30 septembre 2010

Georges Charpak : Le physicien particules... élémentaires!



Georges Charpak vient de mourir. J'hésitais à dire s'éteindre, mais cet homme magique ne s'éteindra jamais. Il vit à jamais par ses découvertes et ses messages si simples mais si fondamentaux.

Quelque chose de magique accompagne la physique. Les quelques personnes que j'ai connues qui jouaient avec la physique
s'amusaient avec les concepts; ils avaient une facilité déconcertante de regarder les phénomènes théoriques comme je regardais, défaisais, réorganisais les lettres des mots, mon univers à moi se situant du côté des sons et des textes. Leur réalité campait dans une autre dimension, carrément, même s'il tentait toujours de me convaincre que leur propos était, non seulement, à l'intérieur de ce même univers et de cette même dimension dans lesquels nous cohabitions, mais qu'il me faisait entrer dans son origine même.

Les deux entrevues dont je place le lien ici, furent présentées l'une lors de la réception de son Nobel, puis l'autre lors de la publication de son livre Soyez savants, Soyez prophètes. Georges Charpak et la physique des particules sont de bons amis. Ce prix Nobel de physique entame joyeusement d'expliquer la vie. À entendre le silence dans la salle, il semble marier habilement attention et compréhension.



Bonne audition et à demain.... si les particules le veulent bien!





29 septembre 2010

Ma mitrale a un an !


Le 29 septembre 2009, je quittai ma chambre du CHUM sur une civière et cheminai sous les ticticitics jusqu'au bloc opératoire. Le chirurgien cardiaque m'y attend. Il me glisse quelques mots de bienvenue; il sourit; il s'éloigne fermement; une infirmière s'approche, agrippe la civière, la pousse vers une porte que nous traversons. Je me retrouve dans la salle opératoire; une dame s'approche, me désinfecte l'avant-bras, me sourit brièvement, insère un régulateur, injecte un somnifère...

Plusieurs heures plus tard, des voix me réveillent. Autour de moi, des vitres, des appareils de toutes sortes. Je ne ressens rien.

Le 29 septembre 2009 n'a que quelques heures. Cette journée n'existe pas vraiment. Un homme m'a ouvert comme on ouvre un animal, un chien, un gibier. Il a scié le sternum à l'épée, en a maintenu les moitiés avec des forceps. Il a arrêté le coeur, a transféré la vie dans une pompe électrique pour quelques heures. Il a entaillé le muscle; couronné l'aorte; taillé la valve; cousut le ligament. Il a fermé le coeur. Il a réactivé le coeur. Il ferma la cage thoracique. Il m'a remis entre les mains des infirmières. J'étais mort; je suis revenu. Je n'ai rien vu, rien senti... un trou.

Dans l'attente immédiate de cette chirurgie, j'eus l'occasion d'écouter sur France Culture un enregistrement
d'Alexandre Bande, coïncidence intéressante, décrivant le destin des coeurs des rois sous la dynastie médiévale des Capétiens. Je vous invite à écouter cette conférence. À l'époque, je me souviens qu'elle m'avait touché de manière tout à fait particulière. Quand le coeur devient aussi concrètement un simple organe biologique à réparer, tout symbolisme qu'il puisse supporter prend dès lors une valeur bien particulière. Que les Capétiens fassent bouillir dans de grands bassins les corps des souverains décédés pour pouvoir les désosser et en retirer le coeur, et moi qui venait de me le faire couper puis recoudre, la pompe qui me battait dans la poitrine me pénétrait dans le cerveau par une porte étrange pour offrir un paysage transformé.

Quelques semaines avant l'intervention, j'avais déjà fait le rêve que le chirurgien enlevait son gant de latex et avait posé sa main nue sur mon coeur. Vision mythique de l'imposition de la main du dieu qui guérit j'imagine. Cette expérience m'amène à vivre dorénavant avec cet objet physique qui peut faire l'objet d'une réparation rendue presque banale par la chirurgie moderne, mais aussi avec le miracle d'un arrêt du coeur pour pénétrer inconsciemment à l'intérieur d'un univers creux où les esprits se disputent les légendes, là justement où nous pourrions retrouver ces Capétiens fascinés par le coeurs de leurs mort; Puis, finalement, un courant électrique pour relancer la machine.

N'aller surtout pas croire que je me prends pour Le monstre de Frankenstein, bien que j'avoue que la mort me fait encore moins peur qu'avant.

La Shoah: Qui est mort?


La Vie des Idées publie cette semaine un livre de Nicolas Mariot et Claire Zaic, Face à la persécution, qui, selon les experts, risque de redéfinir le portrait des victimes de la Shoah.

« La réponse des autorités, qui tombe quelques jours plus tard, ne l’est pas moins : “Née, d’après vos déclarations mêmes, de parents d’origine juive, vous appartenez à la race juive.” Conséquence : la requérante doit se déclarer comme telle à la mairie de Lens. Comme le montre cet exemple, l’administration est complètement indifférente aux “mots pour le dire” et les listes établies en 1940-1941 ont un caractère fourre-tout, les pseudocritères édictés par les statuts des Juifs étant de toute façon commandés par l’antisémitisme. Cette dame apprend alors à ses dépens qu’une logique à laquelle elle n’est pas habituée vient de se mettre en place : un Juif est un Juif, et le sentiment patriotique et l’intégration n’y changent rien. Le processus d’extermination commence, à Lens comme partout en Europe, par l’identification des futures victimes. »

Jamais, n'est remis en question la tragédie humaine que consiste ce génocide. Les auteurs, toujours selon le commentaire de Ivan Jablonka entrevoit des biais troublants sur la sélection opérée pour identifier les « Juifs ». Les procédures d'identification de la IIIe République ne furent pas suivies à la lettre, tel que le gouvernement de Vichy l'avait mentionné.

« La réponse des autorités, qui tombe quelques jours plus tard, ne l’est pas moins : “Née, d’après vos déclarations mêmes, de parents d’origine juive, vous appartenez à la race juive.” Conséquence : la requérante doit se déclarer comme telle à la mairie de Lens. Comme le montre cet exemple, l’administration est complètement indifférente aux “mots pour le dire” et les listes établies en 1940-1941 ont un caractère fourre-tout, les pseudocritères édictés par les statuts des Juifs étant de toute façon commandés par l’antisémitisme. Cette dame apprend alors à ses dépens qu’une logique à laquelle elle n’est pas habituée vient de se mettre en place : un Juif est un Juif, et le sentiment patriotique et l’intégration n’y changent rien. Le processus d’extermination commence, à Lens comme partout en Europe, par l’identification des futures victimes. »

Nous pouvons d'ores et déjà poser la question de l'efficacité de l'identification des « Juifs ». Les responsables se fiaient à des informations peu fiables, ou, du moins, très interprétatives. Certaines personnes profitaient de la situation pour dénoncer d'autres personnes dérangeantes pour elles; jusqu'à aller à dénoncer un compétiteur commercial.

« Pour déterminer la cohorte des “Juifs de Lens en 1939”, trois possibilités s’offraient aux chercheurs : l’utilisation des sources communautaires, à dominante religieuse et sociale, qui sont malheureusement restées fermées; la méthode onomastique, que les auteurs récusent au motif qu’il n’existe pas de patronymes exclusivement juifs; le recours aux listes de Juifs établies pendant et après la guerre. Dans leur scrupuleux “retour sur enquête” qui clôt le livre, Nicolas Mariot et Claire Zalc détaillent la manière dont ils ont constitué leur base de données. Sur les listes établies pendant la guerre (à des fins de persécution) et après la guerre (à des fins de réparation ou de mémoire), 926 noms sont mentionnés au moins une fois. À ces “victimes lensoises” ont été adjoints 65 “non déclarants non identifiés”, c’est-à-dire des Lensois inconnus des autorités “en tant que Juifs”, par exemple des proches, retrouvés dans les dossiers de naturalisation et dans les feuilles de témoignage de Yad Vashem. »

Nous réalisons donc que le IIIe Reich avait encouragé des compilations rapides pour déménager rapidement les individus ciblés par les communautés. Au-delà des erreurs, la grande pertinence de cette étude est le fait de choisir un échantillon relativement petit et concentré dans un secteur géographique précis. Cette procédure pose la problématique de façon nouvelle; elle soumet sociologiquement une dynamique habituellement raciale ou militaire.

« Au-delà de la gageure proprement archivistique, ces réflexions risquent de déboucher sur une discussion aussi ardue que vaine : non seulement les nazis ignorent qui est juif et qui ne l’est pas, d’où des pseudodébats tout au long du IIIe Reich, mais au fond personne ne le sait, et ceux qui se sentent juifs, aujourd’hui comme hier, savent bien qu’il y a mille manières d’être juif. À la question “qu’est-ce qu’un Juif lensois?”, les auteurs ont choisi de répondre : c’est un individu que les autorités de 1940 considèrent comme tel et, en conséquence, s’efforcent de broyer dans leur machine de mort. Ce choix méthodologique est parfaitement légitime, surtout quand il débouche sur un livre pionnier et des résultats probants, ouvrant la voie à une histoire sociale de la Shoah encore à écrire. »

Tous les italiques sont des citations du commentaire écrit par Ivan Jablonka sur le site de Idée.fr à la date[28-09-2010]

Ce livre, qui pose la dynamique de l'identification civile, questionne toutes les sociétés et chaque identification que celle-ci fait ou pourrait faire. Les divergences ethniques deviennent des préoccupations de première ligne et servent souvent de moteur à des réflexions médiatiques et populaires. La population s'en sert régulièrement pour sortir de son mutisme grégaire pour faire entendre des stéréotypes sans fondement véritable. L'approche de Mariot et Zalc ouvre la porte, de toute évidence sur la Shoah, mais, dans une plus grande ouverture, aussi sur le traitement des identifications nationales auxquelles nous nous trouvons tous confronter.

27 septembre 2010

Kafka


(la photo provient de la Bibliothèque national d'Israël)

Parfois, il faut savoir se taire. Lire suffit. Voici un extraordinaire article du New York Times retraçant les nombreuses tribulations des archives de ce grand auteur allemand qu'est Kafka. L'article est très long, onze pages, mais il nous réconcilie avec le véritable journalisme et le merveilleux bonheur de croire profondément dans la valeur indiscutable de l'un des plus grands quotidiens sur terre.

Tous ceux qui liront ce document seront, j'en suis persuadé, transformés, car il ouvre une porte sur l'indicible illusion de cet homme en perpétuelle recherche de l'univers dans lequel il s'agite.

Bonne lecture.

26 septembre 2010

Au secours! On insulte un icône de notre culture!


Pauvre Bonhomme Carnaval! Pauvres québécois! Si un centième des gens qui se soulèvent d'indignation pour défendre cette vulgaire mascotte en avaient fait autant pour les événements que l'on souligne présentement en grande pompe, Octobre 70, on serait peut-être indépendant... Qui sait? «Que sais-je?» pour reprendre Montaigne.

Deux poids, deux mesures. La grande dame Charette et les Zapartistes puis Laurendeau en crème Chantilly se gargarisent à la radio canadienne; facile quarante ans après. Je me demande quelle serait leur position si un événement similaire se passait aujourd'hui; nous pourrions toujours demander à Monsieur Cynique son agenda pour cette période...

«Quand les citoyens ne peuvent s'associer que dans certains cas, ils regardent l'association comme un procédé rare et singulier, et ils ne s'avisent guère d'y songer.

Lorsqu'on les laisse s'associer librement en toute chose, ils finissent par voir, dans l'association , le moyen universel, et pour ainsi dire unique, dont les hommes peuvent se servir pour atteindre les diverses fins qu'ils se proposent. Chaque  besoin nouveau en réveille aussitôt l'idée. L'art de l'association devient alors, comme je l'ai dit plus haut, la science mère; tous l'étudient et l'appliquent.

Quand certaines associations sont défendues et d'autres permises , il est difficile de distinguer d'avance les premières des secondes. Dans le doute, on s'abstient de toutes, et il s'établit une sorte d'opinion publique qui tend à faire considérer une association quelconque comme une entreprise hardie et presque illicite.

C'est donc une chimère que de croire que l'esprit d'association, comprimé sur un point, ne laissera pas de se développer avec la même vigueur sur tous les autres, et qu'il  suffira de permettre aux hommes d'exécuter en commun certaines entreprises, pour qu'ils se hâtent de le tenter. Lorsque les citoyens auront la faculté et l'habitude de s'associer pour toutes choses, ils s'associeront aussi volontiers pour les petites que pour les grandes. Mais, s'ils ne peuvent s'associer que pour les petites, ils ne trouveront pas même l'envie et la capacité de le faire. En vain leur laisserez-vous l'entière liberté de s'occuper en commun de leur négoce: ils n'useront que nonchalamment des droits qu'on leur accorde; et, après vous être épuisés en efforts pour les écarter des associations défendues, vous serez surpris de ne pouvoir leur persuader de former les associations permises.

Je ne dis point qu'il ne puisse pas y avoir d'associations civiles dans un pays où l'association politique est interdite; car les hommes ne sauraient jamais vivre en société sans se livrer à quelque entreprise commune. Mais je soutiens que, dans un semblable pays, les associations civiles seront toujours en très petit nombre, faiblement conçues, inhabituellement conduites, et qu'elles n'embrasseront jamais de vastes desseins, ou échoueront en voulant les exécuter.» (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique II, pages 169 et 170)

Comment ces paroles rencontrent-elles mon propos? Je nous trouve des nationaux d'une paresse, d'une nonchalance et d'une bêtise monumentales. Avec tous les droits que nous avons mis à notre disposition à l'intérieur d'une démocratie de modèle britannique, là où le fair-play laisse tellement de marge de manoeuvre, nous nous satisfaisons de piètres personnages et nous entourons de groupuscules aussi inefficaces que bon enfant. Quand Duplessis est mort, le fédéral venait de se faire rosser encore et encore année après année: le ministère du Revenu, les contrats avec les minières (si peu rentables furent-ils), le drapeau national et autres moutures appliquées par Lesage sous le titre de la Révolution tranquille ne sont que quelques exemples du style de ce «dictateur». Aujourd'hui, qu'aurait-il pu faire? Imaginez-vous les débats sur le choix d'un drapeau: les couleurs de l'Italie avec ou sans le bonhomme(l'autre); la fleur de lys; les fleurs de lys; la croix blanche sur fond bleu ou l'inverse; le tricolore en médaillon; etc. Une chance que la décision fut prise par El Duce, on en serait peut-être encore à la commission publique et aux scandales des études de marché donné à des collecteurs de fonds. Que sais-je? Duplessis éclaboussait le fair-play à chaque fois qu'il le pouvait. Sa complicité avec le clergé illustrait bien son dédain pour la chose fédérale; il était en bon voisinage théorique avec la troisième République française, voire même la cinquième de De Gaule.

Toute la gomme politique soupira d'aise à la venue de l'Équipe libérale. John George Diefenbaker puis Lester B Pearson souriaient de soulagement: le parlementarisme traditionnel refaisait surface. Pas fou, un journaliste, quelques professionnels en éducation, en sciences sociales, en économie, c'était le punch moderne pour maintenir un continuum qui allait sortir le Québec du Moyen Âge et le faire entrer dans la Renaissance!... Pas le siècle des Lumières en tout cas! Honnêtement, pas tout à fait des 100 watts... Dans le fond les Lumières, malgré les tonnes de préjugés et de stéréotypes, faudra attendre Johnson, un autre antiparlementaire. On pourra reprendre la discussion plus tard. Toujours est-il que Lesage reprendra la discussion amicale avec Ottawa; sa grande priorité, outre la messe du dimanche, la mise en veilleuse de la reconnaissance du Québec, pour améliorer le niveau d'éducation de la tribu. Je crois qu'on y est encore! Ce parti a enfanté le PQ en absorbant le RIN. L'Union nationale - quel nom quand même! - est morte avec Bertrand, pauvre hère! Le mal était fait. Aujourd'hui, on joue avec deux partis Libéral. Faudra se lever d'bonne heure pour me convaincre du contraire... Le dernier péquiste est en train de mourir au champ de bataille et il s'appelle Parizeau.

Le reste ne ressemble à rien d'autre qu'une petite guerre de personnalité. Après le grand sparage de monsieur Lévesque, ce grand libéral nouvelle vague, la valse ne fait que s'amplifier. À l'heure actuelle, les lucides se masturbent, les grandes-gueules roucoulent, les millionnaires engagent des spécialistes en communication et les ambitieux se racolent. Jamais l'expression Juge et Parti n'aura eu une telle pertinence. J'apprenais dernièrement le penchant de certains souverainistes de se rendre sur un site royaliste français, sur lequel d'ailleurs nous pouvons identifier la dauphine de France: Dieu! Code de Vinci! Honni soit qui mal y pense! Ils ne sont peut-être pas si loin de la vérité. Qui d'autres qu'un régent, qu'une régente, pourrait amener 6 millions de personnes qui n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur leur avenir: seraient-ils intimement convaincus que de toute façon, ils n'en ont pas?

Toujours est-il que les jours, les années, les décennies passent et les seuls gains sont faits avec l'imprimatur du représentant du roi, de la reine; mais pas la bonne, on s'entend! On arrête tout à propos de tout, tout le temps; on est incapable de prendre des décisions. Nous avons institué la réflexion comme outil privilégié, comme une doudou pour un enfant. Et les autorités, très sagement, nous donnent toute la marge de manoeuvre imaginable. Chaîne de commande: présentation du projet; médiatisation de côtés sombres; débouteillage sur les ondes; analyse pessimiste des journalistes; résurrection de squelettes par les enquêteurs adulés; comité itinérant dans les régions; étude en commission; démonstration populaire; hauts cris offensés en première page par les belles-soeurs; report du projet; fin de session. La même rengaine se répète ad nauseam; au nom de l'environnement, du respect des aînés, des ados, des enfants, des femmes, des professionnels, de la faune et de la flore et j'en passe. Mais le peuple est content: on a du pouvoir, on peut arrêter n'importe quoi. Même sa propre vision de son propre futur. Donne-leur une carriole et envoie-les chez les doukhobors.

Pendant que l'on joue à s'organiser, nos dirigeants jouent le vrai jeu: celui du pouvoir. Nous nous entourons de défaite; on finit par envelopper les générations nouvelles d'un aura, non, d'une brume, non plus, d'un smog bien épais au travers duquel la seule chose à cultiver est le courage de continuer à marcher et suivre pas-à-pas l'empreinte que le dernier a laissée. On a même remplacer le fou à Dollard des Ormeaux qui a quand même fait réfléchir quelques peaux rouges par encore une fois une gang à la Octobre 70, réfugiés dans une église comme autant de sans-papiers; le tonneau, eux, ils ne l'ont pas lancé, ils se sont cachés dedans. Ils ont au moins eu le courage de sortir des associations civiles pour lancer leur message de façon un peu plus claire et... pas parlementaire du tout. Plus ça change, plus c'est pareil. Michel Chartrand aussi est devenu un saint, comme Bourgault, pendant que les militants usaient leur fond de culotte dans leur salon ou dans les chambres d'hôtel grand luxe pendant les négos.

Parfois, je m'imagine un monde à la Duplessis dans lequel les droits ont disparu; où les médias lancent aveuglément des roses aux décideurs; un monde blafard plein d'ouvriers miséreux, de petits comptables cloutés, de maîtresses vieilles filles demeurant en haut dans l'école. En effet, la noirceur permet de voir les étoiles. Et comme le Moyen Âge, qui a détruit la civilisation romaine, il l'a tout de même ramené pour refaire le monde moderne.

25 septembre 2010

Albert Béguin: le liseur et le lecteur


- Papa, papa, on veut aller à la bibliothèque! Oui, oui, oui...

On revient de notre petit déjeuner. Le soleil perce les nuages. 12°C: pas très chaud pour ce 25 septembre. On fait un détour par la maison; je cueille les cartes de la bibliothèque municipale; quelques minutes plus tard, nous croisons le parc Champlain et pénétrons dans l'atmosphère feutrée de la Gatien-Lapointe au centre-ville.

Les enfants se dirigent immédiatement vers la section pour les jeunes où livres d'images, bandes dessinées et jeux de toutes sortes les attendent. Quelques instants leur suffisent pour se lier avec quelques autres enfants: je les entends rire; je vais être dans la section littérature; O.K.; à tantôt; à tantôt!

Je survole les volumes de théorie, les critiques, les commentaires et histoires des siècles d'écriture. Des noms résonnent; d'autres sourirent; encore d'autres, inconnus, font sourciller. Tiens, Albert Béguin: Création et destinée. Des souvenirs: j'avais fait sa rencontre en 73, lors d'un cours sur la nouvelle critique. À l'époque, il est tout neuf, tout chaud sorti des presses. Je feuillette les premières et reconnais le ton... Mais ces mots lus se soulevaient lourdement de mon inconscient: comment avais-je pu oublier ce passage?

«Je suis d'accord avec Roland Barthes quand il dit que la lecture en elle-même est irremplaçable, mais je suis moins d'accord avec lui quand il dit qu'on approcherait l'essence de la lecture au moyen des techniques scientifiques modernes; je suis persuadé que ces techniques, d'une très grande utilité pour la civilisation, approchent l'homme dans ce qu'il a de collectif, mais laissent toujours échapper (et je ne pense pas que ce soit par une imperfection provisoire) ce que nous avons de plus personnel.
Albert Thibaudet faisait une distinction, qui n'est pas inutile, lorsque, en intitulant un de ses livres Le Liseur de romans, il opposait le lecteur et le liseur: le lecteur, celui qui une fois ou l'autre lit; le liseur, celui qui lit professionnellement. Mais je crois qu'on peut voir les choses un peu autrement [...] Le liseur est un lecteur atteint par la déformation professionnelle. Mais, pour ma part, je pense qu'il y a une autre catégorie de liseur, et que ce beau mot peut s'appliquer également à celui qui est lecteur par vocation. Et voilà à quoi je voulais en venir: je crois que la lecture est d'abord une vocation [...] Le liseur, disais-je, c'est un homme qui a la vocation de lire. Cela ne lui confère à mes yeux aucune espèce de supériorité, il y a des gens qui ont d'autres vocations; il y a des gens qui ne liront jamais et qui ne valent pas moins que ceux qui sont des liseurs presque de naissance. Mais ce qui arrive au liseur, c'est non seulement qu'il est ainsi éveillé par le choc, que tout à coup l'étincelle se produit, c'est aussi que la lecture est pour lui déterminante, qu'elle constitue un événement de sa vie, que tel livre aura orienté son existence et l'aura déplacée de là où elle était pour l'engager sur de nouvelles voies.» (Albert Béguin, Création et destinée, pages 13, 14 et 15)
Vous vous souvenez de ce personnage qui se métamorphose à la rencontre des personnages qu'il croise: Zelig. La lecture entraîne ce phénomène presque irrémédiablement dans une certaine mesure; sinon dans une courte quotidienneté, du moins dans l'inconscient nocturne. Je me remémore aussi les mots d'une cousine de ma mère, bibliothécaire de profession qui me confessait un jour qu'elle avait toujours hâte aux vacances pour pouvoir lire un livre et non pas le glaner pour des fins de classification. Enseigner la littérature ressemble un peu à cela aussi. Toutefois, je décroche de Béguin quand il nie l'impact de la pédagogie dans l'apprivoisement de l'acte de lecture. Nous sortons bien sûr ici du strict acte scolaire; je crois profondément que la lecture peut s'apprendre. L'enfant apprend à décoder les signes pour, peu à peu, devenir un habile lecteur. Béguin ajoute au liseur professionnel le liseur vocationnel; j'y ajouterais le liseur apprenti. Comme le Moyen Âge accueillait des étudiants, les transformait en clercs puis en moines, l'individu peut passer du décodage de la fable d'un récit, au décodage de ses composantes textuelles, au décodage du propos de l'auteur, de l'intention du texte. Voilà, du moins, mon intention quand j'ouvre le catalogue de procédés d'écriture avec mes étudiants.

