3 septembre 2009

Faux jetons

Les feuilles du marronnier sèchent. Elles brunissent de dépit. Le chêne luit et brille et va et vient dans la brise, ne peut croire à sa chance. L'été fout le camp; l'automne arrive la nuit et conquiert le jour. Le jardinier, avec qui j'étudiais le comportement de nos plates-bandes, remarquait que certaines variétés de plantes reprenaient déjà le cycle du printemps avec des bourgeons neufs; les cannas d'ailleurs après avoir attendu le soleil et ne le trouvant qu'en début septembre exposent leurs fleurs à la merci des nuits fraîches : il faut les voir le matin arborer tristement un léger brun-tabac avant de reprendre quelques teintes rosées rouges en après-midi sous le soleil de plomb. À la fenêtre, les oiseaux s'empiffrent aux mangeoires ; écureuils et tamias se gorgent de grain entre deux voyages de cocottes de pins à leur nid. Rien n'y échappe après le brun le blanc.

«Sun and moon, sun and moon, time goes. In Mrs Smith's acres, crocuses break the crust Daffodils and narcissi unpack their trumpets. The reviving grass harbors violets, and the lawn is suddenly coarse with dandelions and broad-leaved weeds. Invisible rivulets running brokenly make the low land of the estate sing. The flowerbeds, bordered with bricks buried diagonally, are pierced by dull red spikes that will be pionies, and the earth itself, scumbled, stone-flecked, horny, raggedly patched with damp and dry, looks like the oldest and smells like the newest thing under Heaven. The shaggy golden suds of blooming forsythia glow through the smoke that fogs the garden while Rabbit burns rakings if crumpled stalks, perished grass, oak leaves shed in the sark privacy of winter, and rosebush prunings that cling together in infurating ankle-clawing clumps. These brush piles, ignited soon after he arrives, crusty-eyed and tasting coffee, in the midst of the webs of dew, are still damply smoldering when he leaves, making ghosts in the night behind him as his footsteps crunch on the spalls of the Smith driveway. All the way back to Brewer in the bus he smells the warm ashes.» (Updike, Rabbit run, page 117)

Rabbit doit gagner sa vie. Fuir la réalité comporte un prix. Il découvre la vieille veuve et son jardin. Il semble renaître sous les cendres du vieil automne parmi les chaleurs colorées du jeune printemps : fuir et sa récompense.

Le poète allemand Goethe dans son livre La Morphologie des plantes argue que toutes les plantes, incluant leurs fleurs, ne sont que des feuilles. C'est depuis peu aussi l'avis des généticiens botaniques qui ont découvert que la surprenante invasion des fleurs dans la nature alors qu'elles étaient, pratiquement, absentes durant plusieurs centaines de milliers d'années proviendrait de leur dédoublement cellulaire bisexuel.

Rabbit perd pied. Il sort de son terrier pour courir, mais revient rapidement : il a peur; il a besoin de chaleur. Il va faire des feux chez madame Smith; il brûle le vieux. Il couche avec Ruth; il veut revoir des couleurs. Il passe du simple au complexe. Il refuse la routine; il marche vers le printemps. Rabbit est la métonymie de l'évolution ou alors la synecdoque de sa société : Américaine d'après-guerre, simpliste et abrutissante. Updike en sort la fleur, mais c'est une fleur d'ortie. L'éclosion colle la réalité : c'est une fleur de macadam!


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