté avec une mère catatonique, un jeune frère de 12 ans, une jeune sœur de 6, tout en n’ayant que 17 ans. Vivre sur une diète de pommes de terre rôties dans la poêle de fonte sur un feu de bois et quelques écureuils en ragoût. Voilà Winter’s bones : un film dur. Curieusement, il respire le bonheur à travers les horreurs. Le plus curieux? Les lois non écrites de cette jungle d’arrière-pays. Il est difficile à croire que cela peut se passer aujourd’hui.

En me promenant sur le site des manifestations du G20 à Toronto, je me questionnai sur ces événements récents tellement typiques de la civilisation de violence et de déplacement du respect. Les forces de l'ordre imitent la banalité des droits comme ceux qui font voler en éclat les vitrines, qui incendient les voitures officielles, qui insultent les dirigeants du monde. Le respect appelle le respect.

La reine Élizabeth II prononcera une allocution à l'ONU demain; apparemment, elle plaidera en faveur de la paix sur la Terre. Voilà bien une mission qui nous apparaît totalement illusoire. Re, l'héroïne de Winter's Bones s'en fout pas mal; et tous ses semblables aussi : eux, ils doivent vivre et composer avec une violence que les quelques mal foutus emprisonnés dans des locaux cent fois plus confortables avec une diète mille fois supérieure dégustée sur un lit, comble du luxe, ne connaissent et ne connaîtront jamais.

Mais nous avons tous nos cages, n'est-ce pas?




4 juillet 2010

Du calme...

Dans quelques années, notre demeure nous enterrera.

Vous devez lire ceci: http://www.nytimes.com/2010/07/04/weekinreview/04schwartz.html?_r=1&ref=global-home

Ce commentaire contient ces quelques vers:
The basic problem, Mr. Plait said, is that people rarely look up into the dark sky and know what’s normal, much less abnormal. The singer James McMurtry summed it up nicely in his song “Levelland”:


«Mama used to roll her hair
Back before the central air
We’d sit outside and watch the stars at night.
She’d tell me to make a wish,
I’d wish we both could fly.
Don’t think she’s seen the sky
Since we got the satellite dish. ...»
Et moi qui écris cela sur un ordinateur, branché sur un réseau sans fil à la maison.
«Still, we hold on to the mysteries left to us, savoring guilty pleasures like Larry King’s alien (check the picture — that could be a family resemblance) and not trying too hard to understand phenomena like the Marfa lights. On this planet, where a hole in the ground of our own making spews millions of gallons of toxic slush, surely it’s O.K. to hope that there’s intelligent life, well, somewhere.»

We are beyond guilt. We are part of the pattern.

Mais, bientôt, toujours plus tôt qu'on ne le pense, notre environnement changera encore plus vite. La nature disparaîtra pour ne plus laisser place qu'au pouding consommateur. Cette situation n'est pas alarmante; elle s'avère totalement naturelle. Elle libère l'ordre des choses.

Plus je regarde ce paysage lunaire, ou martien, mais surtout terrien, je me rappelle que nous ne vivons que sur une toute petite portion de la planète. De plus, nous, qui nous émoustillons sans répit sur nos impacts environnementaux, nous n'occupons qu'un grain de sable. Nous sommes la risée de l'univers et du reste de la planète qui tente de survivre. Les autres sont bien loin des droits de l'homme; de fait, donnez-leur une plateforme de forage et deux mille éoliennes dans leur cours et ils vont vous remercier d'avoir mis du riz dans leur bol. Vous pensez détruire la planète. Quelle illusion! Nous nous détruisons pour laisser place à d'autres. La planète, elle s'en balance de sa chaleur, des hommes et des barils d'or noir. Elle aura la paix un peu plus rapidement.