24 novembre 2011

HAha! de Réjean Ducharme

J'assistais mardi dernier à la pièce d'un fantôme : Réjean Ducharme.
Le TMN, plutôt madame Lorraine Pintal, casse les rythmes classiques des chaires dramatiques qui meublent les salles du Québec où, parfois, on se lance dans des spirales eunuques, parfois encore Arlequin et Colombine minaudent sur Ticketron; la plupart du temps, on y retrouve des comédiens et non des pièces. Mais Pintal et son équipe misèrent sur un Ducharme éclatant et ils nous propulsent dans un imaginaire tout-puissant. Vraiment!

Assis, encadré de mes voisins de fauteuil réguliers, je ferme mon iPhone; je plie doucement mon manteau; je frotte doucement mes mains en fixant, d'entrée de jeu, ce monologue de Roger affalé sur son fauteuil, gueulant quelques phrases d'une tonalité creuse et de sens incertain. Rapidement, tout excitée, arrive Sophie en latex rouge. La bête du verbe cogne la bête du sexe. Dès les premières secondes, les spectateurs sont déstabilisés. Dans le silence parfait de la salle, les monologues se succèdent. Dans un français grossier et châtié qui balance le pendule du meilleur au pire, complètement désarçonné par, parfois, des séquences d'un vocabulaire parfaitement classique; séquences rapidement renié par Sophie qui replace le peuple dans son univers plus confortable. C'est du Ducharme dans la folie et l'art de l'expérience lexicale, de la casse linguistique, de la valse entre le dictionnaire et le trottoir. Là, au TNM, quelque 40 ans auparavant, j'assistais aux Oranges sont vertes de Gauvreau. J'y revenais d'autant plus intimement que Roger ressemblait à s'y méprendre au Yvirnig de Gauvreau. Dans ma mémoire, Lebeau rejoignait Béland. Ducharme rejoignait Gauvreau. Mais Ducharme n'insiste pas sur la hargne antisociale au même point que Gauvreau; son texte est plus limpide aussi : malgré des répliques totalement débridées, l'ensemble demeure très abordable.

Long. 90 minutes, puis, après un peu d'air, 60 minutes. Cliché : la vague était d'une telle ampleur que la soirée est devenue un intermède. À la sortie, sur le trottoir, enfilant Sainte-Catherine et son quartier des Spectacles, je gardais la tête dans le vent. J'étais revenu en 72 avec la gang de Littérature québécoise et Beaubien dans un autobus jaune, fier et fou. En entrant dans le wagon du Métro, je me refaisais des scénarios imaginaires où chaque station devenait un épisode.

Vite! Allez vous réserver une place. Ce n'est pas le Cirque du Soleil avec ses milliards explosés. C'est du théâtre pauvre dans la ligne de pensée de Grotowski. C'est la vie!

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