27 novembre 2007

L'incompréhension médiatique


Nous publions ici un commentaire de madame Monique Dagnaud à partir du site de La vie des Idées . Cette critique du livre de Jean-Marie Charon touche au coeur même d'une dynamique médiatique contemporaine à l'intérieur de laquelle le consommateur, même s'il lit le plus grand nombre de publications, joue continuellement au jongleur ne sachant plus trop à quelle vérité se fier. Bonne lecture!


Les journalistes et leur public : malentendu ou paranoïa croisée ?
par Monique Dagnaud [27-11-2007]

Domaine : Culture & médias

mots-clés : media



Les médias sont régulièrement accablés de reproches par leur public. Des reproches fondés parfois – et, dans ce cas, la question est celle de leur régulation. Mais aussi des reproches excessifs qui appellent un autre effort d’interprétation.


Recensé :
Jean-Marie Charon, Les journalistes et leur public : le grand malentendu, Vuibert, 2007.


Qui nierait l’importance d’un tel sujet ? Jean-Marie Charon, dans son dernier ouvrage, explore les relations qui lient les journalistes à leur public : une facette essentielle de l’espace public contemporain, profondément emblématique de la société de défiance dans laquelle nous baignons. Quiconque a participé à l’un des nombreux débats organisés sur la question des médias connaît la violence émotionnelle qui soulève tout public (populaire, cultivé, jeune et vieux, etc.) contre le système d’information. Cette exaspération est parfaitement identifiée par une série de sondages qui, depuis 1987, visent à saisir la confiance accordée à ceux qui fabriquent l’information. Autant l’annoncer d’emblée : elle est faible et n’a cessé de se dégrader. Les journalistes sont incriminés de nombreux maux. De se polariser sur des sujets éloignés des préoccupations des gens. De fouiller dans la vie privée au risque de porter préjudice aux personnes. De fabriquer de l’à-peu-près sans prendre le temps de la vérification. D’embrouiller faits et commentaires. De proposer une hiérarchie de l’information sans lien raisonnable avec l’importance des sujets, par exemple en lançant les faits divers comme produits d’appel. Surtout, ils sont suspectés d’être sous l’influence des politiques, et encore bien davantage, notamment dans la période récente, sous la domination de groupes financiers.

Jean-Marie Charon décrypte d’une plume sereine les reproches adressés par le public aux médias et tente de dessiner, en se portant du côté des journalistes et de la fabrication de l’information, les raisons de ce désamour.

Le cœur du malentendu réside, selon lui, dans les attentes déçues du public. Ce dernier souhaite une information fiable et de qualité, une information « zéro défaut » : « Pour le public, en tout cas sans doute une part de plus en plus significative de celui-ci, les médias et les journalistes sont censés produire des connaissances ». Or les journalistes plaident que leurs conditions de travail (urgence, moyens matériels, surenchère concurrentielle) limitent fortement une telle ambition. De plus, les exigences du public « oublient » le caractère par essence inachevé et aléatoire de l’information à chaud : « L’information, lorsqu’il s’agit d’actualité, constitue par définition, une saisie, à un moment donné, d’une situation, qui a bien souvent fait irruption soudainement, sans que l’on en saisisse toujours le sens profond et encore moins l’évolution possible. (…). Autrement dit, l’information est une matière fragile, évolutive souvent relative… par nature ».

Certes, les idées lancées pour améliorer le niveau de l’information ne manquent pas. Dans le sillage d’une résolution relative à l’éthique des journalistes adoptée en 1993 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (en 1995), puis le Conseil économique et social (en 1999), ont multiplié les recommandations. La première, sans surprise, vise à garantir un niveau élevé de formation des journalistes – la création de l’école de journalisme de Sciences Po s’appuiera sur cet argument. La seconde propose l’établissement d’un code de déontologie qui définirait les bonnes pratiques – de fait, la profession est encadrée depuis longtemps par des chartes, en particulier la Charte de Munich, mais aussi par une noria de textes adoptés par les rédactions ou les entreprises de presse.

La proposition en faveur de la création d’un Conseil de la presse, instance de contrôle qui pourrait dénoncer, voire sanctionner les manquements, est régulièrement avancée. Mais elle est rejetée par la profession, en raison du poids de l’histoire. Soumis pendant des siècles à la tentation liberticide d’un pouvoir centralisé, les journalistes redoublent de méfiance, et toute intrusion d’un régulateur extérieur leur paraît d’emblée suspecte. Aussi l’autorégulation, le règlement, au sein de la profession et par la profession, de ses insuffisances et turpitudes, recueillent nettement leur préférence. Un point sur lequel l’auteur du livre, à l’évidence, les approuve. Le salut semble résider alors dans le renforcement des chartes d’entreprise ou la nomination de médiateurs.

Cette dynamique d’autorégulation touche néanmoins rapidement ses limites. « Le respect des chartes comme leur adaptation aux situations concrètes n’ont pas été discutés, ni fait l’objet de bilan », affirme Jean-Marie Charon. Les principes édictés opèrent davantage comme une boussole pour l’action que comme des instruments capables d’efficacité pour traiter des cas précis, prévenir ou sanctionner des manquements. Cet encadrement éthique « mou » favorise le sentiment d’impunité, que conforte encore plus l’omerta des confrères lorsque survient une dérive. L’absence de sanction ou de réaction forte est en elle-même un encouragement à la désinvolture ou à l’irresponsabilité : « Comment peut s’interpréter pour chaque journaliste qu’au-delà de commentaires privés, aucune condamnation formelle, n’ait jamais été formulée par une organisation professionnelle, à propos de dérapages graves et avérées ? »La même critique est adressée aux directions des entreprises de presse, muettes elles aussi la plupart du temps sur les dérapages de l’information.

