25 novembre 2010

Paysage romantique


Le romantisme français naquit dans la mouvance de la révolution de 1789. Madame de Staël, Allemande d'origine, décrit de façon magistrale ce mouvement dans son essai de deux volumes De l'Allemagne. Monsieur Étienne Duval, professeur, en avait fait la recommandation pour vraiment comprendre cet univers d'excès et de pessimisme.
« Comme CorinneDe l’Allemagne contenait une critique implicite de la politique napoléonienne. Quand il la lut, en 1814, Goethe pensa qu’on aurait pu attribuer à cette œuvre une influence dans le soulèvement de l’Allemagne en 1813. Napoléon vit le danger, interdit le livre et le fit détruire. Par miracle, les manuscrits et plusieurs jeux d’épreuves échappèrent à la vigilance policière. Mais Mme de Staël reçut là un coup fatal qui aurait pu tuer en elle le goût de vivre et le pouvoir d’écrire. Au milieu de ses peines, elle réussit à survivre et reprit la plume dans le secret, travaillant dans ces temps de désespérance autant qu’elle l’avait toujours fait. »
 Ce pessimisme n'a jamais rejoint cette grande dame de la littérature qui observa minutieusement les textes bien sûr, mais surtout l'âme de ce peuple rompu. Après la prise de la Bastille, les colonnes de la France tremblent; l'aristocratie est sur les talons; la Commune frappe, tue, détruit, guillotine, soumet les hordes et finalement consacre le pouvoir de la bourgeoisie. L'écriture acquerra la vocation de graveur de conscience. Boucs émissaires de cette cruauté, les jeunes aristocrates fuient; ils se vident de leur sang et en tachent leurs pages. À côté des Hugo qui clament la liberté d'expression et de création, qui met en scène le pire des exploiteurs contre la laideur de la pauvreté,  et des Dumas qui lancent leur héros dans les dédales des passages secrets de la royauté, les jeunes poètes languissent...


«Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l'instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l'œuvre de l'existence. C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dégagent de l'ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres; - le monde des Esprits s'ouvre pour nous.» (Aurélia, Nerval)
 Ils souffrent. Entre deux mondes, l'ancien et le nouveau, la vie de dilettante ne leur est plus accessible. Ils connaissent l'incertitude. Le deuil...

Partez, partez ! la Nature immortelle
N'a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée;
Éternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre
Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre;
Elle vient s'asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin que rien n'a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

(Musset, Le Poète)

Ils sont évincés de la cour par les abus de leurs pères. La corruption et la cupidité ruinent leur futur. Ils l'enfouissent donc dans la mélancolie.

Demain, je poursuivrai ce périple avec le roman d'aventures. Nous sortirons de cette torpeur, de ce mal de vivre, pour foncer dans la course folle des mille aventures des héros de cape et d'épée.
 

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