27 août 2009

Le jeu et la littérature


Le goût de reprendre une avenue introduite par un bon ami me vient ce matin : le jeu virtuel dans la formation académique.

Ma formation littéraire me mène instinctivement vers le jeu que représente l'analyse de texte. J'envie les professeurs de sciences qui ne s'ingénient pas trop longtemps pour motiver la horde de leurs ouailles qui luttent férocement pour atteindre des performances dignes d'une rutilante cote R et d'un droit d'entrée dans des secteurs d'élite qui leur amèneront argent et reconnaissance. Attention, je connais certains professeurs de sciences qui, en véritables pédagogues se lanceront des défis superbes en introduisant des méthodes toujours plus originales pour présenter des concepts en évolution continue : confrères, quel baume de voir vos efforts, vos projets, couronnés par des mines attentives, curieuses et avides de se rendre au bout du défi, au bout du contrat. Malheureusement, outre ma personnalité, mon charisme et ma profonde affection pour eux, je ne rencontre, après plus de trente années dans le secteur, que des succès mitigés et souvent réducteurs : la littérature officielle, le roman, la poésie, le théâtre et dans un moindre impact l'essai, ne soulèvent à peu près jamais de passion. Les multiples contorsions pour séduire fonctionnent habituellement, mais ne développent que très rarement une onde qui perdure au-delà de quelques semaines.

La question que je me pose est la suivante : comment développer chez les étudiants en technique, toutes techniques confondues, le sens du défi qui suscite la curiosité et la volonté de fouiller avec enthousiasme le monde de la littérature?

Je débute cette brève réflexion avec une citation de Maurice-Jean Lefebve, théoricien littéraire français, prise dans son livre Structure du discours de la poésie et du récit aux pages 92, 93 et 94 :

« Le terme d'image est vague, il recouvre des réalités diverses : représentation mentale, imitation picturale, décalque, copie, figure de style en général ou plus particulièrement métaphore. Disons d'abord que, par image, nous entendrons toujours image fascinante, c'est-à-dire un phénomène qui, nous le savons, entraîne l'interrogation sur la Réalité. La présentification. [...] La vie pratique ne distingue entre réel et irréel que pour les besoins de son action. Ou plutôt, elle accepte également le réel et l'irréel à la condition de ne pas risquer de les confondre. Alors une représentation mentale lui est aussi utile qu'une perception. [...] Ainsi, ce que le conducteur d'une voiture voit dans son rétroviseur devrait conduire à la catastrophe. Il y puise pourtant des renseignements vrais qui guident son action. [...]

L'image fascinante consiste donc dans le phénomène par lequel l'objet de notre conscience, quel qu'il soit, se voit soudain mis en doute dans sa réalité et sa présence. Je dis : “l'objet de notre conscience» parce que deux cas sont ici possibles. Ou bien c'est la réalité de l'objet de notre perception qui, à la suite de quelque circonstance, nous apparaît soudain comme douteux et glisse vers l'irréel; ou bien c'est l'objet de notre imagination (une représentation d'abord purement mentale, un souvenir ou un rêve) qui semble tout à coup acquérir une consistance «réelle», qui glisse, dans un mouvement contraire, vers la matérialité. Dans les deux cas, il y a donc ambiguïté, incertitude, doute portant sur la véritable réalité (ou irréalité) de l'objet. Il s'ensuit que cette réalité mise en péril et en quelque sorte vacillante, braque notre attention sur elle et nous amène à formuler la question à partir de laquelle, comme nous l'avons vu, se prononce la Réalité esthétique. [...]

