29 juin 2010

Les moufettes et le trou

L'été dernier, huit moufettes prirent le chemin de la trappe; une cuillérée de beurre d'arachide les attendait puis.... clap! La porte se rabat d'un coup sec et sans appel. Embarrée, elle finit par se calmer, dormir et attendre. Le matin, au soleil, la senteur ne ment pas; un visiteur nocturne se fait prendre. Notre ami et agent de la faune est averti; il viendra faire un tour en fin d'après-midi. Il couvrira la cage d'une couverture; noussaisissons 'un côté chacun,la  déposone dans la camionnette poualibérer l’animal  dans un bois quelques kilomètres plus loin.

Les mouffettes commencèrent à se pointer de façon plus constante lorsque quelques marmottes, rats musqués et rats d'eau envahirent les environs de la maison. Des trous, quatre autour de la maison, quelques autres sur le terrain; quelques noyés dans la piscine et quelques effrontés jusque sur les patios avant et arrière. En ajoutant les mulots, les écureuils et les nombreux oiseaux, le surnom de zoo domestique devenait inévitable.

Parmi les invités,seuless quelques jeunes marmottes persistent; et les moufettes bien sûr, mais cette année une seule s'est promenée la nuit dernière; je ne l'ai pas vue, mais sentie oui! Les moufettes sont un peu paresseuses.Ellese n'aiment pas creuser alors elles envahissent les terriers des autres animaux. Ainsi, l'animal qui a patiemment creusé ses tunnelsarrivet un bon matin et trouve dans sa demeure un invité au parfum indéfendable. Il n'a d'autre choix que d'aller creuser ailleurs.

Je connais un certain nombre de moufettes. Ils entrent et sourient béatement quand on revien :: bienvenue chez vous! Et la dernière intention est bien de les suivre à l'intérieur de votre chez vous. Il faut pourtant se loger. Peut-être s'agit-il d'une gentille personne, pas du tout désagréable malgré une première impression complètement suffocante. Le courage d'y aller, le risque de rester marqér à vie par son influence...

Qui ne risque rien n'a rien. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Vive la témérité et le destin!

28 juin 2010

Girls just want to have fun...

Cindy Lauper l'a dit:
«Some boys take a beautiful girl 
And hide her away from the rest of the world 
I want to be the one to walk in the sun 
Oh girls they want to have fun 
Oh girls just want to have»
Hum...! Elles doivent être philosophes dans l'âme:
«Plutarch thought philosophy should be taught at dinner parties. It should be taught through literature, or written in letters giving advice to friends. Good philosophy does not occur in isolation; it is about friendship, inherently social and shared. The philosopher should engage in politics, and he should be busy, for he knows, as Plutarch sternly puts it, that idleness is no remedy for distress.»
Aristote, Socrate, Platon, Shopenhauer, Wittgenstein ou Pellerin, who cares really? Tout devient si horriblement sérieux de nos jours.
Les fuites, les scandales, les désastres, les gaspillages, les journalistes se chargent de nous les rappeler tous les jours. Et les rires, les hilarités comme les p'tits bonheurs qui s'en chargent? Allez continue à rire Laurence, tu nous rappelles que le vie est belle.

27 juin 2010

Fou à lier!








La folie est fascinante. Nous pourrions nous demander où nous en serions si elle ne nous avait pas accompagner dans notre périple civilisateur.  Dans son Éloge de la folie, Érasme donne vie et fabule sur ce merveilleux romantisme qui déclenche inévitablement la joie féconde sinon la gaieté gaillarde.

