20 juin 2010

Bafoué, exploité, génial

Qu'André Mathieu meurt dans l'oubli, que le film qu'on fait de sa vie subisse des commentaires désapprobateurs, n'affirme que la traditionnelle petitesse de cette petite population de petite nation.

L'insouciance des sociétés pour ses précurseurs est notoire. La populace n'aime pas trop les hors-normes. Ils parlent trop fort. Peu importe le sadisme subi de leur vivant, leur voix peut rendre sourd après leur mort. Surdité accompagnée de terrible remords.

Dans le cas de Mathieu, leurs rumeurs veulent que le père modulât la production de son fils grâce à des portions de cognac. Alcoolique dès un très jeune âge, le pianiste génial, hallucinait sa vie et son oeuvre. On ne l'appelait pas le Mozart canadien pour rien; ils connaissaient tous les deux les affres de l'ambition paternelle. Le génie rencontre souvent la torture et quand elle ne vient pas de l'extérieur, elle vient de l'intérieur.

Le présent calcule mal ses sauveurs. Il les guillotine avant et les reconnaît après. On pense réparer; on veut se corriger; on ne change jamais; on veut garder son présent à soi; on justifie la condamnation pour outrage à la conformité. Il n'y a que les monstres pour pleurer les monstres. La belle et la bête, ce n'est qu'un conte évidemment. Il faut bien admettre que la reconnaissance de quelque génie que ce soit pendant leur vivant n'est guère romantique; quelle tare! J'ai découvert l'uranium. J'ai illustré la relativité. J'ai inventé le moteur à explosion. J'ai écrit Les Planètes. Le catalogue des illustres rivalise avec l'annuaire téléphonique de Toronto : les blanches et les jaunes! Mais où est le romantisme? Où est leur alcoolisme toxicomane? Où est leur paranoïa schizophrénique? Où est leur bipolarité maniaco-dépressive? Où sont leurs vices? Nulle part! Ils rentrent le soir à la maison pour bouffer leur souper et jouer un peu avec les enfants avant de les mettre au lit... Et ne pas se coucher trop tard, car il faut retourner au laboratoire demain matin. Pas de Pathos! Que de la vie et de fascinantes découvertes, rarement, mais parfois justement, remarquées et récompensées par un Nobel.

Finalement, nous ne sommes pas si mauvais avec nos prophètes. Nous sommes juste romantiques : on aime bien pleurer un peu...

Aucun commentaire: