5 novembre 2008

Dernier droit (4)

Cardiologiste! 250, 000 $ par année pour faire boucherie. La dernière fois que j'ai fait du coeur de boeuf, il est resté dans les assiettes: caoutchouté. Au soin intensif, personne ne court; tout le monde remplit son rapport, classe des pillules, regarde la scédule pour la prochaine fin de semaine. Chiale...

J'ignore le nombre d'heures depuis la mer. De jours? Hum! Détaché vivant, viande rouge fraîche demandant sac de conservation. Ça sent bon: un peu vanillé parmi du camphre. Je voudrais pouvoir me border comme quand j'étais jeune dans la chambre en haute... je monte à la chambre; vers la gauche quelques pieds dans le corridor tiède; je croise le cadre de porte; le froid fouette mon corps recouvert d'un vieux pyjama en flanelle au motif lugubre. Il fait froid dans la chambre: problème de chauffage; économie de bout de chandelle! À la droite, mon lit; l'ancien lit d'Ernest, le grand-père, apparemment. Un lit de fer étroit qui grinche; mon lit; mon matelas; me douillette en coton rugueux carotté rouge et vert et fourré de quelque matériel louche qui sent. Je dégage l'oreiller; je plis parfaitement le drap blanc par-dessus la douillettee; je ramène les côtés en dessous du matelas, des deux côtés en séquence, fébrile de pénétrer dans mon cocon; les couvertures sont si serrées que le matelas en est incurvé. Je me glisse à l'intérieur... mon cocon! Et j'attends la sorcière. La quoi? On s'en reparle plus tard.

Les yeux me ferment. Pas de tonus musculaire! Le cerveau s'éteint.


Le pire et le meilleur


Barrack Obama est président des États-Unis.

Il succède à George W. Bush.

Ce pays juste au sud de chez nous, cette puissance impériale, en décadence selon plusieurs, vient de se donner un Christ. Il a même demandé à son public de l'aider à porter la croix vers le sommet de la montagne. Toutefois, au sommet de la montagne, ce n'est pas la crucifixion, c'est le nirvana.

J'envie tous les américains ce soir: ils ont un chef. Il les a fait pleurer d'affection; crier de joie; sauter d'impatience; écarquiller les yeux comme un nouveau né; rire avec un serrement dans la gorge. Je me souviens du dernier de chez nous qui m'a fait pleurer: René Lévesque! Lui, on lui a fait monter la montagne aussi, mais rendu en haut on l'a crucifié...

J'ai tellement le goût de déménager.

4 novembre 2008

Cultlure de l'immédiat


La semaine dernière, je rentrai dans la librairie Morin de Trois-Rivières pour acheter un livre. C'était l'anniversaire de naissance de ma fille qui demeure à Toronto et qui est une avide lectrice... et amatrice de film!

Ayant terminé le très beau « Sollicitudes » de Beaulieu et Atwood sur la littérature canadienne, j'avais le goût de lui acheter un Ducharme, un Beaulieu, un Aquin. Je me dirige vers la section littéraire du Québec; je cherche; je cherche; rien! RIEN! Aucun de ces auteurs ne se trouvait sur les tablettes. Parle d'un tablettage de filière treize! J'ai alors jeté mon dévolu sur les publications françaises; bien sûr elles pullulent. Et pas que les p'tits nouveaux au nombril humide comme les nombreuses publications romanesques des deux dernières années de la section Québec; mais non, du Moyen Âge jusqu'au XXIe siècle chez Folio, Livre de Poche, Flammarion, Points, Idées, La Pléiade et j'en passe... Et à bon prix encore. Je retourne dans la section P'tite Patrie : j'ai mal vu; recommençons! Je viens de voir, timbre rare, un ou deux Ducharme chez Folio et Aquin chez aussi, erreur de commande sans doute! Plusieurs Atwood, Richler, Lawrence, Munroe, Ondatje et d'autres avec l'imprimatur des grandes collections de France. Alors, c'est sûr, je trouverai quelques Boucher de Boucherville, Larkin, Lacombe, Rivard, Girard, Harvey, Germain, Godbout mon dieu, Carrier peut-être, enfin du Tremblay? Oui, oui, en voici un entre et parmi des tonnes d'insipidités subventionnées pour faire aller les presses, masturber les intellos et garnir les concours de l'UNEQ.

Je suis sorti avec un Ducharme de Folio et un Claudel (le jeune) en Livre de Poche.

En 1972, quand nous avons débuté, moi et une quinzaine d'hurluberlus, notre Bac spécialisé en littérature québécoise, on lisait la plupart des oeuvres romanesques et poétiques en photocopies pirate parce que les familles ne voulaient donner les droits de reproduction à un imprimeur. Quelle bande de minables pleutres! Le théâtre, Germain, Gauvreau entre autres ont totalement disparu de la sphère littéraire, publié dans des maisons d'édition aussi disparues. On leur préfère des Américains, des classiques ou des Européens ninjas... On n'écrit plus, on met en scène! Or donc, on avait la mission de mettre la littérature sur la carte. On était si fier de se montrer avec ces documents brochés à la vite, ou boudinés fragile, de trimbaler cet enfant qu'on voulait tellement élever vers la stratosphère des univers culturels. Je me souviens avoir lu Une de perdue, deux de retrouvés de Boucherville, dans la Revue canadienne à la bibliothèque municipale les soirs d'hiver, chapitre par chapitre sur ce vieux papier, comme on déshabille une fille la première fois.

Mais la balloune a pété. Aujourd'hui, il faut les commander pour les étudiants pour voir les arbres de notre passé littéraire apparaître sur les tablettes... S'ils sont réédités bien sûr! Que dis-je « passé ». Les arbres d'hier, même pas avant hier. On peut bien reprocher aux jeunes de ne pas avoir de perspective historique. J'ai pas soixante ans et j'ai déjà vu naître et mourir des auteurs, de puissants auteurs! J'ai pas soixante ans et j'ai vu naître et mourir ma culture...

Tant pis.

3 novembre 2008

Futilités


Demain la Terre arrêtera de tourner. Les Américains nommeront leur président.


La série mondiale: les Phillies de Philadelphie ont gagné battant Tampa Bay Rays.


Le Superbowl l'automne dernier? Les Giants de New York juste par trois points sur les Patriots de New England (Boston).


J'en bave. J'aime tellement parler de leurs exploits, de leur forces, de leurs faiblesses. Je suis à la lettre les indices de leur bourse. Je ris de leur choix. Ils n'ont pas de culture. Ils sont corrompus et impériaux.


Je suis à leur remorque. Je regarde leurs films. Je conduis leurs autos... ou les japonaises... ou les coréennes.


Je vis en procuration en attendant d'avoir le courage d'être quelqu'un.


Le cirque est en place. Les animaux attendent au sous-sol. Les gladiateurs grouillent dans leurs cages. Les spectateurs mangent et boivent dans les gradins. Les notables copulent sur les balcons. L'empereur boit. Le soleil!


Les satius, assis en périphérie, à l'écoute du prochain commandement, savoure la fierté de son maître.


L'empereur est mort! Vive l'empereur!