«Quoi que dise de moi le commun des mortels (car je n'ignore pas tout le mal qu'on entend dire de la Folie, même auprès des plus fous), c'est pourtant moi, et moi seule, qui, grâce à mon pouvoir surnaturel, répands la joie sur les dieux et les hommes. Je viens encore d'en donner la preuve éclatante ; à peine ai-je paru au milieu de cette nombreuse assemblée, pour prendre la parole, que tous les visages ont aussitôt été éclairé par la gaieté la plus nouvelle et la plus insolite; tous les fronts se sont tout de suite déridés; vous m'avez applaudi avec des rires si aimables et si joyeux que, vous qui êtes venus de partout et tels que je vous vois, vous m'avez l'air ivre du nectar des dieux d'Homère mélé de népenthès, alors qu'il y a un instant vous étiez sur vos sièges aussi sombres et soucieux que si vous veniez de sortir de l'antre de Trophonius. Mais quand le soleil montre son beau visage d'or à la Terre, quand après un rude hiver le printemps nouveau souffle ses caressants zéphyrs, aussitôt toutes choses prennent figure nouvelle, nouvelle couleur et vraie jeunesse; de même dès que vous m'aviez vu votre physionomie s'est transformée. Et ainsi ce que des orateurs d'ailleurs considérables peuvent à peine obtenir par un grand discours longuement préparé, je veux dire chasser de l'âme les soucis importuns, je n'ai eu qu'a me montrer pour y parvenir.»
  • Népenthès: Herbe miraculeuse et euphorisante.
  • Trophonius: Meurtrier de son frère. Se trouve dans son antre un oracle qu'on ne peut écouter sans être malheureux toute sa vie.

Le bonheur recherche la folie. Ne devrait-on pas vider les sanatoriums?

26 juin 2010

Sans début comment finir?

Je cherchais une raison d'écrire. Depuis hier... Je voulais taper quelques lignes sur mon blogue, mais sur quoi? Hier soir quand j'ai fermé mon Mac, les yeux brouillés de trop de vin, la tête engourdie de trop de conversation avec des amis, j'ai abandonné.

Ce matin, ça m'a repris. J'ai ouvert New York Times après que Cyberpresse n'ait rien eu d'autre que du placotage sauf une ou deux chroniques. Sur le NYTimes, je trouve toutes sortes de choses intéressantes. Y fouiner est un réflexe; c'est américain, bien sûr; mais c'est si riche... n'est-ce pas?

Bon, eh bien j'ai trouvé : Borges, le monstre. J'ai lu quelques-unes de ses nouvelles. Son espagnol sud-américain chasse le classique comme Cervantes les moulins. Ses histoires suivent des labyrinthes étranges et aussi complexes que son érudition :

«Think of it this way: there is a vast unwritten book that the heart reacts to, that it races and skips in response to, that it believes in. But it’s the heart’s belief in that vast unwritten book that brought the book into existence; what appears to be exclusively a response (the heart responding to the book) is, in fact, also a conjuring (the heart inventing the book to which it so desperately wishes to respond). »
Fascinant, non? On réagit à une absence en lisant une non-entité. Pour un individu qui a lu autant que Borges, il y a de quoi s'inquiéter. Ou alors, c'est comme Dom Juan qui cherche la femme en virevoltant de vagin en vagin sans jamais réussir sa quête : un peu de masturbation pourrait le soulager plus efficacement... et pour Borges, un peu de distance d'avec sa mère! On ne trouve plus à force de trop chercher... ou de ne pas se décider! C'est à voir.


« Which brings us back to worship. If serial rereading is one way to define worship, then one of Borges’s most revered gods was Robert Louis Stevenson. This even though in Borges’s time, Stevenson’s work was basically considered kid stuff. The first seven editions of the Norton Anthology of English Literature do not deign to include Stevenson, though he finally surfaces in the eighth edition, published in 2006. Borges not only commented on books that didn’t exist. He read books — pulpy and arcane alike — that few others bothered to see.
The Stevenson book Borges revisited most often was “The Wrecker,” a relatively obscure novel that Stevenson wrote with his stepson. Published in 1892, “The Wrecker” is a story of high seas adventure, high stakes speculation and high interest loans; it’s part mystery novel, part adventure novel, part mock Künstlerroman. The title refers to the practice of auctioning off the remains of wrecked ships along with any recoverable cargo, which is, yes, an irresistibly resonant metaphor for neglected books. »
 Mais oui! Lire pour pouvoir répondre, même inadéquatement, même partiellement, même en désespoir de cause : pour se convaincre que notre lecture apporte quelque chose de plus que notre simple plaisir. Les nuages croisent le ciel au nord, les navires au sud; je suis au centre et observe passivement. L'un des courants va vers l'ouest, l'autre vers l'est. Si j'étais dans le golfe du Mexique, j'étoufferais en attendant impatiemment la colère d'Alex.

