5 octobre 2010

Le premier ministre est mort, vive le roi!

Le Cardinal Richelieu désirait affirmer le pouvoir royal. Rapidement après son accession sur le trône de l'Église catholique française, il décida de former une instance qui permettrait à la royauté de consolider son contrôle sur le peuple. Il fonda l'Académie française, organisme voué au contrôle de la langue. Par ce geste, il s'assura de fixer la langue de Paris et de lui accorder la priorité sur tout le territoire français. Les régions devaient faire face à l'obligation de suivre la grammaire et le lexique de la Couronne. Le geste est percutant. À la veille de la prise du pouvoir par Louis XIV, tous les éléments sont en place pour l'absolutisme royal. Richelieu y aura goûté avant son départ.

L'unification linguistique est un phénomène intéressant. Au Canada, les Britanniques avaient très bien compris que leur nouvelle colonie serait mieux sécurisée si toute la population se servait d'une seule langue. Il est relativement curieux de constater qu'ils acceptèrent en fin de compte de permettre sa survivance accompagnée de leur intégrité physique, leurs biens, leur religion et leurs lois. Peut-être devons-nous au très grand respect qu'ils avaient du fait français cette curieuse décision : en effet, qu'un conquérant accorde au conquis tous les éléments pour contrer l'assimilation, il fallait bien une raison. Les conquis Français s'enrôleront d'ailleurs gaiement dans les forces britanniques pour défaire les révolutionnaires venant du Sud. Paradoxalement, les Britanniques ont conservé jusqu'à ce jour un grand respect non seulement pour la reine, mais aussi pour l'institution elle-même; de même, et je le mentionnais voilà quelques jours, les francophones souverainistes ont aussi gardé un fond royal. Tout comme les cousins de Grande-Bretagne, nous espérons encourager le centre-gauche sans jamais songer à dépasser le centre-droit dans nos pires cauchemars, mais qu'un symbole relativement inopérant au niveau du législatif demeure dans le décor? Pas de problème! Cela fait sans doute partie du dilemme du rouge et du noir, de la noblesse de sang et la noblesse de robe, d'une ascension sociale liée à la fois à sa monétarisation et à sa reconnaissance culturelle. Les votes au Canada sont sensibles à ces deux facteurs : que l'on parle de budget ou d'une quelconque dynamique culturelle qu'elle soit du Sud ou du Nord, de l'Est ou de l'Ouest, le vent va prendre dans les voiles.


Notre système bicaméral nous a modelés. Les fondements de notre démocratie reposent sur des traditions européennes; nos conflits sont restés des batailles de voisinage contrairement à la coupure essentielle que les patriotes de 1776 à Boston ont opérée. Rapidement, au Sud, l'argent a acheté du territoire; il s'est rempli d'antiroyalistes religieux, d'Irlandais qui crachaient sur le roi, de noirs féodaux, d'Allemands réformistes : un bouquet de têtes brûlées qui se tiraient à qui mieux mieux pendant que nous nous fusionnions le long d'une petite bande de terre cultivable en nous faisant balloter d'un roi à une reine à un premier ministre, jamais trop sûr de ce que l'avenir nous réservait. Les Américains ont commencé à voyager en Europe pour aller s'acheter de la culture en robe; nous vénérions nos cousins mutuels jusqu'à les prendre pour des sauveurs. Nous sommes encore attachés faute du courage nécessaire pour faire de notre territoire une appropriation intime.


En 1776, les Américains ont coupé les ponts; en 2010, nous creusons encore des tunnels sous l'Atlantique. Nous cherchons peut-être notre Richelieu; ou notre Washington. Toute une tasse de thé! Hail Victoria!

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