Le phénomène fascinant, dans la vie quotidienne, est souvent dû au fait que deux sensations qui nous viennent du même objet et qui à l'ordinaire coïncident, se trouvent soudain décalées l'une par rapport à l'autre, cette simple perturbation de notre perception suffit à en mettre en cause la réalité. Ainsi d'un spectacle contemplé de loin et dont les bruits qui nous parviennent sont en retard sur nos perceptions visuelles de quelques dixièmes de seconde. L'espace acquiert alors une consistance qui communique aux choses un aspect insolite. »

Alors si nous transposons ces données de réfraction entre la réalité perçue et la réalité réelle, nous pourrions suggérer une connexion entre les événements d'une oeuvre littéraire et les événements que l'étudiant fréquente dans son champ de spécialisation. Les chances de confronter les épisodes littéraires à des épisodes professionnels pourraient susciter de l'intérêt. Le rétroviseur devient la structure de sa réalité professionnelle; il doit avancer grâce à elle au travers d'une fiction qui interprète celle-ci. On me rappellera que les professeurs font souvent preuve de contorsion exemplaire pour créer des liens; mais cette fois, il faudrait l'implication des professeurs des cours spécifiques.

L'équipe de professeurs enseignant aux programmes s'entendrait sur un corpus à lire de part et d'autre; c'est-à-dire qu'autant le professeur de littérature devrait se documenter sur une dynamique professionnelle autant le professeur de formation spécifique devrait être informé et lire les oeuvres au programme. Nous atteindrions grâce à cette dynamique une réelle approche programme. Il serait d'ailleurs intéressant de réaliser à quel point les oeuvres, plusieurs faisant déjà partie du corpus régulièrement utilisé, même littéraire ont des connexions surprenantes avec la vie... On a tendance à l'ignorer. D'autre part, la communion des connaissances entre les professeurs de formation générale et spécifique pourrait ouvrir des perspectives riches.


26 août 2009

Ted Kennedy



Has enough been said? I guess not...

John, le grand frère, commença par son assassinat. Le deuxième, Robert, amplifia le psychodrame sous les balles de Sihran B Sirhan. Le plus jeune allait survivre politiquement beaucoup plus longtemps. On se demande bien pourquoi : parce qu'il n'était pas président? Peut-être. Pourtant, il a tout fait pour le devenir à une certaine époque.

John et Robert durèrent le temps d'un coup de coeur; Edward a vieilli dans la machine comme le vieux Joseph dans sa fortune. On a dit que John n'avait jamais travaillé un seul jour de sa vie. On pourrait sans doute dire la même chose de Robert. On ne peut très certainement pas en dire autant de Ted. Il faut travailler fort pour renouveler à chaque quatre ans un mandat électif. Peu importe l'argent, les gens ne sont pas dupes au point d'élire à répétition un homme, toujours le même, à leur sénat.

Bien sûr, il y eut toutes sortes de drames et de scandales, mais jamais d'assez grotesque ou grotesque pour le remiser aux oubliettes. La lecture de plusieurs articles à son sujet permet de constater le populisme de ce bourgeois. À la tête de plusieurs dizaines de millions de dollars, il se faisait le défenseur de la veuve et de l'orphelin. Ce scénario ne tourna jamais à la théâtralité; son honnêteté prévalait toujours. Depuis 1962, sans coup férir, il revenait au Sénat américain sous la bannière démocrate pour clamer la justice sociale.

La mort des deux premiers Kennedy a soulevé l'horreur. La mort de Ted Kennedy soulève l'inquiétude devant la perte d'un grand défenseur et l'espoir de pouvoir encore célébrer de grands américains.

24 août 2009

Vision

Parfois, les messages s'embrouillent. Un retour de lecture s'est mêlé à un autre par un automatisme que je m'explique encore mal. Un de ces gestes sans aucune logique qui nous fait creuser l'inconscient à la recherche d'une réponse. La nuit dernière, j'ai recopié quelques lignes de Le Clézio pour marier celles de Denise Bombardier. L'américanité brute de l'une fait une liaison oblique à l'arabisme conteur de l'autre. Comme si le conte fantastique poursuivait l'élan réaliste.

