10 septembre 2008

Simplement déchiré!



Cher Gaëtan Bouchard,

Je ne lis pas toute ta production par manque de temps. Par contre, j'en lis assez de phrases et assez régulièrement pour la goûter et y retourner pour une deuxième bollée. Je n'ai pas encore contacté la listériose ou autres bibittes microscopiques. Bon signe! Je te réponds à partir de mon blogue pour susciter un peu d'action. Tu connais ça n'est-ce pas? Faut dire qu'après plusieurs mois de silence, pas évident pour les lecteurs s'il y en avait. Bémol... Mais, bon...

J'aime ton style. Toutefois, comme le dit mon titre, je suis déchiré. Ma chemise est toujours intacte; mon moral aussi : je ne perds pas de sommeil sur ton écriture. Mais voilà : je suis professeur de français! Comment veux-tu que je cautionne tes rabelaiseries? En fait, nous sortons à peine du chapitre du Moyen Âge mes étudiants et moi. Tous ces alchimiques méandres plus ou moins barbares que je scrute depuis des années me fascinent. Les Goths des quatre coins des Caucases et des steppes ont détruit l'Antiquité romaine et, bien sûr, buté contre la musulmane pour la fameuse et combien intéressée conquête de la tombe du Christ à Jérusalem. Ça fait penser à Bush en Iraq; ça maintient un calme relatif à la maison et de l'argent plein la forge. Mais on a dû attendre longtemps avant de retrouver un semblant de littérature! Des lustres, avant de foutre une baffe aux cléricaux liseurs de bréviaire morons qui tenaient le peuple dans l'ignorance et couchaient avec les potentats. Alors, si je suce la substantielle moelle, je ne veux pas gruger mon os. J'aime bien ma civilisation finalement. Gutenberg est mon héros; Gates, ma passerelle! Gaëtan! Le françoé de douze cents avait encore des mailles dans l'oesophage et Rabelais quelques poussières dans le collimateur.

Cette semaine, je commence à aborder la Renaissance avec sa boulimie de connaissances. Chaque session, je me fascine moi-même quand, devant mes étudiants, je procède à ma description, ce catalogue ahurissant, de ces quelques années où on a voulu prendre le raccourci du connu antique pour gambader gaiement vers des découvertes qui bouleversèrent notre civilisation. Allô Montaigne, un café? Avec Marot? Hé! À la bonne citerne!

Je te le reconfirme : j'aime ta parlure. Mais je ne peux l'endosser totalement. Je sais pertinemment que ta culture est vaste; que ton courage est à toute épreuve. Mais j'aime moins que ta langue cherche son originalité dans la forme plus que dans le mot. Je te choque : désolé. Remarque que je t'envie cette rage lexicale qui fait un peu penser à ces hordes de peuples nomades qui envahirent l'Empire romain pour la détruire, bien sûr, mais aussi pour nettoyer une société salie à un point de non-retour. Gaëtan le nettoyeur! ;-)

Porte ton message! Je lui souhaite longue vie!

Amicalement!

Pic

3 commentaires:

Gaétan Bouchard a dit...

Bonjour Pic,

Il y a plusieurs niveaux de langage dans une langue. Je parle aussi bien le français standard que le français dans toutes variantes régionales.

Pagnol n'aurait pas été Pagnol sans le marseillais.

Tremblay ne serait pas Tremblay sans le joual.

Et moi,je suis moé.

Gaétan

Anonyme a dit...

Plus les professeurs déchireront leur chemise, plus les étudiants auront de quoi se vêtir.

Suis d'accord avec frérot : quand on sait écrire, les fautes de goût n'existent plus. On ne reproche pas à un bon éléveur de nourrir des porcs et des boeufs.

Mais condamné à mourir sur une île déserte, si j'avais à choisir comme ultime témoignage de notre civilisation entre Salammbô et les lettres de Flaubert à Gautier ou à George Sand, je choisirais sans la moindre hésitation la correspondance de Gustave.

J'ai un faible pour la vie.

Ce n'est qu'un dé but, con ti nuons le dé bat... (On reprend, tous en choeur.)

Le frère de l'autre

Commentaires a dit...

Lors d'une visite à Varsovie - j'enseignais en Pologne, pas de mérite - j'ai eu la chance de visiter un p'tit musée "Chopin" où se trouvaient les lettres de George Sand au jeune génie. Des messages courts ou plus courts, jamais très longs. Pas besoin d'une grosse machine moléculaire pour reculer dans le temps. La groopie était bien chaude... et sa syntaxe... et son écriture... et son vocabulaire... ben oui on s'en contrefout. Comme dit King dans son "On writing": Faut pas faire parler Gus comme mademoiselle Chimène, sinon l'atmosphére prend l'bord.
Salut!