18 novembre 2010

Le Québec, c'est ce Zola là aussi... et surtout!


«Ses organes étaient une poche extrêmement sensible, une poche douloureuse de  vie retenue. «Un jour, tu te feras tuer à force de l'étriver comme ça. Milien.» Il haussait les épeules, crachait dans la mare de pisse derrière le taureau. Et si c'était cela la vie: respirer les odeurs de l'étable? Wuand il serait vieux, il perdrait le souvenir de tout le reste, il n'allait plus se rappeler les bâtiments, ni les bêtes qu'il a eues, qu'il avait soignées et qu'il avait tuées dans les premiers froids de décembre. Sauf peut-être la tête coupée du taureau qu'il verrait dans la neige, sous le pont, là où les tripes inutilisées des cochons faisaient des colonnes de vers à anneaux. Au printemps, cela puerait et les gros anchets blancs envahiraient les carcasses qui finiraient par disparaître complètement sous le tas de fumier. Et pendant qu'il chargeait des ballots de paille souillée la vieille ouaguine, Milienne, allait sortir de la maison, rassurante parce qu'elle était toujours aussi grosse, les cheveux noirs tirés en chignon derrière la tête, et son tablier de toile dessinant la chute des seins sous la robe, Alors, il allait planter son broque dans le fumier, appuierait son coude dessus, et il la regarderait venir, fier d'elle qui était comme une reine dans le sentier, suivie du vieux chien aux yeux chassieux qui n'avait plus que le nez, tout le reste de son corps étant passé de l'autre côté de la vie. Il allait le tuer un jour prochain (l'attacher à ce piquet près du tas de fumier, lui tirer une balle dans la tête). Les enfants ne voudraient pas qu'il aille le noyer dans la Boisbouscache. Aussi viendraient-ils le lui enlever et le tireraient-ils par les pattes jusque dans le potager devant la maison et là, ils le feraient tenir debout dans la neige. Le chien gèlerait, ce serait ce Sphinx mutilé qui monterait la garde tout l'hiver devant la porte.» (Victor Lévy-Beaulieu, Les grands-pères, page 65 et 66)
Il va falloir, un jour, s'assumer. Nous sommes un peuple ignare, malfaisant et malhonnête. Les quelques bulles d'oxygène qui parviennent à la surface ressemblent à du méthane s'échappant de la vase nauséabonde de détritus pourrissant dans notre bacul social. Les scandales qui émergent de nos dirigeants et des princes de l'industrie nous font jouir comme ces frères d'armes qui ont mieux réussi. Le parrain meurt; vite, à la nouvelle, journaliste faisant la queue aux premières loges des badauds de tous âges savourant goulument la procession funéraire: 1789 n'aurait pas fait mieux!

Taux de décrochage record. Taux de diplomation anémique. Analphabétisme fonctionnel effarant. À cette guirlande, nous ajoutons le dévoilement épidémique, pandémique, des corruptions à tous les niveaux. Jusqu'à la grande dame qui défie Orgon, on aura tout vu. On croirait les précieuses ridicules se gaussant devant les fourberies de Scapin. Juste derrière eux, les malades imaginaires remplissent les premières pages et leurs blogues plogues pour nourrir les dévots. Bravo Rémi Girard! Va travailler à Toronto. Sors de cette galère poissante condamnée à naviguer en circumvolution dans une mer de sargasse sirupeuse.

Tiens, je devrais mettre Beaulieu au programme cet hiver et démontrer à mes étudiants jusqu'à quel point ce québécois a vu clair dans le jeu de son peuple: aimer la crasse et la chérir; lui offrir les plus joyautés coffres d'ébène; mais conserver tout ce patrimoine de bécosses à proximité pour faire les manchettes de temps à autre.

Un peuple qui ne lit pas cultive l'ignorance et la dépendance. Un peuple qui refuse de se lire se cache et s'illusionne.
 

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