18 novembre 2007

Napoléon: le goût de s'ancrer.

Quelle belle citation de Patrice Gueniffey sur la feuille d'Idée (http://www.laviedesidees.fr/-Essais-travaux-.html) au sujet du Napoléon que préparait monsieur François Furet :

La Révolution française « a eu, l’espace de quelques années, son Washington en Bonaparte. Dix ans après, c’était un roi… Dès qu’il devient héréditaire, son pouvoir renonce à son principe, et il inaugure un autre cours que celui de la Révolution, où le hasard de la guerre a repris tous ses droits : en voulant fixer son règne dans la loi des royautés, l’empereur lui enlève ce qui en a fait à la fois le charme et la nécessité ».

Vouloir changer en revenant sur nos cicatrices. Le peuple suit tout le monde. Il ne veut que vivre et s'amuser. Il veut à tout prix se déresponsabiliser de son futur. Il aime suivre et le fait allègrement.

La Corse allait servir à la France une leçon magistrale : le petit Napoleone Bonaparte d’Ajaccio débarque et commence son périple. Quelques brèves années plus tard, à la pointe de son ambition et de son brio, l'armée est à ses pieds... les Français dans ses bottes : Vive l'empereur!


La France, comme le gruau, mais je devrais dire Paris, se consomme chaude avec juste le bon nombre de grumeaux pour créer une marée à la fois visqueuse et consistante. Le règne de l'homme fut bref; le règne du fantôme dure encore... Comme le gruau dans nos artères qui continue à travailler, à gruger et racoler le cholestérol, le petit caporal trottine encore dans les coulisses. Je l'aime; je l'admire; qui ne voudrait pas devenir Voltaire, Pascal, La Bruyère, Beaumarchais... Mais Napoléon! Ultime. Nous sommes bien nés de cette cuisse volage et fière. Ici et maintenant, dans cette foutue Amérique où nous devons nous gausser de Saint-Laurent, de Jefferson, de Ford, de Mac Donald, de Lee, de Montcalm, de Woolfe, les héros sont de peccadille et les modèles de chiffon.

Mais bon, nos peuples fondateurs, nous les avons massacrés à la petite vérole, au mousquet et à la réserve: charme, traité, séduction et tromperie; génocides, parricides et infanticides; viols et beuveries. Une belle jambe, cela nous fait! La plupart des vrais héros parmi ces nouveaux Américains, dont nous sommes les descendants, avaient pourtant compris: ils vivaient avec ces premières nations; ils se mariaient avec des femmes de ces premières nations; ils demandaient l'avis à ces premières nations. La bonne société décida de cultiver l'ignorance, la crasse, la vile. Alors j'écoute encore régulièrement les Remarquables oubliés* que la première chaîne de Radio-Canada nous diffuse encore; je me rappelle, aussi constamment, de le garder bien précieusement ce héros de ma jeunesse; il tient compagnie à tous les autres que les médias de mon temps me présentaient soir après soir : Dollard des Ormaux, Radisson et des Groseillers, d'Iberville, Ti-Jean Carignan, Le Grand Duc, Ouragan... Tous des braves qui accompagnèrent mes premières heures de télévision à partir de 1957. Les autorités contemporaines, très provincialement, ont décidé de couler Radisson dans un trophée pour petits entrepreneurs pondeurs et décapiter Lavérendrye, dit les Rocheuses, dans une forêt enchantée à la couardise. Passe-partout.

Dans mon pignon, je garde mes souvenirs, regarde passer les navires et cherche encore à vibrer à un diapason crochi et rouillé. Hé! Napo! Plus on te triture, plus tu t'incrustes... Tu es mort d'un cancer; c'est une balle à Austerlizt qu'il t'aurait fallu!

Napoléon garda le pouvoir juste assez longtemps pour redonner à la France un peu de Lous XIV. Les médias lancent des Napoléon à la tête de Sarkozy? Qu'ils se comptent chanceux d'en avoir eu un et de l'avoir arrosé de temps en temps. Ici, et encore, dans cette foutue Amérique, le peuple, il attend encore le retour de Cartier.

*http://www.radio-canada.ca/radio/profondeur/RemarquablesOublies.html

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