5 décembre 2011

Assassin's Creed spa...

En fin de semaine, pas de stress.


Vendredi soir : Je prends la manette de mon PS3. Elle est couverte de poussière. Juste à côté, les deux baguettes à boules du MOVE sont encore chaudes de la sueur de mes deux filles qui opèrent ces machins comme de véritables engins à fission nucléaire. La pile est sans doute à plat. Je la frotte sur mon coton ouaté un peu comme la lampe du génie d'Aladin : vas-tu accepter de me donner du plaisir encore? Je m'assieds sur le fauteuil en regardant le grand écran, mort. Je cueille un papier-mouchoir et je complète mon nettoyage. Je me lève; je vais ramasser le boîtier du premier épisode; je l'ouvre; je libère le disque. Je démarre le système, glisse le disque dans la fente. Le beau bruit quand il s'enclenche. C'est un peu comme une porte qui se ferme, une porte qui se ferme sur la liberté et qui s'ouvre sur l'aventure de la dépendance, de l'accrochage.

Le jeu démarre l'introduction. Du déjà vu. Pourtant, alors que je retourne m'asseoir sur le fauteuil, je l'écoute attentivement, passivement, juste pour savoir si je me souviens bien de tous les détails. Le doc, son assistante, le labo, la chambre, la disposition d’instruments et du bureau. J'entre dans un univers connu : lui, couché sur le transmuteur d'ADN, c'est moi. Je suis revenu à la maison Doc; allez-y! Redémarrez la machine, je veux aller à Damascus. Je veux grimper les nids d'aigle et tours d'observation avec ces frissons de faire le mauvais geste et de tomber dans le vide vers la mort. À la fin de la mise en contexte, je ferme tout. J'ai hâte à demain.

Samedi matin : je liquide mes quelques missions familiales : vider les ordures; sortir la cage de l'oiseau mort; passer l'aspirateur; vider le lave-vaisselle. Enfin, je retourne au sous-sol et démarre le jeu. Je guide Altaïr dans les méandres du Moyen-Orient médiéval. Il est meilleur que lorsque je l'ai quitté la dernière. Il est plus calme, plus sûr de lui. Mais non, je ne suis pas en délire postubisoftique; je sais bien que c'est moi qui me sens plus cool. C'est une décision que j'ai prise quand j'ai décidé de rembarquer dans la quête. On y va pour le blues; on y va mollo pour jouir d'un peu de bon temps. D'ailleurs, en ce lundi matin, j'ai croisé un collègue qui me racontait qu'il avait lui aussi sorti des boules à mites un jeu avec lequel il s'amusait beaucoup; un jeu ayant comme canevas de base la Deuxième Guerre mondiale.

— Je pilote mon avion doucement sans heurt; je remplis ma mission; je reviens, j'atterris; je saute dans mon char d'assaut et va détruire quelques avant postes ennemis et puis j'appelle mes marines pour un débarquement. Il n'y en a plus de jeu comme ça; tout est trop vite aujourd'hui; trop sur les nerfs!

Je me promène donc doucement. Je trucide plusieurs soldats ennemis; je me promène à cheval dans la campagne en pointant vers tous les chemins et sentiers possibles. Je remarque le graphisme; l'expression des promeneurs et autres personnages qui deviennent mes compagnons d'aventure. Altaïr parle peu. Quand il le fait, c'est souvent pour se défendre devant Al Mualim qui n'a pas une très haute estime de son assassin en quête de reconnaissance. Est-ce que j'entends mon père??? Mais non... On avance ensemble. Je collectionne les drapeaux et les templiers. Je grimpe, deux fois plutôt qu'une, le long des tours; je reste en haut comme un bêta à regarder le paysage. Extraordinaire tout de même quand on y pense. Il y a du monde, de vrais individus en chair et en os, qui ont dessiné, enregistré, mis en ligne, corrigé et je ne sais quoi toutes ces séquences. Et elles collent toutes ensemble; les zooms ne sont pas artificiels, ils sont véritables. Bien sûr, que ne fait-on pas avec les logiciels d'aujourd'hui? Bon, écoute, moi, je ne pourrais même pas commencer à créer un personnage; on est loin de Jérusalem.

Je sens que l'après-midi est bien entamé. Les décorations de Noël avancent en haut. À côté, les filles et leurs amies jouent aux pichenottes. Je sais bien aussi que je devrais monter au bureau pour travailler à mes cours un peu. La culpabilité est bien faible. On va souper tantôt de toute façon; trop tard; il n'y a pas assez de temps pour que ça vaille la peine. Et puis, quelques petites missions supplémentaires vont être bonnes pour mon moral. Altaïr ne semble pas fatigué du tout. Pleine forme l'assassin!

— Pierre, il faut partir. Es-tu prêt?

— Oui!

Mais non, je ne suis pas prêt. Pas bouger depuis 10 h 30 ce matin. Des restes de morceaux de sandwich aux oeufs traînent sur la table depuis quelques heures. Tout le monde s'agite autour de moi. On part, on part, c'est l'heure... O.K. Je sauve une dernière citoyenne en tabassant sérieusement les quatre gardes armés qui la molestent : coup d'épée, empoigne au collet, projeté contre le mur, par terre, quelques coups supplémentaires sur le dos et au cou, le sang gicle, Arghhhh! Mort! L1 vers la fille en kirpan : merci merci, vous m'avez sauvé... Rien là. J'entrevois un drapeau sur le balcon à droite. Bon, je le prends et je quitte.

— Vite vite! Il faut y aller.

Je change ma chemise et mes jeans. Je mets mes bottes. Je sors attendre dans la voiture. Les filles me suivent de près. Ma conjointe sort quelques minutes plus tard. Allons dîner...

Dimanche matin : Je rentre les boyaux d'arrosage; il commence à geler; il ne faut pas qu'ils fendent. Je déambule dehors en ramassant les derniers vestiges de l'été. Je longe la piscine au tiers vide couverte d'un fin film de glace; je n’enverrais pas Altaïr là-dessus... Les platebandes sont à demi couvertes de neige; les monticules des mulots sautent aux yeux brun-noir. J'enlève le coussin d'une chaise de parterre; je la renverse pour joindre la haie avec le coin de la maison pour couper les rafales qui balaieront la neige. Je plie le coussin et le place dans la remise. Je regarde les voitures que je devrais laver... Non. Y a quelqu'un qui m'attend.

Je reprends le fil de l'aventure rapidement. Je passerai encore quatre ou cinq heures avec L'Assassin en gardant le même karma. Tout coule. La maison est relativement calme. Julie est à l'hôtel; Laurence et Emma sont immergées elles aussi dans leur activité : l'une avec des figurines médiévales émergeant d'un château à tourelles; l'autre, dans sa chambre avec ses amis imaginaires à faire et refaire des scénarios d'Animus bien à elle. Quel farniente! Le bonheur! Le travail est loin... C'est dimanche pour la première fois depuis des lunes.

Mon SPA s'appelle Assassin's Creed.

 

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