Je m'en vais finir Zola...

24 juin 2010

Vulnérabilité

Doubt avec Streep et Hoffman : un film sur l'honnêteté, sur la manipulation? Sur le doute de quoi au juste? Dédié à Soeur James Marie qui est l'instrument de la découverte de la relation du prêtre et de l'étudiant; ça ne règle rien. La vie est un labyrinthe.

En 1964 et jusqu'en 1969, j'étudiai dans un Séminaire où je reçus une éducation dont je n'ai jamais rencontré l'équivalent même après 35 ans à l'intérieur du monde de l'éducation. Ce parcours, aujourd'hui, m'apparaît comme la plus dangereuse course à obstacles jamais imaginée. Nous avions tous de conseilleurs spirituels; nous les rencontrions régulièrement à leur chambre-bureau. Je me rappelle les invitations d'un abbé à aller à son chalet avec d'autres élèves; ils nous prenaient en photos, photos bien naïves, qu'il montrait par la suite à ses amis. On ramassait un peu de feuilles sur son terrain; on pique-niquait puis on faisait du kayak sur le fleuve. Un peu tout le monde avait son abbé préféré : pour se chamailler à la cafétéria; pour raconter quelque aventure de fin de semaine; pour montrer une réalisation artistique. À l'époque, naïf ou simplet, je ne me souviens d'aucune relation malsaine, d'aucun événement répréhensible entre un de ces membres du clergé et des élèves. Et pourtant...

J'apprends année après année des histoires désolantes : un responsable des scouts qui terminait ses soirées en compagnie; un maître de salle, recruteur pour un réseau de prostitution; tel autre prêtre, à l'insu de tous, à l'affût d'une proie facile.

Et ce film qui vient tout faire basculer. Comme si le pendule n'avait rien d'autre à nous apprendre que le retour vers l'autre pôle. Est-ce que ce prêtre sert Dieu et son apostolat en aimant ces jeunes? Posez la question donne le frisson. Imaginez ces mains, supposément sacrées, sur ces corps pré, ou à peine pubères... Existe-t-il une pédophilie religieuse et une autre damnée? Les amants sont-ils juges et parties? Le sacerdoce révoque dans la pratique de sa religion le respect de soi, soit, révoque-t-il aussi le respect de l'hymen?

Une partie de la réponse réside certainement dans la vulnérabilité de l'un et l'autre des deux partenaires. En faisant abstraction de l'abject d'un réseau de prostitution, et même là pourrions-nous considérer l'appât du gain comme facteur justificateur, la consommation de la relation devrait nécessairement apporter consciemment ou inconsciemment un certain niveau de satisfaction mutuelle. Les forts s'en tirent, les faibles fléchissent.

Pauvre église coincée entre le bien et la satisfaction... entre les souhaits et le bonheur... entre l'âme et le corps!

23 juin 2010

Bouche cousue

Le général McChristal devait se méfier de son franc-parler. Ne le devons pas tous; en tout cas ceux qui en ont, un de ses malheurs fut de se confier à une foutue commère du Rolling Stones. Mais ce dernier ne sera pas congédié, même pas réprimander, il sera glorifié et en voie vers une promotion sans doute pour avoir fait preuve du professionnalisme tordu dont les journalistes actuels se servent pour grimper l'échelle. Les singes!


Je ne peux m'empêcher de penser au colonel Nathan R. Jessep dans Few Good Men en 1992, rôle joué par Jack Nicholson et pour lequel il recevra une nomination aux Oscars. « You can't handle the truth » dit-il au jeune pubère qui lui fait la leçon en cour martiale. L'autorité vole bas aujourd'hui; aussi bas que la réalité et la franchise. Le corbeau se régale des cadavres professionnels de plus en plus nombreux; les vautours sont repus et n'ont même plus à se battre avec les hyènes pour leurs repas tellement les restes jonchent les sols à la grandeur de la planète. Nous avons le front de nous plaindre des comportements frondeurs de la jeune génération. Nous demandons-nous quelquefois si nos comportements ne les dirigent pas directement vers ces indisciplines récurrentes? Pour eux aussi d'ailleurs nous inventons toutes sortes de succédanés à cette autorité que nous détruisons si systématiquement que nous refusons de prendre à notre charge ses conséquences. Personne n'assume; personne ne se tient debout; tous, nous fuyons vers les placebos.