Les trois soeurs, sang héréditaire qui a coagulé; dont la galle séchée a résisté à toutes les tempêtes, à toutes les foudres; trois sordides femmes issues d'une Terre zolienne bouclent leur vie en célébrant une mort :

« L'après-midi où elle décida, en quelque sorte, de partir, ses soeurs étaient à son chevet. Elle s'adressa à Gloria en yiddish. “On l'a pas eue facile», murmura-t-elle. «T'as toujours été trop intelligente», répondit Gloria dans cette langue qu'elles avaient partagée en une complicité quasi affectueuse. «J'me suis bien occupée de toi quand t'étais bébé», dit Irma, «J'le sais, souffla Edna. Pis c'est pas vrai que tu m'laissais dans ma pisse,» «Repose-toi, pis sois pas inquiète, on va rester ici avec toi", dit Gloria, «Vous êtes ben bonnes toutes les deux», souffla-t-elle, Gloria lui prit la main tout doucement pendant qu'Irma lui caressait les cheveux. Edna referma les yeux. Les deux soeurs évitèrent de se regarder et demeurèrent silencieuses. Plusieurs minutes s'écoulèrent. Seul le souffle affaibli d'Edna brisait le silence. «Je sens plus son pouls»...» (Denise Bombardier, Edna, Irma et Gloria, page 243)

Elles sont peut-être canadiennes-françaises, peut-être québécoises, ou un peu américaines; elles sont clairement en chute libre dans un univers qui ne les ancre pas, où la notion d'appartenance, pour reprendre les mots de Noah Richler, est absente.

Absence dans laquelle nous lance Le Clézio avec cette petite aveugle qui cherche le ciel, l'azur, le bleu :

«Le grand ciel noir était absolument lisse, dur, paré de petites lumières lointaines. C'était le froid qui commandait sur ce pays, qui faisait entendre sa voix.

Peut-être que là où on allait, on ne pourrait plus revenir en arrière, jamais. Peut-être qui le vent recouvrait vos traces, comme cela avec son sable, et qu'il fermait tous les chemins derrière vous. Puis les dunes se mouvaient lentement, imperceptiblement, pareilles aux longues lames de la mer. La nuit vous enveloppait, elle vidait votre tête, elle vous faisait tourner en rond. Le bruit rugissant de la mer arrivait comme à travers le brouillard. Les grincements des insectes s'éloignaient, revenaient, repartaient, jaillissaient de tous les côtés à la fois, et c'étaient la terre entière et le ciel qui criaient.» (J.M.G. Le Clézio, Peuple du ciel, pages 48 et 49)

L'existence gonfle l'univers qui s'élève en monstre que l'on pourra ou non apprivoiser. Le dilemme des vies tient dans ce défi. Je dirais à un bon ami : est-ce donc un jeu? Nous devrions discourir sur la valeur de ce mot. Chose certaine les mêmes jeux n'ont pas le même effet sur tout le monde : l'un joue, l'autre vit. Le ciel est vaste et impénétrable, c'est un acquis; l'Amérique est vaste et mystérieuse, c'est une réalité. Les enfants survivront à leur vision, des clins d'oeil les y invitent; les trois sorcières — remember Eastwick — s'étoufferont dans leurs propres psaumes.


22 août 2009

De fil en aiguille

La littérature est un inépuisable compagnon. L'étrange séquence de lecture que voici illustre que seuls la méconnaissance et le manque de curiosité rendent ses services mitoyens à la quotidienneté. L'éducation gouvernementale me force à enseigner des gammes que les étudiants doivent nécessairement acquérir pour se voir délivrer leur diplôme. On y reviendra; sois dit en passant qu'il n'existe rien de plus efficace pour tuer le culturel et la langue avec elle.

Or donc, le printemps dernier, je lisais le panorama de Noah Richler, This is my country, What's yours?, avec engouement. De province en province, il cheminait de la côte ouest jusqu'à l'Atlantique en n'interviewant que des auteurs vivants. Parfois captivant, parfois baillant, souvent instructif, toujours souriant et bonhomme. Le point fort du bouquin est assurément sa thématique : (page 3)

« If you are canadian and travel at all, then you lesrn very quickly that the place ou come from is just that - Nowhere - that Canada is not on the map. »

Richler parle abondamment et avec une unique originalité de ce « nulle part ». Il est souvent et presque instinctivement associé au Grand Nord; toutes les provinces vivent au sud; toutes les provinces entretiennent le mythe du pur inconnu en haut. Pur. Inconnu. Haut. Trois mots essentiels me semble-t-il dans notre histoire commune. Blancheur. Mystère. Inaccessible. Pour cette trouvaille et son exploitation, la lecture est essentielle.