Le chapitre sur la responsabilité des journalistes brosse un tableau somme toute impitoyable. L’auteur évoque un univers porté au « cynisme et au fatalisme ». On y découvre un milieu qui entretient sa propre impéritie en renvoyant ses insuffisances « aux structures, à la technique, aux logiques organisationnelles ou économiques ». On s’étonne du peu de rigueur qui l’anime : lors d’une enquête auprès des journalistes économiques et financiers, 52,4 % disent ne pas croiser leurs sources, 40,8 % ne pas toujours vérifier un chiffre, 46,8 % « ne pas savoir lire les comptes d’une entreprise », etc. Et on saisit toutes les facettes d’un comportement que l’auteur, pertinemment, nomme ainsi : « un déni de responsabilité ».

Visiblement peu convaincu de l’efficacité d’une régulation juridique, Jean-Marie Charon en appelle à un sursaut moral (pour une conception « morale » de la responsabilité), en raison des devoirs de cette profession envers autrui. Mais le rôle crucial joué par l’information dans la vie démocratique suppose d’aller plus loin. Il requiert d’engager des actions en association avec le milieu journalistique : « La prise en compte de l’intérêt général exige donc l’existence d’une réflexion éthique, individuelle et collective durant toute l’activité professionnelle. Cela appelle une formation et une préparation nourries d’études de cas par exemple, de l’approche de situations, circonstances, événements diversifiées ». Cet appel à un ressaisissement collectif fondé sur de la formation permanente, loin de rester lettre morte, a fait l’objet d’une initiative de la part de l’auteur. Jean-Marie Charon anime en effet depuis de nombreuses années Les Entretiens de l’information : confrontations entre journalistes sur des études de cas, précisément. Evidemment, la solution préconisée pour résoudre le Grand Malentendu entre public et journalistes se révèle, au terme du livre, une plaidoirie pro domo... Mais on doit saluer un chercheur qui, loin de se cantonner à la critique sociale, a proposé et mis en œuvre concrètement un traitement aux maux qu’il dépeint.

On peut, néanmoins éprouver quelque déception sur la conclusion. En effet, scepticisme juridique aidant, et armé d’une foi de charbonnier dans l’autorégulation de la profession, l’auteur émet des recommandations qui peuvent paraître dérisoires à l’aune de la gravité des déficiences invoquées. Peut-être une exploration approfondie de la complexité du droit qui encadre l’information, notamment la tension entre le principe de la liberté de communication, et les multiples autres principes qui le contrebalancent (diffamation, droit à la vie privée, protection de l’enfance, etc.), et donc de sa difficulté à être mis en œuvre, aurait été utile pour étayer la préférence affichée en faveur de l’autorégulation. La pratique du droit dans le traitement de l’information constitue le thème central d’un des ouvrages de Jean-Marie Charon (Un secret si bien volé : la loi, le juge et le journaliste, Le Seuil, 2000), ce qui explique sans doute qu’il en ait fait l’économie ici.

Ce livre aiguise la faim d’en savoir plus sur un autre sujet qu’il aborde peu : le public. Les causes du malentendu ne mettent-elles pas aussi le public sur la sellette ? Quid du comportement de ce dernier ? Quid de son étranglement d’indignation dès qu’il s’agit de parler de média ? Cette bruyante insatisfaction à l’égard du système d’information a quelque chose d’énigmatique tant elle paraît extrême, et son mystère s’accroît lorsque l’on s’aperçoit qu’elle est partagée et alimentée par beaucoup de journalistes. Cette virulence a toujours existé, mais cette démonstration de colère paraît extravagante si l’on considère qu’elle s’accroît, alors que les supports d’information n’ont cessé de se multiplier et de se diversifier au cours des dix dernières années. En matière d’information, en effet, l’homme contemporain vit sous le règne de l’abondance : les réseaux numériques font circuler les contenus les plus hétérogènes, de la qualité la plus haute, à la futilité la plus vaporeuse, du plus intello au plus pratique, les opinions les plus variées trouvant un répondant médiatique pour qui sait se repérer dans les sites et les organes de presse. Comment expliquer cette radicalité dans la défiance à l’égard des médias ? Pourquoi cette exacerbation vise-t-elle sans distinction l’ensemble des médias, alors que les critiques pourraient surtout s’appliquer au média dominant, la télévision ?

Certes, pour une partie de la population, la révolution numérique est passée presque inaperçue. Et peut-être perdure, comme un parfum qui n’arrive pas à s’évaporer, une posture critique qui pouvait s’appliquer à la télévision publique de monopole, sorte de voix officielle encadrée par le politique. Certes, il existe une doxa qui, depuis leur apparition, présente les médias audiovisuels comme des instruments d’aliénation et de manipulation. On doit pourtant chercher ailleurs les raisons de démonstrations aussi passionnées. La violence verbale contre le système d’information semble désigner autre chose qu’une appréciation désolée sur « la qualité » des contenus – si tel était le cas, France-Culture et Arte occuperaient le sommet des classements de Médiamétrie.

Cette émotion sans réel fondement évoque plutôt un processus de type bouc-émissaire. Les médias, pris comme une entité générique abstraite, seraient l’objet sur lequel s’exorcise la gamme immense des colères ou insatisfactions collectives. Ils constitueraient un objet transactionnel de la pensée. D’autant plus qu’ils offrent aux individus une expérience singulière, épreuve mentale inédite dans l’histoire des sociétés, une confrontation permanente au spectacle du monde dans lequel ils vivent.

