12 mars 2009

Au fil des ondes ~


J'aime bien ce caractère d'imprimerie : vague; bouche indécise; sourire évocateur. Ondulée. Très féminin. Très doux. Très accueillant. Plein d'indécision; ou encore de charme; ou de valse en tango.

Je me souviens d'un voyage à Montréal, la grande et belle! À l'époque, l'Ouest et Eaton apprenait le français; la petite Italie nous avait donné Fiori: définitivement UNE! J'y avais assisté à la pièce Ondine de Giraudoux au Rideau vert. 1972...

Le souvenir n'a plus rien à voir avec la réalité. Trente-sept ans plus tard... Les fauteuils en velours commercial avec des dossiers en violon et des sièges à ressort. La scène fume: légèreté; vide sauf un navire à la voile bleue; un couple qui se parle doucement en costume de conte de fées. Ils parlent doucement. J'entends une berceuse. Sa voix enchante; ses paroles bercent. Ondine et son chevalier comblent la noirceur qui enveloppe. Pas besoin d'entracte, surtout pas : il ne faut pas briser le rêve. Ondine de Giraudoux demeure en moi. Intéressant de réaliser aujourd'hui que je suis allé vers elle autant qu'elle s'est présentée à moi. N'est-ce pas là la richesse, l'importance, la NÉCESSITÉ de la culture, de la littérature. ~

Qui va vers la culture aujourd'hui? Une infime minorité. Qui croit encore à la gratuité de la culture aujourd'hui? La gratuité : le fait de profiter d'une oeuvre pour le simple plaisir de découvrir ou de se sentir humain : quelques-uns; rares. Ondine se noie. Elle parle à travers les obligations scolaires; celles sociales des voisins gonflables en complet trois-pièces; celles financières de se faire voir; celles morales de ce support factice qui amène les pharisiens et leur chaux.

Ondine, en 72, m'avait coûté un billet d'autobus pour Montréal et un billet pour le fauteuil. Personne n'achète plus de billet d'autobus; on ne peut plus prendre le train, on a fermé la gare; Je pilote mon auto: plus commode! Mais le rêve est brisé.

Dans mon enseignement, la littérature règne: son histoire, son contenu, sa valeur, sa profondeur; son humanité et sa gratuité. Mais rares sont ceux qui marchent avec moi. N'est-il pas plus facile de tromper Ondine; de lui conter romance, de la distraire de son essence en nommant bêtement ses attraits sans l'aimer pour ses méandres. Sans mon enseignement, je crèverais; sans la survie de l'espoir de capter un esprit ou de séduire un être, oui, je crèverais sûrement. Alors, année après année, je reviens au navire et prie Ondine de me renouveler sa confiance. Si elle en vient à s'imaginer que je m'éloigne d'elle, j'aurai perdu mon pari. Ainsi, à l'orée de la vie, l'euphémisme poli s'étiole sur l'hyperbole créatrice. Convaincre de la gratuité littéraire! Apprivoiser la culture! Vivre.

Et les Ondines d'on ne sait où... ~ #

Je retourne à ma culture! Je retourne lire...


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