15 août 2010

Cataplasme de quenouille... Ernest tu déconnes?

Avant de commencer ce p'tit conte que j'vais vous faire, je voudrais vous dire que, contre toute logique, contre mon bien et celui de mon job, je me suis plongé dans La Grande Tribu. Mal m'en prit. Foutu Beaulieu, tu m'auras toujours : j'adore!
«...Et quand il vint au monde, ce fut dans un ruissellement tel de sang que la caverne du Forgeron-Fondeur ressemblait davantage à un abattoir qu'à la boutique de forge du boiteux Héphaistos. » (Victor-Lévy Beaulieu, La Grande Tribu, page 86)
 Mais pour revenir à nos moutons... Emma (4 ans) voulut nettoyer mon Ipod Touch hier. Elle venait de réussir à télécharger elle-même quelques courts vidéos de Mickey Mouse et compagnie. Je cuisinais le souper sur le barbecue transitant continuellement entre le patio et la cuisine. Elle me montra son succès, et je la perdis de vue. Après souper, une fois le lave-vaisselle rempli, le comptoir essuyé et le café fumant sur l'îlot, j'aperçus mon iPod sur le coin de la table de la salle à manger. Je traversai la cuisine, le cueillis, le mis en marche. Rien. Elle a probablement regardé les courts métrages jusqu'à épuisement total de la batterie. Je montai à mon bureau avec mon café et le mort; je le branchai; pitonnai les contacts à quelques reprises : rien! J'entendis un petit grésillement soudainement; je mis l'appareil à mon oreille : un steak cuisait dans mon iPod. J'allai voir Emma pour lui demander l'historique de son utilisation; elle m'annonça avec une certaine candeur qu'elle l'avait lavé dans la piscine, car elle trouvait l'écran un peu sale et qu'il s'était arrêté tout seul. Mon compagnon de poche était noyé. Je remontai à l'étage; je le secouai; je tentai de l'arrêter; je le plaçai sous un globe; je soufflai de l'air chaud avec le séchoir à cheveux. Rien n'y fit : Mort, Mort, Mort!

Pauvre Emma! Pauvre chouette! Dans ma déception, contemplant le trou dans mon budget hebdomadaire, et retraçant les données que je devrai retracer, je ne pus empêcher de vieux souvenirs m'esquisser un sourire sur les lèvres. Quelques exemples de mes gaffes?

Dès mon plus jeune âge, j'ai frôlé la défiguration. Ma mère me raconta que, courant à quatre pattes sous la table de cuisine, je m'enfargeai dans une chaufferette (à l'époque, ces appareils fonctionnaient avec un élément en serpentin sans grille protectrice). L'appareil me donna des brûlures graves aux jambes. Ma mère en émoi appela immédiatement... le médecin? Mais non, en 52, les médecins accouchent, ils ne guérissent pas; elle appela mon grand-père Biron. Que faire? Tu lui prépares un cataplasme de quenouille Bibiane! Les quenouilles se trouvaient en abondance dans le fond de la cour où longeait une petite décharge; du saindoux pour faire une pâte; allez hop sur les jambes, du gaze pour tenir le tout et on attend quelques jours. Je n'en ai même pas gardé de cicatrice pour prouver l'aventure.

J'ai huit ans, mon père et moi revenons du vitrier du coin. Il a ramassé à l'usine un quelconque appareil à manivelle qui servait à dérouler un tube de papier pour certaines démonstrations. Il avait fait remplacer la vitre du devant; on aurait dit une télévision; je me croyais déjà annonceur, vedette de télé... En revenant à la maison, il m'avait acheté Dieu sait pourquoi, car il ne le faisait jamais au grand jamais un Coca-cola en bouteille. L'auto s'arrête doucement en face du garage; j'ouvre la porte du gros Mercury; je tiens mon coke comme si ma vie en dépendait; j'ouvre la porte arrière; je saisis la poignée de ma télévision manuelle; je referme la porte en la poussant avec mon genou; je regarde mon père et lui souhaite un bon après-midi les yeux totalement séduits par ces deux cadeaux inouïs que je tiens dans mes mains. Je remonte l'entrée du garage; la porte est ouverte; je décide de renouer le lacet de mon shouclack. Je suis le roi de la Terre. Je vois la petite table de bois avec laquelle mes soeurs jouent à la poupée. Bon support pour lacer ma chaussure. Je dépose mon Coke sur le coin de la table. Je dépose ma télé au centre de la table. Je soulève ma jambe et place mon pied sur un des coins de la table... Une des quatre pattes ne repose pas au sol, il y a une dénivellation; la table penche de quelques pouces à peine. Je retrouve mon équilibre facilement, juste à temps pour voir ma bouteille de liqueur à 45 degrés et s'en allant rapidement vers 90. Je tente de la rattraper, mais mon pied glisse de la table projetant la petite table à la renverse. La bouteille se fracasse sur le ciment du plancher du garage, suivie par ma télé dont la vitre toute neuve se fracasse à son tour sur le sol. Dossier clos. Je ramasse et rentre dans la maison. Pas de drame; j'ai l'habitude!

Le premier chiffre de nuit à mon travail d'étudiant. J'ai seize ans. Le chiffre de minuit à huit ne fait suer personne. Les autres travailleurs m'ont renseigné sur la routine de nuit. Pas celle de monsieur Guay, le saint homme, la leur : en gros, il faut balayer les planchers, les laver, les rincer et les polir; après ce sont les escaliers. Tu fais tout en quelques heures; le reste du temps, tu roupilles dans une chambre libre; va voir l'infirmière de nuit, elle est au courant, elle va t'en donner une. À minuit, j'arrive, je rencontre l'équipe de nuit. Je prépare mon attirail et je commence. Vers 3 h 30, je suis prêt à aller m'étendre. Sitôt dit, sitôt fait!
— Pierre, Pierr..re, Piiierrrre!
— Hummm? Quoi???
C'est monsieur Guay. Il est neuf heures!
J'ai gardé mon emploi et il a bien ri finalement. Je ne suis jamais retourné dormir; comme je l'ai déjà mentionné dans un autre texte, j'ai plutôt veillé avec garde Houle en faisant des casse-tête.

Bon, je retourne à Beaulieu. Bonne nuit!

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