Cette confrontation incite le spectateur à s’évaluer par rapport aux autres, se comparer, imaginer des biographies alternatives. Elle l’oblige à prendre position sur des thèmes ou des situations à propos desquels il est souvent largement impuissant. Vivre au rythme de l’écosystème médiatique comporte une dimension violente pour le psychisme, et la fréquentation d’un média d’images inspire facilement un ressentiment intérieur. Contre quoi ? Contre soi – on regarde souvent « malgré soi » : pour combler le temps, parce que votre entourage vous y incite, parce que l’écran allumé vous ramène vers lui en dépit de votre effort pour y échapper ? Contre l’image de la société promue, découpée, réorganisée par le média ? Contre ce flot des opinions et des paroles qui se déversent selon un principe d’équivalence en vous clouant comme seul juge ? Il y a dans la relation aux médias quelque chose qui concerne le rapport de soi à soi... et qui pourrait fournir le levain à l’exaspération ingénue que l’on repère dans tous les débats publics sur les journalistes.

La recherche sur les médias a fait l’impasse sur cette dimension. Depuis cinquante ans, dans le sillage des cultural studies, elle s’est employée à analyser les pratiques du spectateur actif, à démontrer que « la réception est une production de sens ». Mais aucune recherche n’a jamais tenté de sonder la passion funeste, la critique exaltée, qui s’emparent des individus lorsqu’ils sont conviés à une expression publique sur le sujet « médias ». Entre les journalistes et leur public, on trouverait peut-être des sentiments plus complexes qu’un malentendu : une paranoïa croisée.


par Monique Dagnaud [27-11-2007]

25 novembre 2007

Beowulf


Versification, 1967, Séminaire St-Joseph: l'année de l'expo; préhistoire de l'éducation où on apprenait encore quelque chose; The Norton Anthology of English Literature. Monsieur Tilkin, belge, ex-pilote de chasse, nous trace de grands traits en travers de la mystérieuse histoire de la Grande Île du Nord, brumeuse, venteuse, balayée d'esprits maléfiques et d'elfes. Beowulf!

En lisant cet essai, 'Beowulf' Movie Magic Can't Conjure The Poem's Bare-Bones Enchantment
par Blake Gopnik du Washington Post, jeudi le 22 novembre dernier, les murs austères flanqués des immenses cadres des célébrités de mon Séminaire ressurgirent à mes yeux. Mon nez retrouva le léger bouquet de moisissure et d'encens. J'entendais à nouveau mes savates claquées sur les larges tuiles usées et les échos me raconter leur mouvance.

Beowulf, to be a wolfe! Crier au loup! Dans le silence... d'un monastère:


"The great hero Beowulf, wrestling with the monster Grendel, split the sinews of
his foe and snapped his arm off at the shoulder. Going up against the monster's
mother, he slammed her to the earth, then sliced her neck through with a sword."

Arrghh! Roland dans toute sa gloire, qui m'avait intrigué, et fait rire de ses exploits tout français, en Éléments Latins (Secondaire I), se côtelait avec cette bête comme le Comte de Montmirail, d'Appremont et de Papincourt (http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Visiteurs) contre Rambo. Ce héros de l'Angleterre médiévale et ses fantastiques aventures retèrent graver dans ma mémoire à jamais:

"Whereas watching the movie leaves us absolutely in the place and present where
we started out. It's just "Die Hard" in chain mail."

Bientôt, dans mon sous-sol, sur écran géant, je l'inviterai chez moi. Je retouverai mes 16 ans:

"My own first encounter with "Beowulf" came as a kid, in a surprisingly uncleaned-up version from "The Golden Treasury of Myths and Legends." I still think the spare modernism of the book's images, hand-drawn by the great American illustrators Alice and Martin Provensen, comes closer to capturing the intensity of the ancient original than the $150 million movie's industrial light and magic ever does."

20 novembre 2007

Conjugaisons plus-que-parfaites



Un film français d'une certaine époque racontait l'histoire d'un valet d'ascenseur qui lança sa version d'un slogan pour l'hôtel où il travaillait; il apprit qu'il avait remporté le prix du meilleur slogan et que l'hôtel allait utiliser sa phrase, désormais célèbre, dans sa publicité: À l'imparfait de nos voisins, notre réponse sera notre service plus-que-parfait. Assez rapidement, tout le monde sut que ce gentil, et inoffensif, valet deviendrait leur marquis. Il prit l'ascenseur de la société!
La belle époque où les jeux de mots faisaient rire, ou du moins sourire, parce qu'ils étaient compris. Je me demande si les verbes de notre jeune homme étaient toujours bien accordés? Avait-il mis les traits d'union? Avait-il seulement conscience qu'il utilisait deux temps de l'indicatif? Ah! Ha! Et n'allons surtout pas parler de la spécificité de leur emploi... Mais, au moins, la connaissance de la conjugaison par le commun des mortels devait nécessairement inclure une base de compréhension du verbe, pour que le réalisateur du film décide d'inclure dans son intrigue ce fameux jeu de mots.

Une personne me signalait un jour la totale inutilité de certains modes en français; et la situation se produisait en anglais aussi, et dès lors, dans toutes les langues. Pourquoi pas? Sa rebuffade mentionnait le futur antérieur: J'aurai fait. Je lui présentai l'énigme suivante. Comment relayer l'information suivante: ma conjointe et moi dînons ensemble. Elle me signale sa répugnance de voir le lit en désordre lorsqu'elle revient à la maison le soir. Comme je suis régulièrement le dernier levé, son regard inquisiteur connecte facilement ma culpabilité. Je lui promets que ce soir, lorsqu'elle mettra les pieds dans notre chambre, le lit sera fait. Eh! Oui! À ton arrivée chez nous à la fin de ta dure journée, j'aurai fait le lit chérie. Comment le dire autrement?
L'économie de la langue répond à tout. Les économistes d'estrade linguistique font pitié. Ils sont si ridicules. Leur charme n'est plus charmant; il est devenu pitoyable.