Je dois remercier mes filles encore une fois de m'avoir entraîné dans cette bibliothèque.
 

24 septembre 2010

Earphones'friday!

 J'ai chanté à tue-tête, mais je ne me suis même pas entendu.... Feels great!



1970 et la culture québécoise - parole de Luc Plamondon et musique d'André Gagnon : le lipsink à son meilleur... Fallait bien faire de l'argent!



Bon, je ne pourrais pas mieux le dire...



Bon vendredi!

23 septembre 2010

Pourquoi Facal fait du sens?



Monsieur Facal rédige cette semaine deux textes dans le Journal de Montréal en lockout. Je vous les transmets ci-dessous et j'espère que Monsieur Facal n'en sera pas froissé. Ces deux textes traitent du futur politique du PQ d'une part, mais aussi, dans une plus large mesure, de celui du Québec. Monsieur Facal nous a habitués à une plume sévère et rationnelle. Je doute parfois de son impartialité; je ne lui en tiens pas rigueur; la soupe sans sel est plutôt fade!

Lisons donc des deux textes avant d'aller plus loin :


Réalisme et responsabilité

Joseph Facal
20/09/2010 06h24 

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«Quelques mois avant chaque congrès du PQ, des militants pressent le chef d'afficher plus de détermination à l'endroit de la souveraineté. Ça vient de recommencer.

Inévitablement, les discussions se focalisent alors sur l'échéancier référendaire. Ces pressions seront plus intenses si l'option piétine et si les militants éprouvent un sentiment de frustration. Si un vote de confiance au chef est prévu, on s'en sert pour lui faire du chantage.

Selon les individus, toutes sortes de motivations sont ici à l'oeuvre : impatience, rigidité idéologique, ambitions et animosités personnelles, crainte de ne pas voir la souveraineté de son vivant, etc. En 2005, la dynamique ainsi créée avait poussé M. Landry vers la sortie. On n'en est pas là du tout.

Évidemment, discuter de l'échéancier d'un référendum qui, à moins d'un cataclysme imprévisible, n'aura tout simplement pas lieu est ésotérique pour la majorité des électeurs.

Jadis, ces discussions internes pouvaient passer pour un signe de vitalité démocratique du parti. Aujourd'hui, à l'extérieur des cercles militants, elles projettent l'image d'une formation singulièrement déconnectée du réel, au point d'agacer de nombreux souverainistes. Mais il y a longtemps que certains militants du PQ ont cessé de se préoccuper de ce que pense ce peuple qu'ils disent écouter, respecter et vouloir émanciper.

En théorie, si l'on exclut d'entrée de jeu l'idée saugrenue de vouloir faire l'indépendance sans passer par un référendum victorieux, la question référendaire peut se poser de trois façons.

La première façon est de promettre, pendant une campagne électorale, que vous tiendrez obligatoirement un référendum si vous êtes élu. C'est ce que fit Jacques Parizeau en 1994. C'est clair et honnête. On sait sur quoi on vote. Si vous ne voulez d'un référendum sous aucun prétexte, vous savez ce que vous devez faire dans l'isoloir.

Le scénario de 1994 fut cependant possible parce qu'il était l'aboutissement d'un cycle de cinq ans d'effervescence politique ouvert par l'échec du lac Meech. Rien de tel aujourd'hui.

Cette approche doit aujourd'hui être écartée pour deux raisons. D'abord, tenir obligatoirement un référendum que vous n'êtes pas raisonnablement sûr de gagner serait s'exposer à faire encore reculer le Québec en cas de défaite, comme les deux dernières fois. Ensuite, promettre un référendum que vous savez que vous ne tiendrez pas, c'est mentir.

Le deuxième scénario est de s'engager à ne pas tenir de référendum pendant toute la durée d'un mandat, simplement parce que vous l'estimez perdu d'avance. C'est ce que fit René Lévesque en 1981.

Si Mme Marois faisait cela, elle aurait cependant d'énormes problèmes internes. Au PQ, les problèmes du chef commencent dès que les militants doutent de sa détermination à essayer de tenir un référendum.Lechef doitdoncycroire... ou faire semblant d'y croire.

Il reste le troisième scénario : un référendum si possible, mais pas nécessairement. À l'heure actuelle, malgré les apparences de divergence, MM. Parizeau et Landry et Mme Marois sont tous de cette école. Les «conditions gagnantes» de Lucien Bouchard revenaient aussi à cela. Les divergences tiennent au choix des mots pour le dire, qui refléteront un plus ou moins grand sentiment d'urgence, mais pas au fond de la question.

Ce scénario est cependant, lui aussi, très problématique. J'expliquerai pourquoi dans deux jours.»

Réalisme et responsabilité (2)

Joseph Facal
22/09/2010 06h23 

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«Le PQ se dirige vraisemblablement vers l'adoption d'une position qui consisterait, s'il prend le pouvoir, à tenir un référendum si possible, mais pas nécessairement.

Cette approche collait assez à la réalité dans les années qui ont suivi le dernier référendum. L'étroitesse du résultat de 1995 pouvait laisser croire à l'imminence d'un prochain rendez-vous. Aujourd'hui, elle est devenue très problématique.

Franchise
L'électeur qui veut se débarrasser du PLQ, mais qui ne veut pas de référendum, est pris dans un dilemme. Il ne sait pas si son vote lui achète ou non un référendum. Ensuite, une fois au pouvoir, le PQ doit manoeuvrer entre des militants qui tiennent plus au référendum qu'à la gouvernance, et les électeurs qui veulent un bon gouvernement plutôt qu'un référendum.

Chaque geste majeur du gouvernement est vu comme une astuce pour mousser son option. La légitimité de l'État s'en trouve affaiblie. Il est malsain de tenir cette épée de Damoclès au-dessus d'une société pendant des années.

Il est vrai que des gouvernements se lancent souvent dans des opérations qui n'ont pas été clairement annoncées pendant une campagne électorale. La question référendaire n'est cependant pas une question comme les autres. On ne doit pas finasser avec elle. On demande le mandat d'y aller et on y va si on l'obtient, ou on dit d'entrée de jeu qu'on n'ira pas. Tout simplement. On ne joue pas aux dés avec l'avenir d'un peuple.

Illusions
Je comprends pourquoi tant de souverainistes se cramponnent à ce scénario du référendum déclenché si une occasion se présentait.

Tous espèrent qu'un événement imprévu ouvrirait une fenêtre d'opportunité. Certains pensent que des demandes québécoises rejetées à répétition par Ottawa pourraient repartir la machine. On s'évite aussi les problèmes internes qui surgiraient si on disait clairement qu'il n'y aura pas de référendum.

Toutes ces illusions reposent sur la croyance que le résultat très serré de 1995 signifierait que la souveraineté est au bout des doigts.