Il faut espérer. La liberté de presse aura peut-être raison de cette boue médiatique qui afflige le monde des communications actuelles.



22 juin 2010

La plus belle pour aller mourir

En cherchant un endroit paisible, on trouve parfois des temps morts. Ils nous font creuser le présent et découvrir des instants que nous pensions perdus. Mais ils existent encore.

Alain, Gilles et moi dans la ruelle de la rue Haut-Boc à jouer aux matamores. Pour moi, ce n'était qu'un jeu; cela ne durait jamais plus qu'un après-midi; pour eux, c'était la vie. Tous les jours, pendant que je déambulais dans ma banlieue, ils vivaient plus qu'ils ne jouaient dans ce centre-ville sale et malsain. Je suis resté le peureux qui s'est bardé de diplôme, ils sont devenus ivrognes. Ils se sont détruits.

Ainsi va la vie. Sans pardon devant la faiblesse. Dans son livre superbe « Choisir la liberté », Fernando Savater affirme que ce ne sont ni les instincts ni notre patrimoine génétique, mais notre capacité à décider et à inventer des actions à même de transformer la réalité et de nous transformer qui décidera de notre destin. Il considère que notre société étouffe l'individu sous une masse de mesures déresponsabilisantes. Ce n'est plus l'individu qui creuse dans un endroit paisible, c'est l'état systémique qui creuse pour lui et lui offre les solutions; solutions qui consistent habituellement à établir des pathologies de toutes sortes en offrant le remède dont lui seul à la recette.

Mourons avec la certitude que nous creusons nous-mêmes.

21 juin 2010

Les occasions

Les saisir. Les échapper. Les exploiter. Je vais aller vérifier mon dictionnaire des occurrences. Des tonnes attendent ces occasions. Le titre fait le lien avec le Festival Shakespeare & Co. Le célèbre festival littéraire anglophone sis à côté du parvis de Notre-Dame. Le titre me fait sourire : il provient d'une librairie fameuse et notoire pour la gent littéraire. George, le proprio, partage, semble-t-il, la même génétique que Monsieur Tranquille et sa librairie montréalaise. Les mots peuvent devenir terriblement impressionnants parfois.

« "Une utopie socialiste qui se fait passer pour une librairie"… Ainsi George Whitman décrit-il de manière à la fois sérieuse et amusée le labyrinthe de livres qu'est Shakespeare & Company. Fondée en 1951 et ouverte tous les jours de l'année, la librairie, mais aussi la bibliothèque au premier étage et l'appartement de George dans le même immeuble – tous remplis à ras bords de livres les plus divers –, sont le cadeau de ce bibliophile idéaliste et passionné à l'honnête homme cherchant un refuge où nourrir sa pensée. »
 Un peu ironique de baptiser ce lieu sacré du nom du dramaturge britannique qui fut peut-être un prête-nom, un peu comme l'est peut-être Molière. Ils étaient tous deux des capteurs d'occasions, des membres de compagnies.

« Les librairies, pour George, sont un acte politique. Que ce soit par la diversité des titres qu'elles diffusent, par leur soutien aux auteurs et aux petits éditeurs, ou encore par les communautés de lecteurs qu'elles font exister, les librairies indépendantes ont de par leur existence même une fonction de liant social. En France, contrairement aux pays anglo-saxons, la loi sur le prix unique du livre a permis aux librairies indépendantes de survivre et de se développer. Elles n'ont jamais été aussi nécessaires qu'aujourd'hui. Dans nos vies de plus en plus intensément façonnées par Internet, les réseaux sociaux virtuels et les nouvelles manières de lire, la librairie peut se vivre comme le lieu d'un engagement : un engagement pour la lenteur, une passion simple pour ce qui est enraciné, réel, palpable. »
 Bien dit! Shakespeare et Molière se chargèrent d'une vision sociale qui modifia celle de toute une civilisation. Leurs mots résonnaient dans les amphithéâtres comme autant de livres sur des rayons. Alors, la source des mots importe assez peu; dans la mesure où ce sont eux qui ont dirigé les voix, les ont proclamé aux citoyens. L'occasion était belle et ils l'ont saisie.