Lisons Littré:
"CONJUGUER
(kon-ju-ghé) v. a. 1°Unir. Peu usité en ce sens.
2°Terme de grammaire. Assembler dans un ordre déterminé les différentes
inflexions ou terminaisons des modes, des temps, des personnes et des
nombres
d'un verbe. Conjuguer un verbe. Absolument. Savoir conjuguer.
3°S'unir. L'astre du jour répand sur tous les mondes
d'autres concerts de lumières.... en se conjuguant avec d'autres Phébés, BERN. DE
ST-P.
Mort de Socrate.
4°Se conjuguer, v. réfl. Être conjugué. Ce
verbe se conjugue comme ou sur
tel autre, avec l'auxiliaire être ou avoir. Lat.
conjugare, réunir ensemble, de cum, et
jugum, union, proprement joug (voy. JOUG).
En termes de grammaire, conjuguer un verbe, c'est en réunir toutes les
formes
dans un arrangement déterminé."

Fascinant tout de même: Voir conjugual alors, et conjoncture...

Au delà des personnes, l'accentuation du verbe l'inocule de tout son sens, quand ce ne fût que pour qu'il habitât le socle que des siècles et des siècles de jaugeage ont paufiné. Je n'aime pas particulièrement la langue recherchée ni les tournures oiseuves. J'aime, toutefois, j'adore le jeu.
Maman lisait beaucoup: des livres parmi lesquels se trouvaient des oeuvres de cinquième tablettes au haut du mur du boudoir, constamment hors d'atteinte... que j'atteignais quand même. Elle parlait plusieurs langues maman; non, vous pensez, pas l'anglais, ou si mal! Elle parlait le professionnel, le voisinnage, l'amie de coeur, le fils que j'aime, le marchandage, le non ma fille. Maman était polyglotte. Elle s'était même permis un jour de mes 14 ans de me lancer: "On aurait jamais dû t'envoyer au séminaire, tu veux toujours avoir le dernier mot!" Maman et ses conjugaisons de la vie m'ont éduqué à la conjugaison française, car son temps se consumait dans mon enfance.

À 14 ans, j'ai travaillé à distribuer des dépliants pour l'Historium près du sanctuaire de Notre Dame du Cap; un attrait touristique de courte durée. Sur mon coin, à l'entrée du terrain du sanctuaire, je tendais mon butin et recevait toutes sortes de sourires en toutes sortes de langues. Je commençais à comprendre les paroles de mon père: "Quand on croit très très fort, on peut parler en langues". Mais les verbes de ma mère me parlaient beaucoup plus. Quelques années plus tard, j'ai travaillé dans un clinique pour alcooliques: professionnels, clochards, héroïnomanes, jeunes et vieux, prêtres et avocats, hommes d'affaires et contracteurs. Ils avaient un point en commun: leur dépendance; ils m'ont toutefois donné un superbe cadeau: l'art de maman de parler plusieurs langues.Cette race de polyglottes est en voie d'extermination. On parle bien ou on parle mal. Il est de plus en plus difficile de parler au monde; il entend, mais n'écoute pas. À oublier les conjugaisons, on perd notre perspective sur la vie et sur les différences. Tout se ressemble au royaume du neutre. Adaggio est mort! La valse à quatre temps de même... Et puis, après tout, ne sommes-nous pas devenus des sourds fonctionnels?

18 novembre 2007

Napoléon: le goût de s'ancrer.

Quelle belle citation de Patrice Gueniffey sur la feuille d'Idée (http://www.laviedesidees.fr/-Essais-travaux-.html) au sujet du Napoléon que préparait monsieur François Furet :

La Révolution française « a eu, l’espace de quelques années, son Washington en Bonaparte. Dix ans après, c’était un roi… Dès qu’il devient héréditaire, son pouvoir renonce à son principe, et il inaugure un autre cours que celui de la Révolution, où le hasard de la guerre a repris tous ses droits : en voulant fixer son règne dans la loi des royautés, l’empereur lui enlève ce qui en a fait à la fois le charme et la nécessité ».

Vouloir changer en revenant sur nos cicatrices. Le peuple suit tout le monde. Il ne veut que vivre et s'amuser. Il veut à tout prix se déresponsabiliser de son futur. Il aime suivre et le fait allègrement.

La Corse allait servir à la France une leçon magistrale : le petit Napoleone Bonaparte d’Ajaccio débarque et commence son périple. Quelques brèves années plus tard, à la pointe de son ambition et de son brio, l'armée est à ses pieds... les Français dans ses bottes : Vive l'empereur!


La France, comme le gruau, mais je devrais dire Paris, se consomme chaude avec juste le bon nombre de grumeaux pour créer une marée à la fois visqueuse et consistante. Le règne de l'homme fut bref; le règne du fantôme dure encore... Comme le gruau dans nos artères qui continue à travailler, à gruger et racoler le cholestérol, le petit caporal trottine encore dans les coulisses. Je l'aime; je l'admire; qui ne voudrait pas devenir Voltaire, Pascal, La Bruyère, Beaumarchais... Mais Napoléon! Ultime. Nous sommes bien nés de cette cuisse volage et fière. Ici et maintenant, dans cette foutue Amérique où nous devons nous gausser de Saint-Laurent, de Jefferson, de Ford, de Mac Donald, de Lee, de Montcalm, de Woolfe, les héros sont de peccadille et les modèles de chiffon.