Chaque référendum se tient cependant dans un contexte unique et nouveau. Depuis 1995, l'électorat s'est profondément renouvelé. Mes étudiants ne savent même pas que le Québec n'est pas signataire de la constitution canadienne. Ils n'ont aucune idée de ce que fut l'épisode de Meech. Tout est à refaire auprès d'eux.

Penser autrement
Nous tournons en rond depuis quinze ans. La question nationale reste un immense problème non réglé, et la souveraineté demeure la meilleure réponse à ce problème. Malheureusement, la souveraineté est, pour l'avenir prévisible, une réponse à un problème que notre peuple ne veut pas confronter, parce qu'il a perdu le goût d'avancer et perdu aussi confiance dans ses dirigeants politiques, fédéralistes comme souverainistes.

Il faut désormais poser autrement la question nationale. Il faut ouvrir un nouveau cycle politique. Les problèmes du Québec sont criants. Nos réseaux de santé et d'éducation craquent de partout. Nous sommes plus pauvres, plus endettés, plus dépendants des transferts fédéraux que ce que notre potentiel et nos atouts devraient autoriser. C'est sur ces fronts que notre peuple attend une action politique vigoureuse et immédiate.

Si le Québec se remet en mouvement, reprend des forces et retrouve sa confiance, cela redonnera peut-être envie à notre peuple de se reposer ultérieurement la question de son statut politique.»


Pour croire qu'un parti politique pourra un jour atteindre la souveraineté politique au Québec, il faudra se convaincre que ce parti, quel qu'il soit, aurait développé une marge de manoeuvre par rapport à son financement qui relèverait de l'utopie. Nous oublions de considérer le pouvoir des lobbys de la finance sur cet avenir. Regardez le destin d'Obama qui, selon certains commentateurs et analystes politiques américains et européens, aurait été le choix de l'establishment démocrate parce que le fait qu'il était noir produirait une impression si puissante que les gens en oublieraient la crise financière ou, du moins, lui enlèveraient sa position de tête du palmarès. L'avenir nous dira si cela a fonctionné, mais le moins que l'on puisse dire maintenant est que sa performance est très mitigée; certains commencent déjà à parler de la présidence d'Hilary. Chez nous, la nomination d'une personne aussi inattendue pourrait avoir cet effet. Le regain de confiance dont parle Facal peut venir par des facteurs socioéconomiques; cela prendrait des années et des années. Mais je me demande dans quelle mesure un tel Québec, une deuxième Catalogne riche et prospère, continuerait à voguer vers sa souveraineté. Les montées souverainistes ne sont-elles pas associées à des défaites, à des frustrations? Quand tout va bien la cote descend. Alors, si tout va bien, si nous ne recevons plus de péréquation, si notre chômage frise le plein emploi, si notre décrochage scolaire tombe et notre taux de diplomation grimpent, si nos salaires décollent de ce plancher canadien, nord-américain, pour approcher un tant soit peu la moyenne, à ce moment-là, le Québécois voudra-t-il sur la base de sa richesse collective confirmer sa distinction linguistique et culturelle?


Je ne crois pas aux mouvements lents et méthodiques qui mèneraient vers un changement politique si majeur. Monsieur Landry parlait et mentionne d'ailleurs régulièrement que la réalité précède souvent le droit; que le geste arrive avant son inclusion dans le juridique. Il n'a pas tort; il faut peut-être se demander à quoi ressemblerait ce droit. J'imagine qu'il parle d'une affirmation nominale à l'intérieur de laquelle le mot Canada et toute sa famille lexicale disparaîtraient remplacée par le mot Québec et sa famille. En effet, cela pourrait devenir une évidence tellement ancrée dans la quotidienneté que le pas vers sa reconnaissance légale serait plus facile à franchir. Je crains toutefois que cette centralisation sur le factuel ne soit associée à une ignorance populaire des populations environnantes et dès lors d'une panoplie de préjugés et de stéréotypes qui rendent facile la manipulation des masses par le pouvoir.


Monsieur Facal espère une amélioration importante de notre système de santé et de l'éducation. Ce sont deux secteurs où une meilleure diète, donc connaissance et volonté d'améliorer notre alimentation, et où un meilleur soutien parental des écoliers et un meilleur recrutement des professeurs ne coûtent rien de plus. Nous avons une telle dépendance envers le gouvernement pour les services, mais aussi pour les centaines de millions en subvention de toutes sortes, que nous nous sommes déresponsabilisés relativement à notre propre indépendance individuelle. On n’est jamais loin de notre indépendance nationale puisqu'elle devient un prolongement de notre paresse actuelle. Mais les valses d'hésitation sont de même symptomatiques de notre inquiétude instinctive de pouvoir, de devoir, travailler plus fort et plus efficacement pour soutenir une société qui ne dépendrait plus que de nous.


Finalement, j'attendrai le Messie. Seule une personne avec un machiavélisme délirant et un charisme divin pourra déclencher cette vague d'inconscience collective du type que Lévesque, voire même Trudeau, ont su utiliser pour envoûter tout un peuple. Mais contrairement à ces deux personnages, il faudra que le prochain messie soit beaucoup plus manipulateur et beaucoup moins démocrate. Il lui faudra être la loi, non pas son amendement.


Merci Monsieur Facal! Je trouve votre réflexion fort pertinente. Patrick Lagacé de Gesca trouve qu'elle ressemble à un nouveau parti politique... Tenez-moi au courant de votre programme. Si vous lorgnez vers la communauté européenne, on pourrait se revoir...

22 septembre 2010

Le bonheur de lire John Updike



Après Rabbit, je commence The Witches of Eastwick. Quelle merveille!

Je lis Updike lentement dans ses premières pages. Bien sûr, la vitesse me gagne lorsque j'entre plus à fond dans l'histoire. Ce roman-ci suit plusieurs visionnements de ce merveilleux film avec Cher, Susan Sarandon et Michelle Pfeiffer qui accompagnent Jack Nicholson.

Le roman, je le savais par une entrevue qu'Updike avait donnée au critique littéraire du New York Times, va dans le plus sanguinaire, le plus sorcellerie et le plus cruel. Ce romancier aime promener son lecteur dans les ruelles des sous-mondes :

«Nature is always waiting, watching for you to lose faith so she can insert her fatal stiche.» (Updike, page 24)

Il mentionnait au journaliste que le film n'avait pas grand-chose à voir avec son livre sauf la très générale idée que trois femmes s'immiscent dans la vie d'un homme qui arrive dans leur petite ville. Mais, il s'était bien amusé et avait apprécié l'appel de George Miller pour venir assister à l'enregistrement de son film et de lui donner des rétroactions.

Je lis donc cet Américain comme on mange du gâteau au fromage ou une fine pâtisserie ou encore comme on étend du caviar précieux de Russie sur un craquelin... Comme un geste rituel à la fois important et combien futile au fond! Updike n'est pas futile; ce n'est pas mon propos; Updike image et creuse son texte; le geste futile, c'est ma lente lecture, car je sais bien que quelques dizaines de pages suffiront à démanteler mes intentions. À ce moment-là, le texte se déroulera comme une source de montagne : fraîche, cristalline, indomptable et pressée d'en arriver plus bas.

Les sorcières ne jurent que par le diable. Ce Lucifer ne parvient toutefois pas à les dompter. Elles vont apprivoiser elles-mêmes leur cruauté. Leur pouvoir, ne connaissant pas vraiment de limite sur les mortels, atteindra le sommet, un comme celui des moines tibétains, des sages.
 

21 septembre 2010

Prendre de la distance...


Igor va gruger Terre-Neuve dans quelques heures. Le puits BP dans le Golfe du Mexique est mort. Dans les journaux, les goélands quoi-quoi-quooooiiiii mangent les frites qui traînent autour des tables. À la télévision, Crésus signe l'insignifiance avant de quitter dans sa limousine pour le nouveau Verdun, politiquement nominé...