Curieusement, l'un des grands points faibles de son livre tourne autour de deux des plus grands auteurs canadiens encore vivants : Margaret Atwood et Victor-Lévy Beaulieu. Cette encoche me troubla; bien sûr, les littérateurs régionaux ont fait leur chou gras de l'épisode plutôt comique de sa rencontre ratée avec Bouscotte. Qu'il ait été saoul ou non, en bobette on non, avec un ventre plus ou moins proéminent, pouvait-on s'attendre à autre chose de Monsieur Bas-du-Fleuve ? Il était chez lui; il a fait les manchettes une fois de plus; Richler aurait dû faire comme la plupart des journalistes qui voulaient rencontrer Félix : arriver avec un vieux Glenlivet. Avec le père qu'il a eu, il aurait pourtant dû le savoir. On a passé sous silence toute l'ironie du rendez-vous avec Madame Atwood : dans la chic cafétéria d'un chic magasin à rayon. Cette déception face à deux auteurs si cruciaux dans notre histoire littéraire amena ma fille, à qui je m'étais confié, vivant à Toronto et affichant sa francophilie de son mieux, à m'acheter la traduction d'un livre très révélateur bien que peu célèbre : Margaret Atwood — Victor-Lévy Beaulieu — deux solicitudes (two solicitudes). Ces entretiens colligés par Doris Dumais élèvent un débat national au niveau littéraire. On y découvre que ces deux personnes de lettres s'adorent, se respectent, se lisent pour finalement se commenter et développer une complicité qui réjouit. En fait, Atwood et Beaulieu sont deux créatures invivables; elles sont d'une indépendance farouche; elles se carpent comme le brochet à l'approche d'une éventuelle capture. Atwood et Beaulieu appartiennent, quoi que Northrop Frye puisse en conclure, à la grande littérature contemporaine. Alors le physique et le puritanisme, on repassera.

Plusieurs mois plus tard, me voici à la suite d'une recommandation de lecture d'un ami, devant un mastodonte américain : John Updike, Rabbit, Run. Je goûte; je lis lentement ce début de tétralogie; je souris à la crudité des descriptions... Et soudainement, sens le besoin de retourner voir Les Grands-pères. Et Miami, Miami, Miami. Puis Le Rêve québécois. Je ne peux donner de raisons. La connexion existait. Beaulieu existe bel et bien; il est en mal de presse; il est pressé d'arriver quelque part avant sa mort? Je lui accorde tout. Un auteur écossais donnant une entrevue radiophonique au sujet de son premier succès public, son quatrième roman, mentionnait qu'il n'était pas un « writer », mais un « writist »; un peu comme on dit un violoneux et un violoniste. Mais on ne s'embarquera pas tout de suite dans ce débat-là...


20 août 2009

Updike?


Rabbit, run dans une mer de détail. Voilà Zola parfois avec l'orgie de précision; Dos Passos avec la chaude lenteur presque suffocante; Kérouac avec son vocabulaire en marge d'une société puritaine; Beaulieu avec son sexe précis et omniprésent dans la relation de l'homme. Dans une entrevue, Updike signalait sa difficulté à bien ausculter sa créativité et aussi à comprendre l'aggressivité des femmes à son égard.

Il ne crée pas. Il calque un personnage ancré dans une société rattachée à des paramètres qu'il n'arrive pas à maîtriser; mais ces mêmes paramètres n'ont jamais raison de lui: sa lutte est efficace; il réussit toujours à avoir le dessus sur elle. Mais cela ne lui apporte jamais le bonheur. Comme son basket secondaire qui ne lui a rien, mais absolement rien, apporté, il chevauche sur une selle sans animal.