Mais bon, nos peuples fondateurs, nous les avons massacrés à la petite vérole, au mousquet et à la réserve: charme, traité, séduction et tromperie; génocides, parricides et infanticides; viols et beuveries. Une belle jambe, cela nous fait! La plupart des vrais héros parmi ces nouveaux Américains, dont nous sommes les descendants, avaient pourtant compris: ils vivaient avec ces premières nations; ils se mariaient avec des femmes de ces premières nations; ils demandaient l'avis à ces premières nations. La bonne société décida de cultiver l'ignorance, la crasse, la vile. Alors j'écoute encore régulièrement les Remarquables oubliés* que la première chaîne de Radio-Canada nous diffuse encore; je me rappelle, aussi constamment, de le garder bien précieusement ce héros de ma jeunesse; il tient compagnie à tous les autres que les médias de mon temps me présentaient soir après soir : Dollard des Ormaux, Radisson et des Groseillers, d'Iberville, Ti-Jean Carignan, Le Grand Duc, Ouragan... Tous des braves qui accompagnèrent mes premières heures de télévision à partir de 1957. Les autorités contemporaines, très provincialement, ont décidé de couler Radisson dans un trophée pour petits entrepreneurs pondeurs et décapiter Lavérendrye, dit les Rocheuses, dans une forêt enchantée à la couardise. Passe-partout.

Dans mon pignon, je garde mes souvenirs, regarde passer les navires et cherche encore à vibrer à un diapason crochi et rouillé. Hé! Napo! Plus on te triture, plus tu t'incrustes... Tu es mort d'un cancer; c'est une balle à Austerlizt qu'il t'aurait fallu!

Napoléon garda le pouvoir juste assez longtemps pour redonner à la France un peu de Lous XIV. Les médias lancent des Napoléon à la tête de Sarkozy? Qu'ils se comptent chanceux d'en avoir eu un et de l'avoir arrosé de temps en temps. Ici, et encore, dans cette foutue Amérique, le peuple, il attend encore le retour de Cartier.

*http://www.radio-canada.ca/radio/profondeur/RemarquablesOublies.html

12 novembre 2007

Les trois mousquetaires... avec ou sans d'Artagnan!



Legnica, Pologne. Début mai: soleil jaune et arbres verts tendres. Les soirées sont encore juste assez fraîches pour demander un cardigan. Dans la cour du château Piast où le collège est installé, nous pénétrons à la brunante pour s'installer sur des estrades de fortune. Nous assisterons dans les prochaines minutes à une représentation de la pièce de théâtre "Les trois mousquetaires"; une adaptation française du célèbre roman d'Alexandre Dumas. Fermez les yeux et imaginez les tintements de la cloche du profond couloir d'entrée du château. Soudainement dans une folle cavalcade sur les pierres du porche, un carosse tout bardé d'arabesques et de feuillage d'or fracasse le silence et sonne la charge: le reine arrive pour le bal poursuivie par des mousquetaires qui désirent lui remettre son collier. Début tonitruant pour notre soirée théâtrale. Personne n'a encore parlé que nous sentons déjà la tension et l'indescriptible plaisir de participer à un spectacle de vie et de jeu.


Le jeu fut honnête; la langue parfois très accentuée; le maillage des effets sympathique, à l'image de ce cheval, qui, au beau milieu d'une scène pathétique, glissa sur la dalle et fit sursauter l'amante en robe d'époque et pouffer de rire les spectateurs; et encore quelques mésaventures scéniques comme la cape lancée pas Athos de la chambre de son amante qui plana jusque sur un spectateur... Quel pur plaisir dans cette cour intérieure médiévale, ce texte baroque sous une main romantique! De vrais personnages, de vrais chevaux, de vrais épées contre de la vraie pierre et les senteurs de tilleuls et de marronniers.


Le vrai par le faux. À la fin sans rideau, les spectateurs sont descendus des gradins; ils retournent à leur réalité. Cette réalité qui habite cette ville polonnaise encore stygmatisée par la retraite allemande, encore ruisselante de l'emprise russe. Cette folle équipée à l'intérieur du cadre médiéval appartenait au rêve. C'était un accomodement à la réalité. Pas un questionnement sur une situation, mais un simple intermède en écart avec le doute de son propre avenir. D'Artagnan le gascon avec son accent rural et son rustre cheval de somme avait une épée d'or dont le sens de la répartie a suffi pour sa mise à niveau.

Les mousquetaires ont accomodé la reine. Les polonnais m'ont accomodé. Eux-mêmes s'accomodaient de leur neuve solidarité. Les peuples du Tier Riche cherchent, aujourd'hui plus que jamais depuis la marche des nomades vers l'Empire romain, à organiser leur système d'assimiliation devant les hordes du Sud et de l'Est.

Bonne chance contre l'histoire. Appelez toujours votre d'Artagnan... qui sait dans quel accoutrement il vous arrivera!

