25 octobre 2010

Je me suis trouvé!




À ma grande surprise, je me suis trouvé, là, au milieu du trafic d'une place banale, dans le cahot habituel du trafic, des piétons jacassant et des cafés souriant. Je sortais de la bouche du métropolitain mon havresac sur le dos; je cherchais la rue de mon hôte: Soeur Rosalie. Je ne me suis pas reconnu tout de suite. Je me suis littéralement buté contre moi. Soudainement, la réflexion s'est évanouie: je m'étais jumelé.

J'avoue qu'au départ, tout semble différent. Ce double ne bouge pas nécessairement toujours au même rythme. Il veut aller à droite, continuer, lever la tête, rire, foncer ou céder le passage; il craint de rater le bus, l'autre s'en balance; il s'arrête devant une maison de chambre qu'il trouve plutôt originale, mais l'autre soupire de la perte de minutes précieuses perdues pour le prochain site... Rapidement, tout redevient calme, et on s'entend merveilleusement: deux dans un. Je l'ai aimé tout de suite... On ne s'était jamais rencontré; on se connaissait depuis toujours.

Paris n'est pas la France. Il est la référence, elle est l'enveloppe. La France que je connaissais suivait de paisibles cours d'eau dans des vallées bucoliques. Comme Troyat le décrit dans le premier tome Des semailles et des moissons, seul un accident de parcours projette ces villageois vers les entrailles de l'Histoire. L'arrière-pays, les arrière-pays, ma foi, sont trop intimement liés dans la fabrique du patrimoine pour encadre leurn propre passé Leur évolution baigne sagement ses cressons dans la source. Toutefois, comme son Amélie qui s'installe à la ville, tout bascule dans Paris. Les chocs de la population forcent l'édification de crans d'arrêt. Les mouvements massifs, sur le principes de plaques tectoniques, forcent le passé à s'accrocher. Les musées poussent; les galeries accumulent; les bâtiments, du moins leur face externe, sont protégés; on décoiffe les ruelles de briques cachées et on les prolonge. La ville millénaire chevauche ses résumés de civilisation comme autant de villages rasés dont on cherche à protéger l'essence. En effet, on sent bien que c'est au coeur de cette conservation que se trouve son âme. Notre vie n'a plus aucun sens si elle ne garde de référence que la vibration éphémère de quelques générations. Les racines sont beaucoup plus profondes; et combien plus essentielle! Et à ce besoin, laVille lumièree excelle.

En face à son étroitesse physique, elle conserve jalousement ses vestiges patrimoniaux. Ils sont objets, documents, lieux, personnages, quartier; même les fantômes jouent dans des drames sans âges. Cette métropole mondiale de la culture francophone qui assume depuis Richelieu le contrôle linguistique, politique et créatif de tous les parlants français de la Terre par ses lumières, est bicéphal : en père, elle demeure juge incontesté du destin; en mère, elle ne coupe jamais complètement le cordon ombilical. Des quatre coins de l'univers, c'est en effet encore d'elle que l'on demande un imprimatur, une décoration, une publication, une reconnaissance. C'est notre Mecque!

En refusant cette interprétation, nous sommes devant deux choix: nous acceptons que notre souche fondamentale soit issue directement du territoire et donc des populations indigènes originelles; ou nous devenons une population anecdotique d'à peine quelques centaines d'années, totalement orpheline en cultivant l'espoir que les centaines d'années continueront à s'additionner pour un jour espérer qu'elle soit contenue dans l'univers culturel mondial.

J'ai découvert mes parents biologiques! J'ai deux familles culturelles issues de deux univers diamétralement opposés: je signe l'armistice entre la nature et la civilisation.


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