23 septembre 2010

Pourquoi Facal fait du sens?



Monsieur Facal rédige cette semaine deux textes dans le Journal de Montréal en lockout. Je vous les transmets ci-dessous et j'espère que Monsieur Facal n'en sera pas froissé. Ces deux textes traitent du futur politique du PQ d'une part, mais aussi, dans une plus large mesure, de celui du Québec. Monsieur Facal nous a habitués à une plume sévère et rationnelle. Je doute parfois de son impartialité; je ne lui en tiens pas rigueur; la soupe sans sel est plutôt fade!

Lisons donc des deux textes avant d'aller plus loin :


Réalisme et responsabilité

Joseph Facal
20/09/2010 06h24 

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«Quelques mois avant chaque congrès du PQ, des militants pressent le chef d'afficher plus de détermination à l'endroit de la souveraineté. Ça vient de recommencer.

Inévitablement, les discussions se focalisent alors sur l'échéancier référendaire. Ces pressions seront plus intenses si l'option piétine et si les militants éprouvent un sentiment de frustration. Si un vote de confiance au chef est prévu, on s'en sert pour lui faire du chantage.

Selon les individus, toutes sortes de motivations sont ici à l'oeuvre : impatience, rigidité idéologique, ambitions et animosités personnelles, crainte de ne pas voir la souveraineté de son vivant, etc. En 2005, la dynamique ainsi créée avait poussé M. Landry vers la sortie. On n'en est pas là du tout.

Évidemment, discuter de l'échéancier d'un référendum qui, à moins d'un cataclysme imprévisible, n'aura tout simplement pas lieu est ésotérique pour la majorité des électeurs.

Jadis, ces discussions internes pouvaient passer pour un signe de vitalité démocratique du parti. Aujourd'hui, à l'extérieur des cercles militants, elles projettent l'image d'une formation singulièrement déconnectée du réel, au point d'agacer de nombreux souverainistes. Mais il y a longtemps que certains militants du PQ ont cessé de se préoccuper de ce que pense ce peuple qu'ils disent écouter, respecter et vouloir émanciper.

En théorie, si l'on exclut d'entrée de jeu l'idée saugrenue de vouloir faire l'indépendance sans passer par un référendum victorieux, la question référendaire peut se poser de trois façons.

La première façon est de promettre, pendant une campagne électorale, que vous tiendrez obligatoirement un référendum si vous êtes élu. C'est ce que fit Jacques Parizeau en 1994. C'est clair et honnête. On sait sur quoi on vote. Si vous ne voulez d'un référendum sous aucun prétexte, vous savez ce que vous devez faire dans l'isoloir.

Le scénario de 1994 fut cependant possible parce qu'il était l'aboutissement d'un cycle de cinq ans d'effervescence politique ouvert par l'échec du lac Meech. Rien de tel aujourd'hui.

Cette approche doit aujourd'hui être écartée pour deux raisons. D'abord, tenir obligatoirement un référendum que vous n'êtes pas raisonnablement sûr de gagner serait s'exposer à faire encore reculer le Québec en cas de défaite, comme les deux dernières fois. Ensuite, promettre un référendum que vous savez que vous ne tiendrez pas, c'est mentir.

Le deuxième scénario est de s'engager à ne pas tenir de référendum pendant toute la durée d'un mandat, simplement parce que vous l'estimez perdu d'avance. C'est ce que fit René Lévesque en 1981.

Si Mme Marois faisait cela, elle aurait cependant d'énormes problèmes internes. Au PQ, les problèmes du chef commencent dès que les militants doutent de sa détermination à essayer de tenir un référendum.Lechef doitdoncycroire... ou faire semblant d'y croire.

Il reste le troisième scénario : un référendum si possible, mais pas nécessairement. À l'heure actuelle, malgré les apparences de divergence, MM. Parizeau et Landry et Mme Marois sont tous de cette école. Les «conditions gagnantes» de Lucien Bouchard revenaient aussi à cela. Les divergences tiennent au choix des mots pour le dire, qui refléteront un plus ou moins grand sentiment d'urgence, mais pas au fond de la question.