10 novembre 2007

Dix ans d'intégration de technologies dans les cours de littérature


Pierre Picard, enseignant en littérature, Collège Laflèche


1996 : Une grammaire interactive.
Le début de l’aventure informatique débuta en 1996 avec l’utilisation d’un logiciel de grammaire interactive : Communication écrite. J’avais pris le pari que cela améliorerait la motivation, la persévérance et la performance linguistique de mes étudiants. Ce projet fut l’objet d’une subvention de recherche dont les résultats illustrèrent une plus value de cet outil pour les étudiants en difficultés. Cela fut le départ d’un cheminement pédagogique qui évolue depuis dix ans.
1998 : La rédaction à l’ordinateur.
Une étape relativement récente de ce parcours fut l’organisation de la rédaction des exercices formatifs et de certains ateliers sommatifs au traitement de texte sur ordinateur. Les étudiants n’avaient accès à aucune aide orthographique ni grammaticale en ligne; ils avaient tout de même droit aux trois documents de référence traditionnellement permis. Le nombre de fautes chutait dramatiquement lorsqu’ils rédigeaient à l’ordinateur. Je fais l’hypothèse que la plateforme écran/clavier modifiait leur niveau de concentration; celle du papier et du crayon suivait l’approche graphie/sens alors que l’autre approche en développait une de graphie/outil. Dès lors, le cerveau démontait plus systématiquement chaque composante du mot puis de la phrase. Chez les étudiants faibles, cette procédure amenait les trente fautes et plus à des performances en dessous de 15 fautes pour un texte de 700 mots.
1999 : Antidote.
En 1999, une formation sur Antidote 98 fut donnée systématiquement en classe. La simple motivation de pouvoir l’utiliser pour corriger leur texte fut suffisante pour qu’une forte majorité des étudiants développent une bonne compétence sur cet outil et l’utilisent régulièrement pour corriger leurs travaux dans mes cours, mais aussi pour leurs travaux dans les autres matières. Je me disais, et me dis encore, qu’il n’y avait pas de mal à amener mes étudiants à ressasser leurs règles à l’aide d’une grammaire, de chercher des synonymes dans un dictionnaire de synonymes, de fouiller une conjugaison dans un annuaire de conjugaison ou de consulter certaines définitions dans un dictionnaire grâce à un instrument plus efficace et plus dynamique. Bien sûr, cet outil corrigeait automatiquement la plupart des erreurs orthographiques. Je donnais ce bonus à mes étudiants sachant que cette dimension de leurs faiblesses linguistiques n’avait pas un impact majeur sur leur performance globale. En effet, plusieurs des échecs à l’Épreuve uniforme se situent, dans notre collège, au niveau de la grammaire et de la syntaxe.
2002 : La rédaction terminale sommative à l’ordinateur.
Depuis maintenant cinq ans, mes étudiants ont le loisir de rédiger sur des ordinateurs, en laboratoire, leurs analyses littéraires et leurs dissertations explicatives. L’examen se déroulant en deux blocs de deux heures durant la quinzième semaine de la session, les étudiants se présentent au laboratoire informatique pour le deuxième volet. Après leur avoir remis leurs notes des deux premières heures, ils commencent leur rédaction en utilisant le logiciel de traitement de texte. Les étudiants sont habitués à cette routine puisqu’ils ont fréquenté le laboratoire pour des activités en ligne chaque semaine à raison de deux heures par semaine. Cette démarche fut accueillie avec joie par les étudiants qui savaient d'ores et déjà que leur nombre de fautes diminuait grâce à l’ordinateur et qu’en plus ils pouvaient utiliser Antidote. Pour la première fois de ma carrière, j’observais une majorité de mes étudiants fouiller un dictionnaire pour s’assurer d’une bonne définition; vérifier une construction syntaxique ou un accord grammatical obscur; s’amuser à trouver des synonymes plutôt savants pour embellir leur texte. Je me réjouissais aussi sachant qu’à la fin de l’exercice, je recevrais un texte imprimé en Times New Roman 12 points ainsi qu’un fichier en ligne que je pouvais consulter même de l’extérieur.
Depuis 2005, une plus grande efficacité pour l’enseignant et un objet de fierté pour les étudiants!
Quel fut l’impact de l’utilisation du logiciel de traitement de texte pour une rédaction traditionnellement faite de façon ... de pensum, la rédaction est devenue un défi; de rabroué, leur français est devenu un objet de fierté. manuscrite? Cette utilisation a amené une réduction globale du nombre de fautes, amélioré la syntaxe et la cohésion générale du texte, systématisé une correction minutieuse et encouragé l’apprentissage d’un assistant informatique à la rédaction. J’ai aussi le sentiment que les étudiants ont développé une attitude différente envers ce type de rédaction, honni par plusieurs, ainsi qu’envers leur langue : de pensum, la rédaction est devenue un défi; de rabroué, leur français est devenu un objet de fierté.
L’aspect humain et l’amour de sa langue maternelle ont toujours été primordiaux dans mon enseignement. Les applications pédagogiques de l’ordinateur me permettent de rencontrer les étudiants sur un territoire familier déjà apprivoisé par une majorité d’entre eux. En les invitant à y travailler leur cours de formation générale, je les amène à découvrir une nouvelle façon de voir, d’écrire, leur langue maternelle, non plus en jargon de clavardage, non plus en code MINIMESSAGE, non plus en amalgame d’extraits repiqués sur la Toile, mais en devenant les artisans d’une production originale, structurée et efficace.

5 novembre 2007

La Toile fait mouche!

La revue française Sciences humaines du mois d'octobre 2007 offre un dossier qui décrit l'influence de l'utilisation de la Toile sur notre façon de penser, de réfléchir et d'apprendre.


