18 juin 2010

Zola impérial

Je lis toujours Zola. Je poursuis les Rougon-Macquart jusque dans leurs retranchements. Très lentement... Ce sixième volume après deux ans, pas de lièvre du tout, mais de la tortue pur sang. Pourtant, cette progression me plaît. J'aime goûter calmement ces longs couloirs descriptifs. Zola joue avec notre patience; les quelques interrogations sur le déroulement maintiennent bien mal l'intérêt; il faut cultiver la curiosité de cette société de la fin du XIXe pour sourire à tous ces longs paragraphes de textes tassés.

« Son Excellence Eugène Rougon nous enveloppe de ce luxe impérial d'une France à cheval entre le royalisme et la république : 
D'ordinaire, il trouait piquant de faire causer le jeune député. Il savait par lui tout ce qui se passait aux Tuileries. Persuadé, ce soir-là, qu'on l'envoyait pour connaître son opinion sur le triomphe des candidatures officielles, il réussit, sans hasarder une seule phrase digne d'être répétée, à tirer de lui une foule de renseignements. Il commença par le complimenter de sa réélection. Puis, de son air bonhomme, il entretint la conversation par de simples hochements de tête. L'autre, charmé de tenir la parole, ne s'arrêta plus. La cour était dans la joie. L"empereur avait appris le résultat des élections à Plombières; on racontait qu'à la réception de la dépêche, il s'était assis, les jambes coupées par l'émotion. Cependant, une grosse inquiétude dominait toute cette victoire : Paris venait de voter en monstre d'ingratitude.
“Bah! on musellera Paris”, murmura Rougon, qui étouffa un nouveau bâillement... »
 Je ne bâille jamais à suivre Eugène Rougon. Il me fait trop penser aux politiciens actuels. L'empereur existe; le jeune député existe aussi; et Rougon? Mais oui, il est là aussi. Voilà l'extraordinaire puissance d'Émile Zola : la pérennité.



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