21 juin 2010

Les occasions

Les saisir. Les échapper. Les exploiter. Je vais aller vérifier mon dictionnaire des occurrences. Des tonnes attendent ces occasions. Le titre fait le lien avec le Festival Shakespeare & Co. Le célèbre festival littéraire anglophone sis à côté du parvis de Notre-Dame. Le titre me fait sourire : il provient d'une librairie fameuse et notoire pour la gent littéraire. George, le proprio, partage, semble-t-il, la même génétique que Monsieur Tranquille et sa librairie montréalaise. Les mots peuvent devenir terriblement impressionnants parfois.

« "Une utopie socialiste qui se fait passer pour une librairie"… Ainsi George Whitman décrit-il de manière à la fois sérieuse et amusée le labyrinthe de livres qu'est Shakespeare & Company. Fondée en 1951 et ouverte tous les jours de l'année, la librairie, mais aussi la bibliothèque au premier étage et l'appartement de George dans le même immeuble – tous remplis à ras bords de livres les plus divers –, sont le cadeau de ce bibliophile idéaliste et passionné à l'honnête homme cherchant un refuge où nourrir sa pensée. »
 Un peu ironique de baptiser ce lieu sacré du nom du dramaturge britannique qui fut peut-être un prête-nom, un peu comme l'est peut-être Molière. Ils étaient tous deux des capteurs d'occasions, des membres de compagnies.

« Les librairies, pour George, sont un acte politique. Que ce soit par la diversité des titres qu'elles diffusent, par leur soutien aux auteurs et aux petits éditeurs, ou encore par les communautés de lecteurs qu'elles font exister, les librairies indépendantes ont de par leur existence même une fonction de liant social. En France, contrairement aux pays anglo-saxons, la loi sur le prix unique du livre a permis aux librairies indépendantes de survivre et de se développer. Elles n'ont jamais été aussi nécessaires qu'aujourd'hui. Dans nos vies de plus en plus intensément façonnées par Internet, les réseaux sociaux virtuels et les nouvelles manières de lire, la librairie peut se vivre comme le lieu d'un engagement : un engagement pour la lenteur, une passion simple pour ce qui est enraciné, réel, palpable. »
 Bien dit! Shakespeare et Molière se chargèrent d'une vision sociale qui modifia celle de toute une civilisation. Leurs mots résonnaient dans les amphithéâtres comme autant de livres sur des rayons. Alors, la source des mots importe assez peu; dans la mesure où ce sont eux qui ont dirigé les voix, les ont proclamé aux citoyens. L'occasion était belle et ils l'ont saisie.

« Le thème de cette année est “Politique et Fiction”... Le terme 'politique' pourrait se définir simplement comme une suite de récits qui s'interpénètrent pour définir nos idées et nos croyances. Le remarquable dernier ouvrage de Philip Pullman, The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ, en offre une démonstration parfaite, en détachant l'histoire de Jésus de la façon dont elle a été contée – changée – par ceux qui, venant après lui, ont voulu utiliser cette histoire à leurs propres fins. Il montre comment un homme de paix est changé en icône de pouvoir : l'essence de la politique. »
 En refermant leurs textes dans des manifestations publiques, les dramaturges s'assurent d'une relative fidélité à leur verbe; Jésus et ses sermons n'avaient pas cette même assurance. Il demeure, toutefois, indéniable que les deux types de paroles gardent un impact certain sur leur société et toutes les autres suivantes.

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