Parmi les nombreuses informations et conlusions de ce dossier, une prend le pas sur toutes les autres: le bref texte sur Paul Otlet. Cet homme qui, dès 1934, a imaginé et prédit la venue de la Toile:
"On peut imaginer le télescope électrique, permettant de lire de chez soi des livres exposés dans la salle ‘teleg’ des grandes bibliothèques, aux pages demandées d’avance. Ce sera le livre téléphoné".
Cet homme, rejeté par son époque, honni par ses confrères, constitue l'image parfaite du refus de la société à bouger devant l'originalité politiquement incorrecte. Ce documentaliste est mort dans l'oubli.

Pour de plus amples informations, le site suivant "http://www.mundaneum.be/index.asp?ID=247 " offre une biographie et une bibliographie pour compléter le paysage.

et

Françoise Lévie, L'homme qui voulait classer le monde - Paul Otlet et le Mundaneum, Editions Les Impressions Nouvelles, 2006, 351 p.

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Nous réfléchissons nos connaissances à travers un loupe bien différente de nos jours. Les engins de recherche nous entraînent dans des dédales insoupçonnés. Notre cerveau, devant la masse de sources disponibles vogue débridé vers des connaissances universelles fascinantes. Il devient difficile de garder le cap. Est-ce que nous devenons pour cela brouillon? Peut-être. Devenons-nous paresseux? Sans doute. Effectuer une recherche de pointe ciblée relève maintenant du défi de la concentration. Voilà quelques années, nous devions y consacrer beaucoup de temps; il fallait se déplacer ou attendre que tel ou tel volume nous parvienne par le système de prêt. Maintenant, il faut de la discipline pour ralentir le processus. Beaucoup de discipline! Google et ses accolytes nous entraînent dans un voyage où le curieux n'a plus aucune limite et doit noter et identifier au fur et à la mesure de son cheminement toutes les richesses et curiosités qu'il rencontre. Nous réfléchissions tout haut mes amis et moi; nous réfléchissons aujourd'hui en virtuel, en sychrone ou en asynchrone. Et nous pouvons garder une trace de chaque mot prononcé, pardon... écrit! Nos connaissances sont partagées en ligne dans les forums, sont conservées dans nos signets et commentées dans nos blogues. Rushkoff mentionnait que la nouvelle génération transforme, sinon détruit, la notion traditionnelle de propriété; Internet en est le chef d'orchestre!

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L'apprentissage y passe aussi. À toutes les époques, la compilation et l'appropriation de la cognition connaît des soubresauts. Aujourd'hui, nous pourrions nous poser la question suivante: pourquoi se souvenir si tout est toujours disponible et que tout est gratuit... ou presque! Est-ce que l'apprentissage devient plutôt une course aux trésors où l'interprétion de la carte importe plus que le trésor lui-même? L'école disparaîtrait-elle à longue ou brève échéance que nous n'y perdrions que les bénéfices sociaux... L'ordinateur va-t-il soustraire les hommes de l'éducation? Bien évidemment non. Mais il faudra nécessairement que la pédagogie prenne en compte ce nouvel outil. Les possibilités qu'il offre sont bien trop importantes pour être ignorées. Nous y reviendrons....


Pour l'instant, allons lire ce dossier. Ouvrons toute grande nos oreilles et nos yeux à cette nouvelle pensée Internet.


Pour consulter les titres et certains articles de la revue, vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessous:
http://www.scienceshumaines.com/index.php

2 novembre 2007

La politique de la quotidienneté

La Literary Review of Canada publie ce mois-ci une analyse du livre de Richard Poplak, Ja, No, Man: Growing Up White in Apartheid-Era South Africa, rédigé par David Dyzenhaus. La politique de l’ordinaire retrace la vie d’un Sud-Africain blanc et juif dans le tourbillon de la contestation de l’apartheid :

« His book clearly describes a life in what he calls “the miasmic fog that kept the country in darkness during the Apartheid years”: the fog of ideology that made it possible for white South Africans to avoid recognizing their brutal exploitation and oppression of the country’s black population.»

Il faut lire ce commentaire; il faut lire ce livre. Dans l’environnement canadien, un pays qui n’arrive pas à solutionner son morcellement national, coincé entre des nations étouffées – celles des amérindiens– fondatrices – ironiques de songer à une fondation émergeant de l’annihilation d’autres civilisations – , immigrantes – de plus prégnantes devant la faiblesse voire la non-existence de facto d’une identité claire – , les quotidiennetés de cette famille juive ressemble à s’y méprendre à une possible maisonnée de Hérouxville dit Code de vie québécois!

L’aveuglement est le même :

« The Poplaks were trying their best to lead an ordinary life, much as any middle class Canadian family tries to do, but this can obviously mean profoundly different things in different contexts. A Canadian-born friend of mine once spoke to me of his great “moral luck” at not having been born South African. He meant that living an ordinary life in a rather ordinary society like Canada is very different, morally speaking, from living that same life in a society where great injustice is so much part of daily life that it is possible to be oblivious, or on my argument, to make oneself oblivious to it. Another white South African friend who had many white close acquaintances deeply involved in the resistance to apartheid remarked to me in the 1980s that one of the things he hated about South Africa was that it made many people who were unsuited to politics of any sort feel compelled to take part in the dangerous politics of resistance. They were constitutionally suited to living ordinary lives. »

Pas aveugle pour blesser. Aveugle de bêtise. Être ordinaire est-il une vertu? Dans le magazine littéraire du mois d'octobre, Enrique Vila-Matas suggère « Une stupidité lucide : [une des attitudes à adopter] se fonde sur Érasme qui suggéra qu’en temps d’abrutissement général, l’homme sage doit feindre d’être idiot (comme le sot de son Éloge de la folie) et se montrer incapable de prendre position, conscient que c’est la meilleure façon de réussir dans le grand théâtre de l’Univers. » J’attends avec impatience les conclusions de messieurs Bouchard et Taylor de la Commission sur les accommodements raisonnables. Après les banales parfois très rustres souvent orchestrées salades de bettes à carde fanées et amers, le monde entier jasera de la sagesse des musulmans, des questionnements perspicaces de certains et de l’étroitesse d’esprit, j’aimerais dire naïve mais doit me contenter de niaise, de plusieurs.