Ce scénario est cependant, lui aussi, très problématique. J'expliquerai pourquoi dans deux jours.»

Réalisme et responsabilité (2)

Joseph Facal
22/09/2010 06h23 

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«Le PQ se dirige vraisemblablement vers l'adoption d'une position qui consisterait, s'il prend le pouvoir, à tenir un référendum si possible, mais pas nécessairement.

Cette approche collait assez à la réalité dans les années qui ont suivi le dernier référendum. L'étroitesse du résultat de 1995 pouvait laisser croire à l'imminence d'un prochain rendez-vous. Aujourd'hui, elle est devenue très problématique.

Franchise
L'électeur qui veut se débarrasser du PLQ, mais qui ne veut pas de référendum, est pris dans un dilemme. Il ne sait pas si son vote lui achète ou non un référendum. Ensuite, une fois au pouvoir, le PQ doit manoeuvrer entre des militants qui tiennent plus au référendum qu'à la gouvernance, et les électeurs qui veulent un bon gouvernement plutôt qu'un référendum.

Chaque geste majeur du gouvernement est vu comme une astuce pour mousser son option. La légitimité de l'État s'en trouve affaiblie. Il est malsain de tenir cette épée de Damoclès au-dessus d'une société pendant des années.

Il est vrai que des gouvernements se lancent souvent dans des opérations qui n'ont pas été clairement annoncées pendant une campagne électorale. La question référendaire n'est cependant pas une question comme les autres. On ne doit pas finasser avec elle. On demande le mandat d'y aller et on y va si on l'obtient, ou on dit d'entrée de jeu qu'on n'ira pas. Tout simplement. On ne joue pas aux dés avec l'avenir d'un peuple.

Illusions
Je comprends pourquoi tant de souverainistes se cramponnent à ce scénario du référendum déclenché si une occasion se présentait.

Tous espèrent qu'un événement imprévu ouvrirait une fenêtre d'opportunité. Certains pensent que des demandes québécoises rejetées à répétition par Ottawa pourraient repartir la machine. On s'évite aussi les problèmes internes qui surgiraient si on disait clairement qu'il n'y aura pas de référendum.

Toutes ces illusions reposent sur la croyance que le résultat très serré de 1995 signifierait que la souveraineté est au bout des doigts.

Chaque référendum se tient cependant dans un contexte unique et nouveau. Depuis 1995, l'électorat s'est profondément renouvelé. Mes étudiants ne savent même pas que le Québec n'est pas signataire de la constitution canadienne. Ils n'ont aucune idée de ce que fut l'épisode de Meech. Tout est à refaire auprès d'eux.

Penser autrement
Nous tournons en rond depuis quinze ans. La question nationale reste un immense problème non réglé, et la souveraineté demeure la meilleure réponse à ce problème. Malheureusement, la souveraineté est, pour l'avenir prévisible, une réponse à un problème que notre peuple ne veut pas confronter, parce qu'il a perdu le goût d'avancer et perdu aussi confiance dans ses dirigeants politiques, fédéralistes comme souverainistes.

Il faut désormais poser autrement la question nationale. Il faut ouvrir un nouveau cycle politique. Les problèmes du Québec sont criants. Nos réseaux de santé et d'éducation craquent de partout. Nous sommes plus pauvres, plus endettés, plus dépendants des transferts fédéraux que ce que notre potentiel et nos atouts devraient autoriser. C'est sur ces fronts que notre peuple attend une action politique vigoureuse et immédiate.

Si le Québec se remet en mouvement, reprend des forces et retrouve sa confiance, cela redonnera peut-être envie à notre peuple de se reposer ultérieurement la question de son statut politique.»


