8 décembre 2010

Je t'écris...



Rien à ajouter ce soir que ce très beau texte du grand poète Miron. Je l'avais rencontré à l'époque à l'université où ses paroles ressemblaient tellement à ses mots. Je me souviens, nous étions une seizaine de jeunes fous qui se faisaient autant de mal que de bien. Je crois que nous formions un futur qui n'a jamais pris sa place comme elle devait. Nous étions une pomme grenade qui a germé sans jamais engendrer. Dans des sols dispersés, nous voguons toujours, je crois, dans la sphère que la vie a rafalé comme une congère sur un corps que nous n'avons jamais assumé... Je lis Agaguk. Pour lui, le Nord est le toit du monde et ses habitants les seuls hommes dignes de ce nom. Sommes-nous à ce point du Sud?



Je t'écris
I
Je t'écris pour te dire que je t'aime
que mon coeur qui voyage tous les jours
— le cœur parti dans la dernière neige
le coeur parti dans les yeux qui passent
le coeur parti dans les ciels d'hypnose —
revient le soir comme une bête atteinte
Qu'es-tu devenue toi comme hier
moi j'ai noir éclaté dans la tête
j'ai froid dans la main
j'ai l'ennui comme un disque rengaine
j'ai peur d'aller seul de disparaître demain
sans ta vague à mon corps
sans ta voix de mousse humide
c'est ma vie que j'ai mal et ton absence
Le temps saigne
quand donc aurai-je de tes nouvelles
je t'écris pour te dire que je t'aime
que tout finira dans tes bras amarré
que je t'attends dans la saison de nous deux
qu'un jour mon coeur s'est perdu dans sa peine
que sans toi il ne reviendra plus
II
Quand nous serons couchés côte à côte
dans la crevasse du temps limoneux
nous reviendrons de nuit parler dans les herbes
au moment que grandit le point d'aube
dans les yeux des bêtes découpées dans la brume
tandis que le printemps liseronne aux fenêtres
Pour ce rendez-vous de notre fin du monde
c'est avec toi que je veux chanter
sur le seuil des mémoires des morts d'aujourd'hui
eux qui respirent pour nous
les espaces oubliés
Gaston MIRON



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