3 octobre 2008

Dernier droit

Un homme et son épouse marchent sur la plage des Îles de la Madeleine. Ils se rappellent leur voyage de camping voilà plusieurs années, avant les enfants et le traintrain de la vie professionnelle. Ils ne se tiennent pas la main, tout de même pas une publicité de Liberté 55, mais ils ont une belle connivence. Elle a le vent dans les cheveux. Doucement, ses rides, ses lèvres plus minces, ses cheveux plus empaillés se marient aux vagues. L'air salin plisse ses yeux; il s'imagine à l'aventure : premier matelot à débarquer sur l'île pour la posséder. La plage est longue et blonde, ponctuée de lichens et de rocaille sablée; des coquillages, tout fracassés, jonchent la ligne d'eau. Le ciel promène quelques nuages. Le soleil pointe à 45 degrés sur l'Atlantique.

— Bon déjeuner!

— Juste ce qu'il faut.

— T'as pensé à Natacha?

— Ouais! Un peu...

— J'espère que tout va.... s'arranger.

— À son âge! Faut l'espérer. Arrête... Reste ici....

— Pas facile de faire le vide.

— T'as vu la nageoire là-bas!

— Où?

— Là, à gauche.

— J'vois pas.

— Ben oui, là, juste là, suis mon doigt...

— Vraiment, je n'vois rien...

—...

— Robert! Robert...

Robert est muet. Sa bouche a cessé d'obéir. Il fronce les sourcils. Des mots dans sa bouche refoulent dans sa gorge. Il fronce les sourcils plusieurs fois devant Jocelyne qui se demande à quoi il joue.

— Robert.

Il continue. Puis, il secoue son bras gauche. Son bras droit. Il sent un peu d'engourdissement; c'est le froid. Non...

Robert tombe à la renverse. Pas de convulsion, pas de mouvement, pas de plainte.... Dans son cerveau, ça tourne à mille milles à l'heure. Je m'en vais. Communiquer avec l'extérieur à tout prix. Ne criez pas si fort. J'entends! Le vague... Bougez; donnez un signe. Pas pouvoir transmettre quoi que ce soit. La lumière est trop forte; peut pas fermer mes paupières. Le vent... je sens le vent. Ma peau est sensible. Je forme des mots; je crie en moi; je bouge de toutes mes forces. Regardez-moi quelqu'un!

Seul. Plus personne. Le silence sauf la mer qui bruisse et le vent qui cille. Pas un ACV, je n'ai pas mal à la tête; mon coeur bat normalement. Bon, je ne suis pas médecin, mais pas un ACV comme j'en ai entendu parler. Qu'est-ce que c'est cet arrêt total? Est-ce que j'ai uriné? Est-ce que mon pantalon est mouillé? Je crois toujours avoir ce contrôle. Mais, oui oui, mon pantalon est humide. Le sable! C'est le sable qui est trempé qui humecte mon pantalon. Ouf! Cette fonction-là, je ne veux pas la perdre. Le bruit des vagues a changé. Il est plus fort; le vent se lève et augmente le volume des vagues. Ma cheville est très froide. Je sens mon pied qui bouge. C'est moi qui actionne mon pied? Je pourrais bouger l'autre aussi alors! Non, seulement le droit. Bizarre. Ça continue. Mon pied droit vit. Mon mollet vit aussi.... Ah merde! C'est mouillé, c'est vraiment mouillé! C'est la foutue marée. Elle monte la vache. Et moi alors.... Hé! quelqu'un! Je crie sans m'entendre. Hé! Diane? Où es-tu?
(à suivre)

3 commentaires:

Anonyme a dit...

very nice :)

Anonyme a dit...

very nice :)

Commentaires a dit...

Quel coîncidence étrange de recevoir votre message Marcin.

J'ai enseigné à Legnica pendant une année au Nauczycielskie Kolegium Języków Obcych w Legnicy.
Cette année-là fut mémorable.

Merci de votre commentaire.

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