« Le thème de cette année est “Politique et Fiction”... Le terme 'politique' pourrait se définir simplement comme une suite de récits qui s'interpénètrent pour définir nos idées et nos croyances. Le remarquable dernier ouvrage de Philip Pullman, The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ, en offre une démonstration parfaite, en détachant l'histoire de Jésus de la façon dont elle a été contée – changée – par ceux qui, venant après lui, ont voulu utiliser cette histoire à leurs propres fins. Il montre comment un homme de paix est changé en icône de pouvoir : l'essence de la politique. »
 En refermant leurs textes dans des manifestations publiques, les dramaturges s'assurent d'une relative fidélité à leur verbe; Jésus et ses sermons n'avaient pas cette même assurance. Il demeure, toutefois, indéniable que les deux types de paroles gardent un impact certain sur leur société et toutes les autres suivantes.

20 juin 2010

Le ventre de Warwick

Les anges se cachent partout. Ils fondent leur présence dans le réel secrètement, voire sournoisement.

Au festival des produits du terroir de Warwick, je n'ai vu aucun ange; aucun symptôme, même pas la plus subtile vibration. De fromage en fromage, de cidre en liqueur, de chocolat en miel, le néant total : pas d'ange ici. Les quelques enfants présents gambadent à gauche et à droite; ils tricotent parmi les comptoirs en réclamant des victuailles. Les adultes endimanchent leur conduite : tout sourire et politesse. Dieu que les gens de la Rive-Sud sont plaisants. Ils en sont beaux.
— Venez goûter mon bleu, mon chèvre, mon hydromel...
Le rustre bâtiment de béton bête prend des allures marché médiéval; les visiteurs deviennent des serfs en liberté dans une fête seigneuriale.
— dix coupons pour 5 $!
Allez donc, un autre pour la route. Tout est gustatif.
Les nuages se sont dissipés. Les enfants s'enfoncent dans leur sieste. L'estomac est lourd, les yeux le sont aussi. Quarante minutes de la maison...
— Toujours pas d'ange?
— Non, que des feu follets...

Bafoué, exploité, génial

Qu'André Mathieu meurt dans l'oubli, que le film qu'on fait de sa vie subisse des commentaires désapprobateurs, n'affirme que la traditionnelle petitesse de cette petite population de petite nation.

L'insouciance des sociétés pour ses précurseurs est notoire. La populace n'aime pas trop les hors-normes. Ils parlent trop fort. Peu importe le sadisme subi de leur vivant, leur voix peut rendre sourd après leur mort. Surdité accompagnée de terrible remords.

Dans le cas de Mathieu, leurs rumeurs veulent que le père modulât la production de son fils grâce à des portions de cognac. Alcoolique dès un très jeune âge, le pianiste génial, hallucinait sa vie et son oeuvre. On ne l'appelait pas le Mozart canadien pour rien; ils connaissaient tous les deux les affres de l'ambition paternelle. Le génie rencontre souvent la torture et quand elle ne vient pas de l'extérieur, elle vient de l'intérieur.

Le présent calcule mal ses sauveurs. Il les guillotine avant et les reconnaît après. On pense réparer; on veut se corriger; on ne change jamais; on veut garder son présent à soi; on justifie la condamnation pour outrage à la conformité. Il n'y a que les monstres pour pleurer les monstres. La belle et la bête, ce n'est qu'un conte évidemment. Il faut bien admettre que la reconnaissance de quelque génie que ce soit pendant leur vivant n'est guère romantique; quelle tare! J'ai découvert l'uranium. J'ai illustré la relativité. J'ai inventé le moteur à explosion. J'ai écrit Les Planètes. Le catalogue des illustres rivalise avec l'annuaire téléphonique de Toronto : les blanches et les jaunes! Mais où est le romantisme? Où est leur alcoolisme toxicomane? Où est leur paranoïa schizophrénique? Où est leur bipolarité maniaco-dépressive? Où sont leurs vices? Nulle part! Ils rentrent le soir à la maison pour bouffer leur souper et jouer un peu avec les enfants avant de les mettre au lit... Et ne pas se coucher trop tard, car il faut retourner au laboratoire demain matin. Pas de Pathos! Que de la vie et de fascinantes découvertes, rarement, mais parfois justement, remarquées et récompensées par un Nobel.

