17 novembre 2010

La réflexion et la spontanéité


Inutile de songer à mieux. Il pleuvait aujourd'hui; toute la journée. Une pluie froide; un vent tranchant. Un temps de lire me dis-je en longeant la rue aux reflets noirs. Je ne vois personne dans les automobiles qui me croisent. Agaçant! J'aime voir ces visages au volant. Peu importe. Je me traine les pieds jusqu'au perron du collège. Quelques heures de cours; quelques heures de surveillance au lab; et je pourrai ressortir, dans la pluie, encore, mais une pluie plus amicale, presque tiède, une pluie de retour à mon imaginaire et au parking où se trouve ma voiture... Je vais me remettre dans les Witches of Eastwick!

Je place ici le texte complet du blogue d'Assouline sur la confrontation de la critique littéraire et de la mode des commentaires qui envahissent l'univers de l'opinion du lectorat contemporain.
«On ne sait jamais trop comment accueillir la naissance annoncée d’un concept. Du moins le nouvel usage d’une notion que l’on croyait jusqu’alors assez banale. Il y a quelques jours, LivresHebdo publiait les résultats d’une enquête auprès de 430 “points de vente” sur la prescription littéraire. Le “Monde des livres” apparaissait en tête des médias de presse écrite, “La Grande librairie” en tête des émissions de télévision et “Le Masque et la plume” en tête des émissions de radio. Mais l’enquête laissait insatisfait en raison du peu de place qu’elle accordait à la critique des livres sur la Toile. Comme si nous avions été entendus, le siteNonfiction.fr met en ligne un dossier sur le même sujet, mais plus consistant et ouvrant plus largement le compas. Son titre “Sur la mort du critique culturel ?” présente déjà de nouvelles perspectives, pas très réjouissantes. C’est à se demander si le point d’interrogation à la fin du titre n’a pas été placé par prudence, au cas où la bête bougerait encore et se manifesterait contre l’annonce légèrement prématurée de sa mort.
   Nonfiction.fr s’appuie sur un sondage, non représentatif de la population car effectué auprès de ses propres lecteurs, et sur une enquête de terrain auprès de 60 libraires. L’un et l’autre permettent de dégager des tendances: “Le Monde des livres” figure toujours en tête, suivi par “Télérama”, des matinales de radio qui ont hélas changé depuis (France-Inter) etc. Mais le plus intéressant est dans les conclusions et les enseignements qu’en tire la rédaction de Nonfiction.fr :
- Résistance des prescripteurs traditionnels malgré la perte d’influence des critiques.
- Multiplication et dissémination de la prescription.
- Rôle croissant des blogs et des sites multimédias dans l’amplification du buzz autour d’un livre.
- Place déterminante des sites de vente en ligne les mieux référencés.
   Le bouche-à-oreille demeure “le” prescripteur absolu. A ceci près qu’il n’est plus nourri et irrigué comme avant, et qu’il est rebaptisé “recommandation personnelle”. Quant à savoir ce qu’il faut entendre par là, je vous renvoie auxdéveloppements d’Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information, sur ”l’économie de l’accès” ou “l’économie de l’attention”, la confusion entre logique de flux et logique de stock, et à l’analyse de Marie Laforge.
   Faut-il pour autant, comme y invite la rédaction de Nonfiction.fr, parler de “révolution culturelle”, de victoire de la recommandation numérique et de triomphe des algorithmes sur le tombe du critique traditionnel, arbitre du goût devenu simple passeur au service du consommateur et donc du producteur ? Sa conclusion :
“En fin de compte, on se demande si la mort du critique débouchera nécessairement sur plus de diversité et plus de démocratisation, ou si, au contraire, elle ne donnera pas lieu à une commercialisation extrême de la recommandation. Entre une critique endogamique coupée des pratiques culturelles réelles et une économie de la recommandation totalement marchandisée, ne risque-t-on pas de passer du mauvais au pire ? N’est-il pas grand temps d’inventer de nouvelles formes de critiques qui tenteront de démocratiser le jugement, multiplier les points de vue, préserver le sérieux de la critique et sa singularité, sans pour autant dépendre uniquement d’algorithmes mécanisés tenant compte exclusivement des ventes ou du goût des masses.”
 Je me souviens de ce cours avec Joseph Bonenfant à l'université dans lequel le critique universitaire nous lançait inlassablement dans les introductions de multiples volumes des plus grands critiques français pour en extirper la structure de développement et l'originalité du regard posé sur un auteur cent fois décortiqué. Quel pensum! Mais quelle formation. Quel apprentissage! Après une telle rencontre, il est impossible de lire de la même façon. Pensez une seconde à l'impact de lire du Blanchot en relation avec Kafka : la lumière fouineuse dans le dédale obscure.

Assouline a probablement raison d'imaginer un futur dénué de profondeur analytique dans les études littéraires. Il faut sans doute le déplorer. Mais, faisant partie de cette mouvance populaire, ne suis-je pas très mal placé pour la décourager? Pourtant, j'espère que le temps ne manquera jamais à celui ou celle qui voudrait aller plus méticuleusement à l'intérieur des imaginaires sophistiqués des auteurs, qu'ils proviennent des origines lointaines ou sentent encore l'encre des presses.

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