Pour croire qu'un parti politique pourra un jour atteindre la souveraineté politique au Québec, il faudra se convaincre que ce parti, quel qu'il soit, aurait développé une marge de manoeuvre par rapport à son financement qui relèverait de l'utopie. Nous oublions de considérer le pouvoir des lobbys de la finance sur cet avenir. Regardez le destin d'Obama qui, selon certains commentateurs et analystes politiques américains et européens, aurait été le choix de l'establishment démocrate parce que le fait qu'il était noir produirait une impression si puissante que les gens en oublieraient la crise financière ou, du moins, lui enlèveraient sa position de tête du palmarès. L'avenir nous dira si cela a fonctionné, mais le moins que l'on puisse dire maintenant est que sa performance est très mitigée; certains commencent déjà à parler de la présidence d'Hilary. Chez nous, la nomination d'une personne aussi inattendue pourrait avoir cet effet. Le regain de confiance dont parle Facal peut venir par des facteurs socioéconomiques; cela prendrait des années et des années. Mais je me demande dans quelle mesure un tel Québec, une deuxième Catalogne riche et prospère, continuerait à voguer vers sa souveraineté. Les montées souverainistes ne sont-elles pas associées à des défaites, à des frustrations? Quand tout va bien la cote descend. Alors, si tout va bien, si nous ne recevons plus de péréquation, si notre chômage frise le plein emploi, si notre décrochage scolaire tombe et notre taux de diplomation grimpent, si nos salaires décollent de ce plancher canadien, nord-américain, pour approcher un tant soit peu la moyenne, à ce moment-là, le Québécois voudra-t-il sur la base de sa richesse collective confirmer sa distinction linguistique et culturelle?


Je ne crois pas aux mouvements lents et méthodiques qui mèneraient vers un changement politique si majeur. Monsieur Landry parlait et mentionne d'ailleurs régulièrement que la réalité précède souvent le droit; que le geste arrive avant son inclusion dans le juridique. Il n'a pas tort; il faut peut-être se demander à quoi ressemblerait ce droit. J'imagine qu'il parle d'une affirmation nominale à l'intérieur de laquelle le mot Canada et toute sa famille lexicale disparaîtraient remplacée par le mot Québec et sa famille. En effet, cela pourrait devenir une évidence tellement ancrée dans la quotidienneté que le pas vers sa reconnaissance légale serait plus facile à franchir. Je crains toutefois que cette centralisation sur le factuel ne soit associée à une ignorance populaire des populations environnantes et dès lors d'une panoplie de préjugés et de stéréotypes qui rendent facile la manipulation des masses par le pouvoir.


Monsieur Facal espère une amélioration importante de notre système de santé et de l'éducation. Ce sont deux secteurs où une meilleure diète, donc connaissance et volonté d'améliorer notre alimentation, et où un meilleur soutien parental des écoliers et un meilleur recrutement des professeurs ne coûtent rien de plus. Nous avons une telle dépendance envers le gouvernement pour les services, mais aussi pour les centaines de millions en subvention de toutes sortes, que nous nous sommes déresponsabilisés relativement à notre propre indépendance individuelle. On n’est jamais loin de notre indépendance nationale puisqu'elle devient un prolongement de notre paresse actuelle. Mais les valses d'hésitation sont de même symptomatiques de notre inquiétude instinctive de pouvoir, de devoir, travailler plus fort et plus efficacement pour soutenir une société qui ne dépendrait plus que de nous.


Finalement, j'attendrai le Messie. Seule une personne avec un machiavélisme délirant et un charisme divin pourra déclencher cette vague d'inconscience collective du type que Lévesque, voire même Trudeau, ont su utiliser pour envoûter tout un peuple. Mais contrairement à ces deux personnages, il faudra que le prochain messie soit beaucoup plus manipulateur et beaucoup moins démocrate. Il lui faudra être la loi, non pas son amendement.


Merci Monsieur Facal! Je trouve votre réflexion fort pertinente. Patrick Lagacé de Gesca trouve qu'elle ressemble à un nouveau parti politique... Tenez-moi au courant de votre programme. Si vous lorgnez vers la communauté européenne, on pourrait se revoir...

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