Sa recherche de bonheur passe irrémédiablement par l'amour. Cet amour, il ne la trouve que temporairement au mieux. Il est voyeur pas partenaire. Le portrait d'Updike dans son écriture devient la futilité de sa vie dans la fiction à l'intérieur de laquelle il se débat. Les femmes ne l'aident, il s'en sert comme de vulgaires poupées qui ne réusissent qu'à l'éloigner de sa quête.

Page 95:
She laughs, on and on, in that prolonged way women use when they're excited by you and ashamed of it, "Oh my Rabbit," she exclaims in a fond final breath. "You just grab what comes, don't you?"
"He got hold of me," he insists, knowing his attempts to explain will amuse her, for shapeless reasons. "I didn't do anything."
"You poor soul," she says. "You're just irrisistible."
Viens dans les bras de maman mon petit, elle comprend que tu n'es pas en mesure de lutter, d'affronter, de prendre ta vie en main... En cultivant sa faiblesse, la femme updikienne donne au héros le confort nécessaire pour calmer les ardeurs qui auraient pu lui permettre d'assumer ses peurs et ses faiblesses.

... Je continue. On verra bien...

19 août 2009

La mort qui vit.



Le pèlerinage du poète inclut le cimetière du Père Lachaise à Paris. Cet espace relève du mythe. Les plus célèbres auteurs, artistes et autres personnages historiques (http://www.pere-lachaise.com/) y reposent. Le Monde met à notre disposition trois témoignages saisissants sur les visions que provoque ce lieu (Père-Lachaise, cimetière buissonnier,LEMONDE.FR,21.07.09)

Du nécrosophe à la baladeuse, les morts parlent encore. Nous savons tous que ces décédés agissent en nous. Parfois, nous doutons de leur pouvoir sur l'imaginaire; quelques statuts au repos, certains mausolées envahis par la végétation, nous rappelleront que leur accompagnement n'est pas enfoui avec leur corps; leur esprit nourrit leur légende.


18 août 2009

hommage à Jacques Rouillard

Beau cadeau que tu me fais là Jacques! En plein le jour de ma fête...

Notre dernière conversation remonte au restaurant St-Hubert alors que j'étais tiraillé par mes jeunes filles et que tu mangeais ton poulet en galante compagnie. Fin mai, je crois bien. Je t'avais brossé le tableau de ma condition cardiaque. Le dernier. Le dernier de nos nombreux dialogues souvent au laboratoire des professeurs ou à la bibliothèque dont tu préférais les larges baies vitrées au béton du sous-sol où tu n'avais pas encore de bureau: chargé de cours oblige!

Souvent, tu lisais La Terre de chez nous attablé sagement parmi les étudiants. Ou tu corrigeais une des nombreuses copies des rapports de laboratoire ou des contrôles de tes étudiants. Tu souriais toujours. On avait des bons mots, des jeux de mots ou des vieux maux; ça faisait du bien de sortir ces rages, ces rancoeurs, ses blessures.

Mon cadeau, c'est que tu en as fini d'attendre. Un poste; un bureau; un bonheur en béton; une solution... magique. Tu ne seras plus là où tu t'asseyais; tu seras désormais partout. Ce soir, alors que je te place sur mon blogue, peut-être simplement pour avoir quelque chose de concret sur lequel graver mon souvenir, je t'entends rire : mieux qu'avant, car ce n'est plus au collège que je l'entendrai, mais dans ma tête.

Amuse-toi bien là-haut. Ils ont sans aucun doute les meilleures archives sur la nutrition et la collection complète de cette Terre de chez nous!