« When my son jokingly sings “Oh Canada, our home’s on native land,” for example, the point is that Canada is a settler society, with a brutal history of “native” exploitation and segregation—indeed, a history that the white regimes of South Africa took as an example in establishing the Bantustans. And the fact that the live-in or live-out nanny comes not from the aboriginal communities of Canada but from the Philippines might make little moral difference. The rich countries of the north police their boundaries, even extend their boundaries into other countries, in order to ensure that only those migrant workers enter who are considered appropriately exploitable, much as the apartheid police in South Africa maintained the boundaries between the rich white enclaves and the areas set aside for blacks. »

Depuis la fin de l’apartheid, l’Afrique de Sud a changé. Les noirs ont droit de cité. Les blancs commencent à comprendre. Au Canada, les blancs sont toujours endormis et offusqués dès qu’une de ces fédérations, nations, ou communément nommée tribus ou gang de la réserve, pointe le nez sur une voie de chemin de fer, sur une route ou sur un pont. En cela, l’unité nationale canadienne est en sécurité : nous sommes tous pareils. Dès que quelqu’un de différent entre dans notre cour, nous pavoisons notre caucasienne blancheur judéo-chrétienne et réclamons la soumission.

Depuis la fin de l'apartheid, l'Afrique de Sud, n'a pas changé. Les traditions d'incestes, de violences et de faible scolarité sont tenaces. Chez nous, sous la pression toujours plus forte des communautés amérindiennes et immigrantes, nous réussirons peut-être un jour à atteindre une certaine maturité. Qui sait?

Poplak’s autobiography proves then to be a deeply political work: it shows that politics is situated unavoidably in the ordinary, and illustrates that the mechanics of political obliviousness do not reside entirely in a fog machine controlled by politicians. Rather, the mechanics involve countless daily, individual choices to maintain that fog, choices that will require more or less investment depending on one’s background. Political obliviousness is always resolute.

Vive la tranquillité!

Merci à l’auteur dont le nom apparaît ci-bas et à la revue pour les citations. Vous pouvez acheter l’édition de Literary Review of Canada ici .


The Politics of the Ordinary
Piercing the “fog” of apartheid ideology.

A review by David Dyzenhaus

Ja, No, Man: Growing Up White in Apartheid-Era South Africa
Richard Poplak
Penguin Canada
321 pages, softcoverISBN 9780143050445

1 novembre 2007

Les polémiques

J'ergote, tu t'obstines, il argue, nous boquons, vous débattez, ils s'enlisent.... La conjugaison du magazine littéraire de ce mois-ci.

D’entrée de jeu, Jean-Louis Hue signale dans l’avant-propos : « On jous reprochera peut-être de rapporter des chamailleries parfois dignes d’une cour de récréation. « Les polémistes me dégoûtent », disait Bernanos, se repentant des éreintements dont il accabla tant sse ses contemporains. La polémique, quand elle relève de la manie, esst vaine, voire dégradante. Mais elle sait être salutiare queand elle surgit avec à-propos pour aviver le débat, Elle s’apparente a;ors à une joute où il s’agir moins de terrasser l’adversaire que d’enrichir une réflexion commune. »

Je connais plein de philosophes, certains ont même un diplôme à l’appui de leurs longues arrangues. Ils sont habituellement fort gentils. J’en comprends certains, j’en écoute d’autres, mais je les respecte tous, car ils correspondent à cette recherche d’une vérité. Je préfère Chomsky; c’est un linguiste; je préfère le verbe au sillogisme. Mais comme j’aime bien me quereller et m’entendre parler, je joue le jeu à fond. « Une bouche qui se permet de parler ainsi ne mériterait-elle pas d’être fermée à cous de bâton plutôt que réduite au silence par une réfutation en règle? » (Bernard de Clairvaux au sujet d’Abélard, le premier professeur à forniquer officiellement avec sa pucelle d’élève). Quel verbe dans le phrase; quel tissage de sens qui miroite comme un prisme mille interprétations. La logique rejoint le mot.

Aujourd’hui, nous sussurons nos mots faute d’en utiliser, d’en connaître un nombre suffisant : « réduction des pratiques discursives aux traces textuelles; élison des événements qui s’y prduisent pour ne retenir que des marques pour une lecture; inventions de voix derrière les textes pour n’avoir pas à annalyser le modes d’implication du sujet dans les discours » Les mots et les mouches… partout! Foucault détruit Derrida en infirmant son texte. Que dire quand on raconte tout. La réalité ne peut toujours se photographier; faut bien le peindre quelque fois! Mais là, il faut des instruments : du temps, des brosses et des spatules, du canevas et du bois, des tubes et une palettes… de l’intelligence, de l’imagination, de l’honnêteté et de l’éthique.

Zarathoustra dit : « L’homme de la connaissance doit non seulement savoir aimer ses ennemis, mais aussi haïr ses amis, C’est mal récompenser un maître que de rester toujours son diciple. » Vive l’argent et les cotes, nous les aimons et les respections au-delà de nos pères. Le sur-homme est né, il est dans mon journal du matin!

Lisez donc octobre 2007, no 468, du Magazine Littéraire juste pour avoir raison lors de votre prochaine conversation avec un philosophe. Qui sait…!