22 novembre 2010

Panne sèche



Ce matin en me rasant, j'écoutais, sur Canal Académie, un reportage sur les produits nocifs pour la santé et dont les travailleurs souffrirent et, dans certains cas encore, souffrent toujours : l'amiante venait en tête de liste. Elle occupait cette position non pas parce qu'elle était la pire; certains contaminants sont encore plus agressifs; non, elle trônait parce qu'elle était toujours en utilisation et qu'on en poursuivait l'exploitation. Assez pitoyable! Mais il semble bien que l'opposition contre d'autres types de pollution passés, présents ou futurs soit beaucoup plus importante. Les seules fois que les médias osent s'aventurer dans le secteur, c'est quand l'Inde rugit ou que les mineurs chinois s'asphyxient en quantité industrielle. De fil en aiguille, je me suis rappelé la nationalisation québécoise de l'amiante signée sous Monsieur Lévesque. Je laisse la parole à Yves Bélanger :

«Depuis les années 1960, les relations entre le secteur privé et le secteur public ont beaucoup changé. Rétrospectivement, on peut dire que le privé a assumé le leadership dans ces relations à deux reprises, soit pendant la première moitié des années 1960 et entre 1985 et 1994. Pendant ces deux périodes, la machine gouvernementale s’est pour l’essentiel cantonnée dans un rôle de soutien et, à une exception majeure, soit la nationalisation de l’hydroélectricité en 1962, les initiatives de conception purement gouvernementales se sont faites rares. Il faut bien reconnaître que le bilan qu’il convient de tirer de ces deux phases du développement entrepreneurial n’est pas très reluisant avec son cortège d’erreurs et un manque de vision qui se sont avérés coûteux pour le contribuable.» (Yves Bélanger, Conclusion de Québec Inc., à la croisée des chemins, Montréal, Hurtubise/HMH, 1998)
Dans ce dossier, qu'on le regarde de la façon dont on le voudra, le Québec s'est empêtré joyeusement. Les vendeurs se sont remplis les poches juste avant la dégringolade folle de cette industrie. C'est là un exemple de ce que le gouvernement fait quand il se mêle de faire des affaires : des dégâts.

Depuis les années soixante, les interventions n'ont pas été toutes négatives; loin de là! Mais comme le mentionne Québec Inc dans son numéro de novembre, le soutien gouvernemental n'a pas modifié l'esprit entrepreneurial des Québécois. Contrairement à l'Ontarien, il se contente d'une entreprise qui lui procure une vie confortable; sa vision est différente; il ne désire pas faire grossir sa PME pour lui donner des allures de grandes entreprises. Il se bute à des craintes de ne pas pouvoir gérer seul cette machine plus importante et il ne veut pas déléguer non plus pour que des personnes de confiance prennent la relève. Il n'est pas encore un joueur d'équipe. Ce n'est pas qu'il manque d'ambition; il se satisfait de son succès un peu plus rapidement que les autres entrepreneurs canadiens. D'ailleurs, dans les années qui suivront, le Québec sera en perte d'entrepreneur. Un grand nombre des entrepreneurs, encouragés par le soutien de l'État dans les années 70-80 vont bientôt prendre leur retraite et ils ne semblent pas qu'ils aient préparé leur entreprise pour leur retraite; elle sera tout bonnement fermée ou vendue et le risque que le contrôle passe à l'extérieur de la province est fort, car l'offre risque d'être supérieure si elle vient de l'extérieur.

Dans les manchettes, nous retrouvons aujourd'hui, outre les rebuffades des gaz schistes et des éoliennes et de la rénovation de la Centrale nucléaire et du développement de barrages d'Hydro dans le Nord et le développement du Parc Orford et l'exploitation d'uranium dans le bas du fleuve et l'exploitation immobilière de la plaine du Saint-Laurent et des pentes du Mont-Royal et l'exploitation pétrolière du golfe du Saint-Laurent et les craintes de l'exploitation aurifères en Abitibi et le massacre de la forêt boréale sans oublier l'agriculture transgénique, les porcheries et les odeurs nauséabondes qui envahissent les nouveaux quartiers résidentiels, un peu coincés. Il faut faire preuve de beaucoup d'imagination pour créer de la richesse.