Prendre de la distance : c'est une prescription.
« Les religions sont à Alexandrie aussi variées que les négoces : la qualité du produit est plus douteuse. Les chrétiens surtout s'y distinguent par une abondance de sectes au moins inutile. Deux charlatans, Valentin et Basilide, intriguaient l'un contre l'autre, surveillés de près par la police romaine. La lie du peuple égyptien profitait de chaque observance rituelle pour se jeter, gourdin en main, sur les étrangers; la mort du boeuf Apis provoque plus d'émeutes à Alexandrie qu'une succession impériale à Rome. Les gens à la mode y changent de dieu comme ailleurs on change de médecin, et sans plus de succès. Mais l'or est leur seule idole : je n'ai vu nulle part solliciteurs plus éhontés. Des inscriptions pompeuses s'étalèrent un peu partout pour commémorer mes bienfaits, mais mon refus d'exonérer la population d'une taxe, qu'elle était fort à même de payer, m'aliéna bientôt cette tourbe. » (Yourcenar, Les mémoires d'Adrien, page 208)
Le grand empereur romain Hadrien catapulte son pouvoir sur les peuples. Sa puissance ignore les réserves, les modérations; elle fouette le temps pour le tenir en laisse malgré la conviction intime qu'il la rattrapera comme il rattrape tout.

Il faut bien se rabattre sur le gris automnal et cesser de lire l'actualité. Le soleil reviendra sans doute. Le débat de la dépolitisation populaire, du « je-m'en-foutisme » au cynisme pur, est périmé. L'exécution de la classe politique sonne. On a parlé régulièrement du manque de relève. Tant et aussi longtemps que l'âge appuyait très fortement l'image, on pouvait digérer la situation et la confronter avec l'espoir que peut-être un certain nombre de personnages plus jeunes accepteraient de prendre la place. Malheureusement, à regarder et entendre la superficialité affichée par ces plus jeunes qui arrivent avec les mêmes attitudes, les mêmes préjugés, la même ignorance de l'histoire et de la culture, c'est encore plus décourageant. Ces jeunes futurs fauteuils de ministère ne font que relever les mêmes vieux thèmes. Des MP3 répétant les mêmes rengaines avec les mêmes moyens. Pas surprenant que les médias s'en régalent. Vivre de scandale en scandale, ça vend...
« Ce IIe siècle m'intéresse parce qu'il fut, pour un temps fort long, celui des derniers hommes libres. En ce qui nous concerne, nous sommes peut-être déjà fort loin de ce temps-là. » (Yourcenar, Carnets de notes de Mémoire d'Hadrien, page 342)
Je lisais avec une profonde nostalgie les tirades de Pierre Vadeboncoeur dans La ligne de risque l'autre jour. C'est vite passé au beau risque et à la prochaine fois... Comme si on pouvait rentrer le bébé avorté, refaire la grossesse et retourner à l'obstétrique pour une renaissance. On va appeler les moines du Tibet! Vadeboncoeur, Bourgault, Miron, Ducharme, Aquin, ils sont morts avant de crever d'ennui; tant mieux pour eux. On parle beaucoup de la crise d'octobre depuis quelques semaines. Il y avait eu une unanimité à l'Assemblée nationale pour dénoncer cette apparente insurection; Laurin en tête. Ça fait une belle jambe aux partisans de la liberté politique. En 70, un mouvement s'est mis en branle qui n'avait aucun besoin de ces quelques felquistes pour atteindre l'indépendance. Le peuple la voulait profondément; il aurait fallu un appui. Le fédéral lui a donné juste ce qu'il fallait de répression et de médiatisation pour écraser l'oeuf et le remplacer par un test-tube. On voit ce que cela donne. Un chaos épouvantable. Les scissions sociales sont devenues des gouffres; les professions, des chasses gardées; l'ambition, un portefeuille garni; l'éducation, un mythe; la culture, une chaudière.



Bourgault n'était pas Hadrien. Vadeboncoeur pas Lucius. À quoi sert-il de prendre ses distances? Combien de gants blancs faut-il pour affirmer son pouvoir?

20 septembre 2010

La nymphe et la lampe


Thomas H Raddall raconte depuis les brumes de la Nouvelle Écosse des aventures à ne jamais plus dormir aussi paisiblement qu'avant. Pas par peur; plutôt par une incertitude languissante sur les traces de l'histoire dans notre imaginaire. La réalité appréhendée se distortionne pour rendre les ombres du passé.
«This struggle, made the more violent by the strong set of current around West Point at half-ebb, filled the small world of Martha with a cofused and mighty uproar. To Isabel, even in the safety of the lighthouse, clutching Matthew's arm, the spectacle and the sound were frightening. With amazed eyes she watched the ice field piling up in masses like a spilled pack of cards, grinding its own ruins underfoot and pressing on. And again she wondered, as she had wondered through the winter gales, how Marina, made utterly of sand, without a rock, without even a pebble in its compositions, could withstand such assault for even half en hour.» (The Nymph and the lamp, page 190)

Cette nature partagée par tous les nordiques, dans un contexte ou dans un autre, sur la plaine ou dans les montagnes, sur un rapide ou dans un chalut, elle enrage de tout reprendre. Cette petite île, Marina, ne cède pas, non plus l'agent télégraphiste qui cherche toujours un di di di dat dat.... di dat dat di dat... di di di dat... pour y répondre. Mais comme ce télégraphe est encore un truc de magie noire sur les navires, lorsque des clics se font attendre, ils donnent l'impression de venir directement du vide et on ne peut croire qu'un autre humain signale sa présence quelque part en mer.

La solitude oblitère toutes les vies. La terre résiste, mais l'homme, lui, glisse le long de la volonté des éléments.



19 septembre 2010

MA-KA-TAI-ME-SHE-KIA-KIAK



MA-KA-TAI-ME-SHE-KIA-KIAK, ou Black Hawk, nous est raconté par Serge Bouchard dans le cadre des Remarquables oubliées. J'ai déjà parlé de cette admirable série. Chaque épisode sidère littéralement devant la description de ces héros que l'histoire, nous, oublia sournoisement.

Pourquoi revenir aujourd'hui avec cela : parce que nous sommes allés au Jardin botanique. Nous y allons régulièrement. Chaque fois, nous nous rendons au jardin des Premières Nations où les enfants rencontrent toujours une facette nouvelle de la vie de nos ancêtres. Aujourd'hui ne fut pas différent : en arrivant sur les terrains du Jardin, immédiatement, les enfants clament leur volonté de se rendre à leur endroit préféré. Cette fois, une jeune les fascine en leur montrant l'art de broder à la perle. Une classe improvisée commence qui se poursuit une bonne vingtaine de minutes après lesquelles elles repartent avec une aiguille à perles et du fil. Par la suite, nous nous promenons en suivant le mince couloir puis arrivons à une intersection où quelques personnes, assis par terre les mains tendues, attendent patiemment la venue des mésanges qui viennent cueillir de graines de tournesol et des baies d'elderberry. Nous suivons leur exemple... Après quelques minutes, nous reprenons notre route pour poursuivre notre visite.

Nos enfants auront une vision belle voire fascinante de cette civilisation qui domestiqua notre territoire. Ces premières nations deviennent à chaque visite les vraies nations de cette terre que nous avons volée. Ce document dont j'ai donné l'adresse ci-haut est un bon exemple d'un de ces massacres dont nous nous sommes rendus coupables.

Je me demande souvent si nous ne sommes pas toujours ces blancs égoïstes et cruels quand je lis ces reportages sur les communautés autochtones qui crèvent de faim, qui vivent dans des conditions misérables.


On se souvient de ce que l'on veut bien...

17 septembre 2010

Earphones'friday!



À la fin de cette semaine-ci, un peu de sagesse qui fait le lien entre deux héros qui n'ont jamais fait la guerre, qui n'ont pas levé d'armes, qui ont tout simplement fait leur révolution en notes et crescendo...