17 août 2009

Lee Gowan : The Last Cowboy




Page 234:

WOOD PANELLING. The sink overflows with dishes. Pizza boxes piled beside rows of empty beer, and whiskey bottles on the lime-green linoleum counter. The smell - of the dishes and garbage that's been left too long - is only slightly disinfected by the smell of cigarette smoke and alcohol. Perhaps there is the smell of another disinfectant as well: a row of bleached animal skulls is arranged on a shelf lkge knickknacks. The cowboy explained to me how he'd stripped them down to the pure white with some sort of acid. They are a powerful white indeed. Badger, deer, eagle, sparrow, gopher, cow, horse, dog. Morbid but beautiful. Certainly sculptural. They dominate the room, presiding over it all with their empty eyes. I can't help thinking of Dad. I take photos, having been let loose to document the lair in any way I choose while the cowboy has gone to "do his ablutions."
Gowan sends his men deep into primitive life. Even those living - what a big word - existing would be better, in cities are raw. Their suit don't fit; they're polyester, shiny and uncomfortable. Les femmes: plus à l'aise; plus volontaires. Pas surprenant qu'elles dirigent, conduisent et prennent des décisions. Mais, à la fin, tout ce beau monde ne trouvera la paix que dans la mort: du rêve ou de la vie... Ou de l'inatteignable: Ai, woman fooled by a big time movie producer, is looking for a deadend road! She finds it and turns back to life; her one day companion still walks the prairie dealing with his lost opportunities et les affres de sa terre d'origine.



15 août 2009

Attendre la nuit.


Le Soleil se couche dans l'orgie de couleurs. Ma Terre bascule dans le noir. Aveugle au bruit du trafic sur le pont à ma fenêtre. La chaleur de la journée poussa chaque minute dans la tension. Les gestes de la quotidienneté s'enflent dans cette torpeur. Les filles se chamaillent; elles se taquinent; elles se poussent, se frappent; elles crient puis pleurent; quelques secondes, cinq à peine, elle se regardent et partent à rire. Pas une sonate même de Rachmaninov, une fugue de Bach, une marche de Strauss. L'air conditionné est au bout; le manque de fréon est frustrant. La température se stabilise trop rapidement aux alentours de 25 °. Les lumières rouges, les arrêts, les autres, les maudits autres colons qui ne savent pas conduire. On arrive; un peu de réparation sur le pont : 70 km/heure : je mets le régulateur de vitesse et faites-moi chier! Suis! Peut pas dépasser : une seule voie. FIN. J'accélère au plus vite pour continuer à taper sur chose en arrière. 100 atteint; on se calme; les filles gardent le rythme. L'enfer. Il fait si chaud. La sueur me coule sur le front, sur les tempes; j'ai les mains moites. Elles rient. Bon Dieu! Elles recommencent à crier : Non, NON, c'est à moi, Ahhhh! Pas fine! MÉCHANTE!! 100. On ouvre un peu pour respirer. La voie d'évitement arrive. On va prendre l'embranchement pour la 55 sud. On va prendre la sortie juste avant le pont. On se stationne, ouvre la porte et ouvre la porte coulissante de la fourgonnette pour sortir les deux tyrans. Dans la maison se sera plus frais.

Les deux se retrouvent dans la piscine. J'ouvre le réfrigérateur : le Clamato, une bière, un bock du congélateur. Il n'en reste que la moitié après la première gorgée. Je suis debout à la fenêtre de la cuisine et les regarde se débattre : dépenser leur énergie pour un sommeil hâtif... Faut pas rêver!

Mais là, je suis au lit. Elles dorment après câlins et bizous. J'écris quelques mots la fenêtre ouverte. La brise souffle doucement. Je suis seul. Les draps sont propres, je viens de les laver. Bon, bon. Ça valait le coup. Jusqu'à six heures demain matin! C'est justement ce qu'il me reste : 6 heures!


14 août 2009

Qui fait du journalisme? Moi?



Écrire pour se faire plaisir devient un passe-temps. L'écriture reprend son rôle primitif : communiquer brutalement; directement; sans vergogne. Dire.

Un grand merci à Assouline pour avoir mis en ligne cette référence. Chris Anderson fait un constat troublant de la situation médiatique actuelle. Les journalistes et leur patron en sont les premiers responsables : ils voulaient jouer les vedettes et les richards; élever leur rôle au niveau d'une religion, d'une dictature de la parole dont ils tenaient seuls les rênes.

L'empire chancelle. Peut-être retrouverons-nous la réflexion sur papier que l'on a un jour connu.

