26 septembre 2010

Au secours! On insulte un icône de notre culture!


Pauvre Bonhomme Carnaval! Pauvres québécois! Si un centième des gens qui se soulèvent d'indignation pour défendre cette vulgaire mascotte en avaient fait autant pour les événements que l'on souligne présentement en grande pompe, Octobre 70, on serait peut-être indépendant... Qui sait? «Que sais-je?» pour reprendre Montaigne.

Deux poids, deux mesures. La grande dame Charette et les Zapartistes puis Laurendeau en crème Chantilly se gargarisent à la radio canadienne; facile quarante ans après. Je me demande quelle serait leur position si un événement similaire se passait aujourd'hui; nous pourrions toujours demander à Monsieur Cynique son agenda pour cette période...

«Quand les citoyens ne peuvent s'associer que dans certains cas, ils regardent l'association comme un procédé rare et singulier, et ils ne s'avisent guère d'y songer.

Lorsqu'on les laisse s'associer librement en toute chose, ils finissent par voir, dans l'association , le moyen universel, et pour ainsi dire unique, dont les hommes peuvent se servir pour atteindre les diverses fins qu'ils se proposent. Chaque  besoin nouveau en réveille aussitôt l'idée. L'art de l'association devient alors, comme je l'ai dit plus haut, la science mère; tous l'étudient et l'appliquent.

Quand certaines associations sont défendues et d'autres permises , il est difficile de distinguer d'avance les premières des secondes. Dans le doute, on s'abstient de toutes, et il s'établit une sorte d'opinion publique qui tend à faire considérer une association quelconque comme une entreprise hardie et presque illicite.

C'est donc une chimère que de croire que l'esprit d'association, comprimé sur un point, ne laissera pas de se développer avec la même vigueur sur tous les autres, et qu'il  suffira de permettre aux hommes d'exécuter en commun certaines entreprises, pour qu'ils se hâtent de le tenter. Lorsque les citoyens auront la faculté et l'habitude de s'associer pour toutes choses, ils s'associeront aussi volontiers pour les petites que pour les grandes. Mais, s'ils ne peuvent s'associer que pour les petites, ils ne trouveront pas même l'envie et la capacité de le faire. En vain leur laisserez-vous l'entière liberté de s'occuper en commun de leur négoce: ils n'useront que nonchalamment des droits qu'on leur accorde; et, après vous être épuisés en efforts pour les écarter des associations défendues, vous serez surpris de ne pouvoir leur persuader de former les associations permises.

Je ne dis point qu'il ne puisse pas y avoir d'associations civiles dans un pays où l'association politique est interdite; car les hommes ne sauraient jamais vivre en société sans se livrer à quelque entreprise commune. Mais je soutiens que, dans un semblable pays, les associations civiles seront toujours en très petit nombre, faiblement conçues, inhabituellement conduites, et qu'elles n'embrasseront jamais de vastes desseins, ou échoueront en voulant les exécuter.» (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique II, pages 169 et 170)

Comment ces paroles rencontrent-elles mon propos? Je nous trouve des nationaux d'une paresse, d'une nonchalance et d'une bêtise monumentales. Avec tous les droits que nous avons mis à notre disposition à l'intérieur d'une démocratie de modèle britannique, là où le fair-play laisse tellement de marge de manoeuvre, nous nous satisfaisons de piètres personnages et nous entourons de groupuscules aussi inefficaces que bon enfant. Quand Duplessis est mort, le fédéral venait de se faire rosser encore et encore année après année: le ministère du Revenu, les contrats avec les minières (si peu rentables furent-ils), le drapeau national et autres moutures appliquées par Lesage sous le titre de la Révolution tranquille ne sont que quelques exemples du style de ce «dictateur». Aujourd'hui, qu'aurait-il pu faire? Imaginez-vous les débats sur le choix d'un drapeau: les couleurs de l'Italie avec ou sans le bonhomme(l'autre); la fleur de lys; les fleurs de lys; la croix blanche sur fond bleu ou l'inverse; le tricolore en médaillon; etc. Une chance que la décision fut prise par El Duce, on en serait peut-être encore à la commission publique et aux scandales des études de marché donné à des collecteurs de fonds. Que sais-je? Duplessis éclaboussait le fair-play à chaque fois qu'il le pouvait. Sa complicité avec le clergé illustrait bien son dédain pour la chose fédérale; il était en bon voisinage théorique avec la troisième République française, voire même la cinquième de De Gaule.