But since we have to wake up to reality sooner or later, better be ready for...



Have a nice weekend... et à bienôt!

16 septembre 2010

Le stress et nous.



Voilà quelques jours, je vous entretenais de sagesse. Celle-ci ralentit nécessairement le rythme. On l'associe facilement à une pause. Du calme! Paix intérieure! Petit moment de bonheur, d'arrêt, de sourire... Le stress va dans le sens inverse. Il réfère à la réaction subite; des nanosecondes qui déclenchent la cortisone qui actionne l'action: le combat ou la fuite. Pénétrons donc dans cet univers d'éclairs de vie.
«Hippocrate, Confucius, Bouddha, Lao Tseu… Orient et Occident réfléchissent dès l’Antiquité sur la notion de bien-être et d’harmonie pour une vie meilleure. Les Grecs, toutes écoles confondues, en arrivent au concept d’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de trouble, l’équilibre. En Orient, les écrits portent sur une sorte d’équanimité, toujours à la recherche du moindre déséquilibre possible.»

Élodie Courtejoie s'entretient avec Michel Le Moal. Notre société cloisonne les individus. Ce trente-deux minutes d'entretien trace l'histoire de la recherche avec ses succès, ses tendances et ses errances.

Je vous laisse simplement avec quelques commentaires qu'a suscités l'audition de ce document. À une époque où d'une part nous stabilisons et standardisons à outrance me semble-t-il les systèmes d'éducation nationnaux, nous réalisons une fois de plus que, si nous sommes nés égaux face à certaines compétences, les mathématiques par exemple, certains facteurs environnementaux socio-économiques vont opérer des différences. Le niveau de stress en est un. Les individus ne sont pas tous égaux face au stress.

«Mais tous les individus ne réagissent pas de la même façon face au stress. « Dans les grands événements de vie qui peuvent bouleverser un individu, guerre, holocauste… on s’aperçoit que certains sujets s’en sortent presque « normalement » là ou d’autres ont un genou à terre. Les Américains s’intéressent de près à ces phénomènes. Ils étudient les conséquences des grands traumatismes chez leurs soldats ». Comment expliquer que l’on compte à ce jour 6000 suicides chez les soldats américains revenus de la guerre d’Irak et d’Afghanistan, alors que d’autres réussissent à se réinsérer dans la vie ?»
Nous pourrions ajouter des déplacements ethniques forcés, des esclavages juvéniles orchestrés, des viols communautaires cautionnés et bien d'autres cadeaux de nos classes dirigeantes. Hier, aux Grands reportages, un dirigeant arabe faisait l'apologie de son peuple; il mentionnait que notre ignorance profonde de leur réalité quotidienne occasionne des réactions démesurées face à certaines de leurs traditions. J'en finis par conclure que nous carburons au stress et que toutes les raisons sont bonnes pour l'alimenter.
«En ce sens, de nombreuses études prônent une nouvelle médecine intégrant les sciences sociales à la biologie et à la médecine. C’est un acquis en Angleterre et aux États-Unis. Ces derniers les appellent d’ailleurs des « pathologies sociales ».
Les pathologies sociales commencent leur cheminement au travers de la médecine française, mais, dans le monde anglo-saxon, elles font la manchette et plusieurs recherches ont en cours pour en démontrer la pertinence. Savater, ce philosophe espagnol, suggère une plus grande responsabilisation individuelle et argumente que le succès ne dépend que de soi-même. Je le suis; mais faudrait voir si ces fameuses pathologies sociales ne deviennent pas des entraves assez importantes pour sérieusement modifier le parcours d'un individu.

En terminant, je m'aventure à étudier vos stress. Je connais un peu les miens; je les étudie parfois dans des moments de sagesse, surtout au lit le soir juste avant de partir vers le stress du sommeil paradoxal...

15 septembre 2010

Figaro-ci Figaro-là!



Les Roms continuent de faire la manchette. La France aussi, bien sûr, puisqu'elle conserve la politique de fermeté en regard avec eux. Tout le monde s'esclaffe et demande justice au nom de ces pauvres gens. Sarkosy, toutefois marque des points avec son peuple. Ô Satan, il marque même des points avec Berlusconi; il planifie peut-être une vacance au Palatin. Toujours est-il que le caporal ne cesse de sa cacher. Il est allé voir sa dulcinée chez Woody Allen, mais lui et Fillon joue l'entrecolonne pendant les débats. Les retraités prennent la rue et les Roms le champ. Si les uns laissent leur caravane et leurs moutons, les autres pourront toujours en reprendre du service en cas de lockout. Elles s'en vont où ces dérives?

À la question du Figaro à savoir si l'Union européenne a raison de lever le ton contre la France, une majorité (+ de 65 %) répond que les critiques ne sont pas justifiées. La commissaire européenne, Viviane Reding, a dû s'excuser :
« Viviane Reding fait machine arrière. Attaquée par Paris après avoir comparé implicitement le renvoi des Roms à la Shoah, la commissaire européenne à la justice est revenue mercredi soir sur ses propos. “Je n'ai en aucun cas voulu établir un parallèle entre la Deuxième Guerre mondiale et les actions du gouvernement français d'aujourd'hui”, a assuré la Luxembourgeoise. “J'ai au contraire défendu, au nom de la Commission européenne, les principes et les valeurs sur lesquelles notre Union européenne est fondée”, a-t-elle ajouté. “La Commission européenne dans son ensemble se concentre sur l'application du droit de l'Union et sur le principe de la non-discrimination”, a souligné la commissaire. »
Il faut bien admettre qu'elle portait des galoches à talon vraiment haut pour comparer le déplacement des Roms à la Shoah. D'ailleurs, il est intéressant de remarquer le grand silence de la Roumanie dans le débat... Et Washington qui s'en mêle :

« L'expulsion des Roms par la France dérange aussi aux États-Unis, où l'administration Obama a emboîté le pas mercredi au Congrès, aux médias et à une ONG inquiète pour les droits des Roms. “À l'évidence, les droits des Roms sont importants pour nous, et nous invitons la France et d'autres pays à (les) respecter”, a déclaré à la presse un responsable du département d'État, sous couvert de l'anonymat. »
Depuis qu'ils ont acheté un noir pour la présidence, plus rien ne les retient. Je me demande bien s'ils vont les inviter au prochain banquet présidentiel; ou leur offrir un billet sur United pour venir s'installer dans un des nombreux villages de galetas de leur paradis? Pouvons-nous nous posons la question de l'opportunisme de ces virulentes critiques : tout le monde était vraiment heureux de les voir s'installer en France, du moment où ils ne s'installaient pas chez eux... Nous, aussi! Ne restons pas cois; nous les utiliserons au champ au lieu des sud américains; ils se contentent de tentes rudimentaires...

Le Tea Party, parti d'ultra-droite, le PN américain, commence à placer des gens sur l'échiquier politique. On sent un durcissement; est-ce l'effet du cynisme populaire? La France n'est ni à la remorque, ni à l'avant-garde d'un mouvement réactionnaire qui veut replacer la donne plus formaliste : chez nous pour nous grâce à nous. Les Roms ne sont que les victimes d'un vacuum sociétal autour duquel les politiciens orbitent faute de promouvoir une direction claire à cette crise économique dont on ne peut se sortir complètement. Les Roms et tous les bénéficiaires de la couverture sociale en feront les frais. À bien des égards, nous revenons à cette époque où les riches étaient si fabuleusement riches que n'avait d'autres choix que de jeter son dévolu, ses frustrations, sur les plus faibles autour de lui : les immigrés, les pauvres et les asociaux. Pendant cette gangrène sociale, dans le but sans aucun doute de courber les dépenses publiques dont les nantis ont perdu le contrôle, l'Assemblée nationale française prend de plus en plus des allures des États généraux.



