13 septembre 2010

Les lumières de l'Histoire

Chine

La Chrétienneté

L'Empire ottoman


Ce matin, alors que j'expliquais à mes étudiants la logique derrière le début et la fin du Moyen Âge, je fus frappé par une évidence qui m'était jusque-là demeurée méconnue: le glissement de l'Islam vers le Nord-Ouest.


Aux environs des années 450, les tribus du nord et du Nord-Est déferlent vers l'Empire romain qui doit capituler devant les hordes qui détruisent de ville en ville, de village en village, graduellement, mais impitoyablement toutes traces de leur pouvoir. Avec les restes de ce vaste empire, ils initieront une installation politique et sociale qui deviendra la base des sociétés européennes et périphériques. Ils pousseront même au-delà de la Méditerranée pour aller conquérir Jérusalem qu'ils perdront et reconquerront périodiquement dans un va-et -vient sanglant avec les Ottomans. Voilà donc le tableau de la naissance et de l'établissement de la société médiévale.

Quelque mille ans plus tard, mille ans pendant lesquelles les barbares se sont lentement transformés en chevaliers toujours plutôt rustres, en damoiseaux friands de pucelles odorantes, en bourgeois gaillards aux rires gras et exploiteurs. La culture volait à ras le sol au grand plaisir de l'Église qui maintenait sous sa férule l'aristocratie naissante et la paysannerie. Toutefois, l'Islam rêvait encore de conquête. Les rencontres avec les croisés lui titillèrent le sabre et vint le moment où ils décidèrent de rayer le trait d'union entre eux et la capitale de la Rome antique. Byzance, épuisée par de nombreux conflits armés et des bisbilles internes rompues de corruption et de décadence ne put résister bien longtemps aux appétits de l'Empire ottoman. Ils succombèrent. Cette défaite ultime de la Grande Rome impériale marqua la fin de plusieurs centaines d'années de domination de l'Occident et permit à l'Islam de pénétrer profondément dans les fiefs gothiques.

Les intellos et scientistes de tout acabit des restes de Rome s'enfuirent de ce tumulte guerrier pour se réfugier en Italie avec le contenu de leur cerveau et de leur bibliothèque. Les monarques du Nord devinrent rapidement jaloux de toute cette culture qui comblait l'Italie d'une réputation semblable à celle qu'ils enviaient à leur entrée par le nord de l'Empire romain d'Occident. Ils s'empressèrent d'aller les chercher pour garnir leurs cours. Nous assistions à un reflux de la civilisation vers son point d'origine et ce reflux avait maintenant comme protecteur ceux-là mêmes qui avaient tout fait pour le détruire. Comme un immense vague, la culture (sociale, politique, artistique, littéraire, philosophique) était descendue vers le sud puis vers l'Est poussée par les Goths et autres peuplades, et revenait vers l'Ouest et le Nord encore repoussé par des hordes fanatiques moins civilisées qu'elle. Le Moyen Âge s'ouvre sur une razzia au Nord-Est et se ferme sur une razzia au Sud-Est. Le serpent mange sa queue: la destruction à tout prix puis la récupération en rachat.

Le Moyen Âge apparaît dès lors comme un long purgatoire durant lequel plusieurs langues nationales prirent naissance, issues de dialectes oraux qui, à la rencontre du latin, s'officialisèrent et créèrent des embryons de littérature. Ces formes primitives de documents écrits prirent leur véritable envol lors d'une nouvelle rencontre avec le latin; cette fois, on n'allait non plus jalouser le territoire, mais les connaissances et ses moyens de diffusion. Dès que les échanges avec les fuyards de Constantinople commencèrent, le Renaissance pouvait prendre place. Nous sommes tentés de conclure que la civilisation occidentale a perdu plus ou moins mille ans. Si les tribus victorieuses avaient adopté la même philosophie que les Romains ou les Grecques, et comme d'autres peuples de l'Empire du Milieu et du Moyen-Orient, la marche vers une identité originale et la constitution ordonnée de la société auraient été beaucoup plus rapide. Il faut croire que cette stagnation convenait à certains membres de ces communautés.

Il sera intéressant de voir comment les historiens finiront par interpréter l'intrusion agressive de la Chine dans l'économie contemporaine et celle de l'Islam fondamentaliste dans le système des valeurs. Il semblerait presque que nous assistons à deux fronts pour une première fois de notre histoire. Cette fois nous sommes au centre, un peu comme Rome l'était au premier millénaire. Si notre société occidentale devait connaître le même sort que les ancêtres que nous et l'Islam avons détruits, quel genre de Moyen Âge aurons-nous? Car nous pouvons facilement imaginer ces deux peuples entamer un règne millénaire.

 

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