J'écris.

13 août 2009

The Horseman's Graves, Jacqueline Baker



Un cadeau. Un emballage rude. Des rubans effilochés par le vent qui charrie le sable des prairies. L'histoire de Baker nous met la poussière et les tumble weeds dans les yeux. Des pionniers sauvages et rustres coulés dans le roc absent de la sécheresse semi-désertique d'une Saskatchewan aussi vile que fière, aussi mystérieuse que vierge; qui pourtant absorbe tous les vices, et les vicissitudes, que l'humanité place dans son chemin.

Personne n'est beau; tout le monde s'accroche, mais nous accroche aussi à leur environnement maudit. Mais qu'ils ont choisi comme des centaines de milliers d'oubliés ont choisi, juste au sud, des prairies tout aussi inhospitalières. Les cowboys et les vipères courent le même bétail :

Ronnie shifted on the pew beside his mother and coughed and felt too warm, and his mother frowned over at him, but he could not sit still, the air was too close - why would someone not open a window? - and so he rose, and saying, "Excuse me, pardon, excuse me, please," he squeexed down to the end of the pew and into the aisle and toward the door, while Father Rieger frowned down at him, saying, "And so on this Easter Sunday morning, we must all ask ourselves" - his voice following Ronnie out the door and into the bright morning - "Is it life everlasting which I seek, or only the tomb erternal?"

Seulement la vie, révérend, malgré cette nature infâme qui ne cherche qu'à détruire l'oeuvre en émergence. Pas nouveau, de tous les temps, la littérature canadienne à relever ce noeud gordien de la survivance. Point bien intéressant d'ailleurs : si la survie, version francophone passe dans le Québec par la religion, la culture et la langue, c'est un luxe que les pionniers de l'Ouest n'ont pas. Tu marches ou tu crèves versus tu plies et tu t'assimiles.


11 août 2009

Le droit de lire au soleil

Je suis invalidé. Un cardiologue l'a décrété le printemps dernier. J'ai devant les yeux un écureuil noir; il ramasse les graines de tournesol échappées de la mangeoire. Une mangeoire de trois : les deux autres offrant aux chardonnerets, aux mésanges et aux moineaux divers mélanges de graminées. Quelques tourterelles tristes accompagnent l'écureuil de temps à autre. Le gazon sent bon; le soleil reste accroché; mes fleurs sourient en accompagnement du jeune marronnier de quinze ans qui atteint maintenant une quinzaine de pieds de hauteur et presque qu'autant d'envergure. Est-ce cela que Rabbit fuit?... De village en village. Une image pastorale trop accrochée au mouton et pas assez à la montagne?...

Updike le laisse deviner. Rabbit rêve et se sauve pour ne pas se réveiller. Il court l'Amérique. Comme Kerouac. Le monde, comme Hemingway. Antoine Compagnon posait déjà la question (14 mars) au sujet de la vie et de la fiction : quelle est la marge de différence entre les deux univers? Alors Updike cherchait-il donc à se sortir de sa vie. Baker, U and I, juge ironiquement l'homme derrière le personnage. Je viens de lire un article sur l'Enfer de la bibliothèque nationale de France où sont conservées les oeuvres trop crues pour les tablettes populaires. L'auteur américain ne fera jamais ces sous-sols reclus, mais il ne brasse pas moins son carrosse, bonjour Emma Bovary, par l'entremise de monsieur Angstrom. Je lirai donc, tranquillement bercé par un poli « R » ma lecture insouciante mais captive sous un soleil d'emprunt qui est soudainement proscrit à tous mes confrères et consoeur. Le coeur a ses raisons. Le sexe aussi!

7 août 2009

Debout!

Et si je me levais...


Menaud est mort debout: tombé dans un trou de neige. Des héros qui soulèvent le drapeau américain sur le mont Suribachi, trois étaient amérindiens; ils crevèrent comme des chiens dans les ruelles de l'Amérique...

Fichier:USMC War Memorial Night.jpg


Je suis fier de quoi au juste?