À côté de ces envols oratoires, notre Assemblée et notre Chambre des Communes ressemblent plutôt à une basse-cour vulgaire où le britannisme, voûte du franc-jeu, engourdit des engourdis. Tant de personnages illustres restent à découvrir. Nous ne pouvons qu'espérer qu'un de ceux-là viendra bientôt.

14 septembre 2010

words of wisdom...



La sagesse. Vous vous souvenez du personnage le plus sage que vous connaissez? Oui, c'est ma mère... Oui, c'est mon père... Ah! Oui! c'est un de mes professeurs... On n'en finit plus de trouver des sages. En réalité,  Who's got the wisdom?

Je pourrais opter pour Paul et John qui ont écrit tant de textes qui pourraient rendre tellement plus sage : Power to the people, Give peace a chance, Yesterday, Long and winding road, and so on and so on, comme l'infatiguable lapin à piles! Sans compter tous les autres artistes qui chantent leurs propres textes ou les textes des autres. La sagesse n'est pas chez l'autre, elle est en nous... Et pas en permanence, nous ne le savons que trop bien.


Let it be: laisse faire. Carpe diem. Tais-toi. Avale. Absorbe. Digêre.

Dans le catalogue de l'humanité, la recherche de sagesse fourmille d'échos honorables, sains et salubres. Diogène, entre autres, dont je parlai déjà voilà quelques jours. Quoi de plus sage, en effet, que de vivre nu dans un tonneau? Bon, je vous l'accorde, en Grèce, climatologiquement, couché nu dans un tonneau, plus facile qu'en Norvège. Mais dans un igloo en caleçon alors... Let it be...

When I find myself in times of trouble, mother Mary comes to me,

speaking words of wisdom, let it be.
And in my hour of darkness she is standing right in front of me,
speaking words of wisdom, let it be.

Let it be, let it be, let it be, let it be.
Whisper words of wisdom, let it be.

And when the broken hearted people living in the world agree,
there will be an answer, let it be.
For though they may be parted there is still a chance that they will see,
there will be an answer. let it be.

Let it be, let it be, .....

And when the night is cloudy, there is still a light, that shines on me,
shine until tomorrow, let it be.
I wake up to the sound of music, mother Mary comes to me,
speaking words of wisdom, let it be.

Let it be, let it be, .....

Apparemment, l'âge l'apporte. Laquelle? 40? 50? 60? Qui sait? Pas plus fou qu'un vieux fou... Considérant tout ce que nous devons laisser aller avec les années qui passent : « Let it be » devient une seconde nature. 


Sagesse : « Caractère, conduite du sage, tempérance, calme empreint de supériorité venant des connaissances. »


Merci Antidote : conduit par le sage au calme supérieur par tout ce qu'il a accumulé de savoir. Alors, dressons le portrait : il sait tout; il ne s'énerve pas; il est imbu de lui-même. Ma foi, c'est mon patron! J'irai le voir demain pour lui offrir l'igloo et, s'il s'en faut, en collatéral à mon bleu, je lui demanderai le vieux tonneau qui traîne dans l'entrepôt.


Quelqu'un mentionna un jour qu'il préférait mourir usé plutôt que séché : préférant l'action à l'attente. Je refuse donc la sagesse. Elle endort; elle réfléchit; elle tergiverse. Je fonce, répare et repart!

13 septembre 2010

Les lumières de l'Histoire

Chine

La Chrétienneté

L'Empire ottoman


Ce matin, alors que j'expliquais à mes étudiants la logique derrière le début et la fin du Moyen Âge, je fus frappé par une évidence qui m'était jusque-là demeurée méconnue: le glissement de l'Islam vers le Nord-Ouest.


Aux environs des années 450, les tribus du nord et du Nord-Est déferlent vers l'Empire romain qui doit capituler devant les hordes qui détruisent de ville en ville, de village en village, graduellement, mais impitoyablement toutes traces de leur pouvoir. Avec les restes de ce vaste empire, ils initieront une installation politique et sociale qui deviendra la base des sociétés européennes et périphériques. Ils pousseront même au-delà de la Méditerranée pour aller conquérir Jérusalem qu'ils perdront et reconquerront périodiquement dans un va-et -vient sanglant avec les Ottomans. Voilà donc le tableau de la naissance et de l'établissement de la société médiévale.

Quelque mille ans plus tard, mille ans pendant lesquelles les barbares se sont lentement transformés en chevaliers toujours plutôt rustres, en damoiseaux friands de pucelles odorantes, en bourgeois gaillards aux rires gras et exploiteurs. La culture volait à ras le sol au grand plaisir de l'Église qui maintenait sous sa férule l'aristocratie naissante et la paysannerie. Toutefois, l'Islam rêvait encore de conquête. Les rencontres avec les croisés lui titillèrent le sabre et vint le moment où ils décidèrent de rayer le trait d'union entre eux et la capitale de la Rome antique. Byzance, épuisée par de nombreux conflits armés et des bisbilles internes rompues de corruption et de décadence ne put résister bien longtemps aux appétits de l'Empire ottoman. Ils succombèrent. Cette défaite ultime de la Grande Rome impériale marqua la fin de plusieurs centaines d'années de domination de l'Occident et permit à l'Islam de pénétrer profondément dans les fiefs gothiques.

Les intellos et scientistes de tout acabit des restes de Rome s'enfuirent de ce tumulte guerrier pour se réfugier en Italie avec le contenu de leur cerveau et de leur bibliothèque. Les monarques du Nord devinrent rapidement jaloux de toute cette culture qui comblait l'Italie d'une réputation semblable à celle qu'ils enviaient à leur entrée par le nord de l'Empire romain d'Occident. Ils s'empressèrent d'aller les chercher pour garnir leurs cours. Nous assistions à un reflux de la civilisation vers son point d'origine et ce reflux avait maintenant comme protecteur ceux-là mêmes qui avaient tout fait pour le détruire. Comme un immense vague, la culture (sociale, politique, artistique, littéraire, philosophique) était descendue vers le sud puis vers l'Est poussée par les Goths et autres peuplades, et revenait vers l'Ouest et le Nord encore repoussé par des hordes fanatiques moins civilisées qu'elle. Le Moyen Âge s'ouvre sur une razzia au Nord-Est et se ferme sur une razzia au Sud-Est. Le serpent mange sa queue: la destruction à tout prix puis la récupération en rachat.

Le Moyen Âge apparaît dès lors comme un long purgatoire durant lequel plusieurs langues nationales prirent naissance, issues de dialectes oraux qui, à la rencontre du latin, s'officialisèrent et créèrent des embryons de littérature. Ces formes primitives de documents écrits prirent leur véritable envol lors d'une nouvelle rencontre avec le latin; cette fois, on n'allait non plus jalouser le territoire, mais les connaissances et ses moyens de diffusion. Dès que les échanges avec les fuyards de Constantinople commencèrent, le Renaissance pouvait prendre place. Nous sommes tentés de conclure que la civilisation occidentale a perdu plus ou moins mille ans. Si les tribus victorieuses avaient adopté la même philosophie que les Romains ou les Grecques, et comme d'autres peuples de l'Empire du Milieu et du Moyen-Orient, la marche vers une identité originale et la constitution ordonnée de la société auraient été beaucoup plus rapide. Il faut croire que cette stagnation convenait à certains membres de ces communautés.

Il sera intéressant de voir comment les historiens finiront par interpréter l'intrusion agressive de la Chine dans l'économie contemporaine et celle de l'Islam fondamentaliste dans le système des valeurs. Il semblerait presque que nous assistons à deux fronts pour une première fois de notre histoire. Cette fois nous sommes au centre, un peu comme Rome l'était au premier millénaire. Si notre société occidentale devait connaître le même sort que les ancêtres que nous et l'Islam avons détruits, quel genre de Moyen Âge aurons-nous? Car nous pouvons facilement imaginer ces deux peuples entamer un règne millénaire.