16 février 2011

Merci Assouline pour ce parfait François Nourissier



Lire. Aimer lire. Fouiller partout et toujours à la recherche du texte: celui qui vibre dans la bouche, dans le coeur.

Ici et maintenant, certainement un très beau texte. Il devait l'aimer profondément ce Nourissier pour qu'il lui insuffle ces mots si tendres, si humains, si parfaits sur son blogue La République des livres. Merci Assouline!

16 février 2011



Pour saluer François Nourissier

De l’écrivain, du critique, de l’homme d’influence littéraire que fut François Nourissier, d’autres sauront dire les qualités qu’il faut lui reconnaître. Une manière très française dans la plus belle acception que l’on puisse conférer à l’expression. Un Français en ce sens que tout, dans la clarté de sa prose comme dans ses regrets, exprime d’une manière ou d’une autre la nostalgie d’une France qui s’éloigne. Un ton, un allant, un rythme secret, un mouvement de l’âme qui irriguait le moindre de ses textes tapé sur sa vieille machine Remington au ruban épuisé. Un écriture très classique qui ne semblait d’aucun temps car elle concentrait en elle ce que la passion musciale de la langue avait déposé de plus précis et de plus fin. Le souci de l’écriture l’habitait pareillement pour ses critiques (le plus souvent “pour”, mais incisives lorsqu’elles étaient “contre”), ses lettres que ses romans. Il était ses titres même : un Petit bourgeois (1964) devenu Maître de maison (1970) à la recherche d’Une vie parfaite (1952), préférant la compagnie des bêtes à celles hommes au point d’écrire une Lettre à mon chien (1975) avant de finir en Gardien des ruines (1992) dans la Maison mélancolie (2005) d’où il pouvait contempler le rayon de bibliothèque de son œuvre écrite avec application A défaut de génie (2000), son grand livre et la répitulation de toutes ses hontes et ses secrets.

Il s’était retiré il y a quelques années dans une clinique parisienne qui avait tout d’un Musée de l’Homme (1978) depuis que Parkinson & alli l’envahissaient. Comme nous avions avant l’habitude de déjeuner ensemble régulièrement, nous avons continué après mais sans déjeuner. Appelons cela une sorte d’amitié scellée par le vouvoiement. Cet endroit où attendre la mort, il y était visité de temps en temps puis de moins en moins au fur et à mesure que sa voix l’abandonnait jusqu’à n’être plus qu’une expression dans le regard, tout ce qui restait d’intact en lui. Au début, il frappait l’attention car il s’était défait de ce qui le dissimulait depuis toujours : barbe, lunettes, influence. Progressivement, la maigreur venant, de rares cheveux dressés à la diable, il faisait penser à Antonin Artaud à Rodez. Le parfait homme de Lettres se métamorphosait en homme nu selon Simenon. L’esprit était intact. Pas désespéré mais inespérant et inespéré. Les bergers allemands étaient devenus ses êtres vivants préférés. En entrant définitivement dans l’hiver de son corps, il disait son angoisse. La puissance muette du regard hurlait sa peur de la fin. Les livres ne lui étaient plus d’aucun secours. Il le prit pour un signe. François Nourissier se rendra vendredi à 14h au crématorium de Père-Lachaise en avant, calme et droit.

(Photo D.R.)



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