«Le Conseil attribue une lettre, de A à D, pour chaque indicateur et une note globale (le Québec obtient un C). " Ce bulletin est un radar afin que les acteurs de la société puissent déterminer la route à suivre pour créer de la richesse ", dit Yves-Thomas Dorval, président du CPQ.
Québec, patrie des patenteux ? Paradis de la PME ? Champion de la création d'entreprises. " Paroles, paroles, paroles ", comme chantait Dalida. La vérité, c'est qu'il se crée moins d'entreprises au Québec qu'ailleurs au Canada, selon Statistique Canada. Le CPQ colle un D au Québec pour la faiblesse de son intensité entrepreneuriale. " Les efforts pour le développement de l'entrepreneuriat doivent être redoublés ", recommande le CPQ. Rappelons que la Fondation de l'entrepreneurship produit depuis 2009 un indice entrepreneurial québécois. Son constat : deux fois moins de Québécois envisagent de se lancer en affaires qu'ailleurs au Canada.» (Les Affaires, 28 août 2012)
À force de vouloir défendre l'environnement et de crier haut et fort contre tous ces suppôts de la malhonnêteté dès qu'ils passent se procurer une BMW ou une Porsche, les volontaires se font rares. Il faut bien avouer aussi que le gouvernement a rendu le chemin pour aider financièrement les projets tellement complexe qu'il rebute bon nombre de candidats. Deux remarques roulent dans le milieu : l'argent arrive comme un parapluie dans un ouragan; le troisième facteur le plus irritant dans la gestion de l'entreprise est le fardeau fiscal. Il vient sans doute en compétition avec la question : est-ce que je crée de la pollution?

(source: Fédération canadienne des entreprises indépendantes)

À la question «Quels sont les principaux défis liés à la gestion de votre entreprise ?»

Le fardeau réglementaire apparaît en première ligne des défis de gestion

Une claire majorité ont retenu les règlements gouvernementaux et les formalités administratives (55,2 % des répondants), devant la difficulté de trouver de nouveaux clients et des nouveaux marchés (52,4 % des répondants).

Graphique 19
Source : Sondage du Québec, FCEI, 2 sept.-30 oct. 2009, 1393 répondants


Règlements gouvernementaux et formalités administratives 55.1%

Trouver de nouveauxclients et marchés 52.4%

Tenir tête à la concurrence 42.2%

Traiter les problèmes liés à l’emploi 41.2%

Gérer les finances 35.9%

Développer les produits et les services de mon entreprise 34.2%

Respecter les obligations fiscales 33.0%

Gérer les technologies 14.7%

Autre 4.6%


Monsieur Dubuc écrit sur la Culture du refus aujourd'hui sur cyberpresse.
«Mais il y a quelque chose de plus profond, qu'on a souvent vu à l'oeuvre: une résistance au développement, une méfiance du secteur privé, une opposition sourde à la dynamique de la création de la richesse, des traits culturels qui contribuent à expliquer nos retards économiques.»
Il est parfois difficile d'être en accord avec cet éditorialiste et nous connaissons très bien son côté de piscine. Toutefois, force est d'admettre qu'il marque un bon point ici.

Il faudrait sans doute commencer à aller de l'avant avec certains projets autres que de signer des pétitions en s'imaginant que cela va changer un iota à la réalité ou participer à des commissions d'études ou parlementaires qui ne servent qu'à graisser, encore une fois, des dindes déjà bien grasses ou permettre à certains coqs de village de s'égosiller un peu dans la basse-cour.

Au regard du dossier de l'amiante, du déclin de l'entrepreneurship, du chiâlage collectif et des multiples évaluation gouvernementales, le Québec n'est-il pas plutôt arrivé à un point de démarrage de la machine plutôt qu'à un point de nettoyage? Ou, si vous croirez encore aux miracles, à ces deux points...


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