30 juillet 2010

Pensez cartésien ou réfléchir en spirale: langue fourchue.


Quand mes filles apprirent à s'exprimer, à communiquer, à prononcer des sons, elles modelèrent leur structure mentale.
« All this new research shows us that the languages we speak not only reflect or express our thoughts, but also shape the very thoughts we wish to express. The structures that exist in our languages profoundly shape how we construct reality, and help make us as smart and sophisticated as we are.
Language is a uniquely human gift. When we study language, we are uncovering in part what makes us human, getting a peek at the very nature of human nature. As we uncover how languages and their speakers differ from one another, we discover that human natures too can differ dramatically, depending on the languages we speak. The next steps are to understand the mechanisms through which languages help us construct the incredibly complex knowledge systems we have. Understanding how knowledge is built will allow us to create ideas that go beyond the currently thinkable. This research cuts right to the fundamental questions we all ask about ourselves. How do we come to be the way we are? Why do we think the way we do? An important part of the answer, it turns out, is in the languages we speak. »
Le Canada, la Belgique, la Chine, les Indes, la Serbie et combien d'autres dizaines de pays doivent composer avec de ce type de dilemme linguistique. Nous sommes loin de la grammaire unique de Chomsky. La thèse de Boroditsky défend une profonde différence entre les individus utilisant des langues différentes; non seulement leur logique fonctionnerait différemment, mais leur conclusion différerait aussi. Parlons-nous de la richesse linguistique qui, en ajoutant de plus en plus de dialectes différents, améliorerait la perception individuelle en éliminant des préjugés basés sur des différences culturelles et donc linguistiques? Ou alors, s'agirait-il d'une différence irréconciliable?
J'avais eu une discussion un jour avec un ami anglophone qui mentionnait qu'il préférait dire « je t'aime » plutôt que « I love you » qu'il trouvait plutôt sec; pour moi, francophone, c'était le contraire! Recherche d'originalité; charme du nouveau. Quand je parle une langue, je devrais commencer à penser autrement immédiatement pour couler mon raisonnement au service de la langue utilisée. Bilingue depuis plus ou moins 38 ans, j'ai peine à croire que ce phénomène modifierait à ce point ma façon de penser. J'accepterais plus facilement une modification du processus de réflexion, pas un changement de pensée. La conclusion resterait la même.
Quand les habitants des Indes se sont mis d'accord pour utiliser la langue anglaise uniformément pour communiquer entre eux pour éviter d'apprendre les très nombreux dialectes parlés sur leur territoire, ont-ils automatiquement vendu leur âme au britannisme. De même, quand la coexistence du Code de Napoléon et du Common law au Canada signifie-t-elle que les infractions sont jugées de façon différente? Les avocats devraient-ils choisir la langue des juges pour exiger un jugement en faveur de leur client? À la limite, ne devrait-on pas diriger les accusés vers des procès présidés par des individus de leur langue d'origine?
Nous tombons rapidement dans des labyrinthes inextricables. Les minuscules tribus des zones vierges sont utiles pour supporter des théories, mais prennent l'eau quand elles abordent en société. En fait, faudrait-il diviser les peuples selon leur langue et les réunir selon les mythes fondateurs de la civilisation comme l'a affirmé Lévi-Straus dans l'Homme nu :
« Les mythes ne disent rien qui nous instruise sur l'ordre du monde, la nature du réel, l'origine de l'homme ou sa destinée. Les mythes nous apprennent beaucoup sur les sociétés dont ils proviennent, ils aident à exposer les ressorts intimes de leur fonctionnement, éclairent la raison d'être de certains modes d'opération de l'esprit humain, si constants au cours des siècles et si généralement répandus sur d'immenses espaces, qu'on peut les tenir pour fondamentaux et chercher à les retrouver dans d'autres sociétés et dans d'autres domaines de la vie mentale où on ne soupçonnait pas qu'ils intervinssent, et dont, à son tour, la nature se trouvera éclairée. » L'Homme nu, Plon, 1971, p.571.
Nous sommes un ou multiples. Quand le cheval copule avec l'âne, nous obtenons une mule stérile, une fin de génération. Nos différences linguistiques nous acheminent-elles vers des conflits ou vers une meilleure compréhension de notre diversité?

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