Toute la gomme politique soupira d'aise à la venue de l'Équipe libérale. John George Diefenbaker puis Lester B Pearson souriaient de soulagement: le parlementarisme traditionnel refaisait surface. Pas fou, un journaliste, quelques professionnels en éducation, en sciences sociales, en économie, c'était le punch moderne pour maintenir un continuum qui allait sortir le Québec du Moyen Âge et le faire entrer dans la Renaissance!... Pas le siècle des Lumières en tout cas! Honnêtement, pas tout à fait des 100 watts... Dans le fond les Lumières, malgré les tonnes de préjugés et de stéréotypes, faudra attendre Johnson, un autre antiparlementaire. On pourra reprendre la discussion plus tard. Toujours est-il que Lesage reprendra la discussion amicale avec Ottawa; sa grande priorité, outre la messe du dimanche, la mise en veilleuse de la reconnaissance du Québec, pour améliorer le niveau d'éducation de la tribu. Je crois qu'on y est encore! Ce parti a enfanté le PQ en absorbant le RIN. L'Union nationale - quel nom quand même! - est morte avec Bertrand, pauvre hère! Le mal était fait. Aujourd'hui, on joue avec deux partis Libéral. Faudra se lever d'bonne heure pour me convaincre du contraire... Le dernier péquiste est en train de mourir au champ de bataille et il s'appelle Parizeau.

Le reste ne ressemble à rien d'autre qu'une petite guerre de personnalité. Après le grand sparage de monsieur Lévesque, ce grand libéral nouvelle vague, la valse ne fait que s'amplifier. À l'heure actuelle, les lucides se masturbent, les grandes-gueules roucoulent, les millionnaires engagent des spécialistes en communication et les ambitieux se racolent. Jamais l'expression Juge et Parti n'aura eu une telle pertinence. J'apprenais dernièrement le penchant de certains souverainistes de se rendre sur un site royaliste français, sur lequel d'ailleurs nous pouvons identifier la dauphine de France: Dieu! Code de Vinci! Honni soit qui mal y pense! Ils ne sont peut-être pas si loin de la vérité. Qui d'autres qu'un régent, qu'une régente, pourrait amener 6 millions de personnes qui n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur leur avenir: seraient-ils intimement convaincus que de toute façon, ils n'en ont pas?

Toujours est-il que les jours, les années, les décennies passent et les seuls gains sont faits avec l'imprimatur du représentant du roi, de la reine; mais pas la bonne, on s'entend! On arrête tout à propos de tout, tout le temps; on est incapable de prendre des décisions. Nous avons institué la réflexion comme outil privilégié, comme une doudou pour un enfant. Et les autorités, très sagement, nous donnent toute la marge de manoeuvre imaginable. Chaîne de commande: présentation du projet; médiatisation de côtés sombres; débouteillage sur les ondes; analyse pessimiste des journalistes; résurrection de squelettes par les enquêteurs adulés; comité itinérant dans les régions; étude en commission; démonstration populaire; hauts cris offensés en première page par les belles-soeurs; report du projet; fin de session. La même rengaine se répète ad nauseam; au nom de l'environnement, du respect des aînés, des ados, des enfants, des femmes, des professionnels, de la faune et de la flore et j'en passe. Mais le peuple est content: on a du pouvoir, on peut arrêter n'importe quoi. Même sa propre vision de son propre futur. Donne-leur une carriole et envoie-les chez les doukhobors.

Pendant que l'on joue à s'organiser, nos dirigeants jouent le vrai jeu: celui du pouvoir. Nous nous entourons de défaite; on finit par envelopper les générations nouvelles d'un aura, non, d'une brume, non plus, d'un smog bien épais au travers duquel la seule chose à cultiver est le courage de continuer à marcher et suivre pas-à-pas l'empreinte que le dernier a laissée. On a même remplacer le fou à Dollard des Ormeaux qui a quand même fait réfléchir quelques peaux rouges par encore une fois une gang à la Octobre 70, réfugiés dans une église comme autant de sans-papiers; le tonneau, eux, ils ne l'ont pas lancé, ils se sont cachés dedans. Ils ont au moins eu le courage de sortir des associations civiles pour lancer leur message de façon un peu plus claire et... pas parlementaire du tout. Plus ça change, plus c'est pareil. Michel Chartrand aussi est devenu un saint, comme Bourgault, pendant que les militants usaient leur fond de culotte dans leur salon ou dans les chambres d'hôtel grand luxe pendant les négos.

Parfois, je m'imagine un monde à la Duplessis dans lequel les droits ont disparu; où les médias lancent aveuglément des roses aux décideurs; un monde blafard plein d'ouvriers miséreux, de petits comptables cloutés, de maîtresses vieilles filles demeurant en haut dans l'école. En effet, la noirceur permet de voir les étoiles. Et comme le Moyen Âge, qui a détruit la civilisation romaine, il l'a tout de même ramené pour refaire le monde moderne.

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