Finalement, nous ne sommes pas si mauvais avec nos prophètes. Nous sommes juste romantiques : on aime bien pleurer un peu...

18 juin 2010

Zola impérial

Je lis toujours Zola. Je poursuis les Rougon-Macquart jusque dans leurs retranchements. Très lentement... Ce sixième volume après deux ans, pas de lièvre du tout, mais de la tortue pur sang. Pourtant, cette progression me plaît. J'aime goûter calmement ces longs couloirs descriptifs. Zola joue avec notre patience; les quelques interrogations sur le déroulement maintiennent bien mal l'intérêt; il faut cultiver la curiosité de cette société de la fin du XIXe pour sourire à tous ces longs paragraphes de textes tassés.

« Son Excellence Eugène Rougon nous enveloppe de ce luxe impérial d'une France à cheval entre le royalisme et la république : 
D'ordinaire, il trouait piquant de faire causer le jeune député. Il savait par lui tout ce qui se passait aux Tuileries. Persuadé, ce soir-là, qu'on l'envoyait pour connaître son opinion sur le triomphe des candidatures officielles, il réussit, sans hasarder une seule phrase digne d'être répétée, à tirer de lui une foule de renseignements. Il commença par le complimenter de sa réélection. Puis, de son air bonhomme, il entretint la conversation par de simples hochements de tête. L'autre, charmé de tenir la parole, ne s'arrêta plus. La cour était dans la joie. L"empereur avait appris le résultat des élections à Plombières; on racontait qu'à la réception de la dépêche, il s'était assis, les jambes coupées par l'émotion. Cependant, une grosse inquiétude dominait toute cette victoire : Paris venait de voter en monstre d'ingratitude.
“Bah! on musellera Paris”, murmura Rougon, qui étouffa un nouveau bâillement... »
 Je ne bâille jamais à suivre Eugène Rougon. Il me fait trop penser aux politiciens actuels. L'empereur existe; le jeune député existe aussi; et Rougon? Mais oui, il est là aussi. Voilà l'extraordinaire puissance d'Émile Zola : la pérennité.



17 juin 2010

En vélo

Une petite ballade d'une trentaine de kilomètres cet après-midi. Une bonne brise et quelques côtes pour me rappeler l'utilité du dérailleur. Sur la route, lorsque la piste cyclable disparaît, les automobilistes me respectent; je m'en sens coupable de griller un feu rouge. Curieuse bête le respect. Ce matin, à l'angle Saint-Olivier et Des Forges, aux lumières, un conducteur attend patiemment que la voiture en avant de lui laisse assez de place pour qu'il puisse avancer tout en dégageant l'intersection; un hurluberlu Néandertal, pris d'impatience, vient le doubler pour venir totalement obstruer le passage. J'ai croisé les antipodes : le respect et l'imbécilité. Comme le soleil et l'ombre, l'un ne peut exister sans l'autre.

Je vis, par choix et selon ma volonté du moment, sur les deux versants de ma vie : le public et le solitaire; le bon et le cruel; l'homme et le père. À la suite de la lecture du blogue « Frontal Cortex », je pourrais même ajouter, le lobe frontal et le rachidien. C'est peut-être l'âge, c'est peut-être la vie, ce sont sans doute les deux, je peux sortir d'une vie pour entrer dans une autre. Je suis le cycliste en quête de marginalité et l'automobiliste continuellement à la merci d'une rage soit mineure soit majeure. Cette situation est tout particulièrement vraie avec ma jeune Emma dont les sautes d'humeur, les « flashs floods » ne cessent de mettre mon cerveau en ébullition pour, quelques instants plus tard, offrir quelques orchidées d'un parfum tout aussi séducteur qu'éphémère.

La vie en séquence.