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31 janvier 2008

Mon ami Zola


Revoilà Zola dans ma vie. Pour le meilleur et pour le pire. Mes premières soirées avec le grand écrivain se déroulèrent dans l'autobus qui m'amenait et me ramenait régulièrement de Trois-Rivières à Saint-Jérôme où j'allais rejoindre ma jeune caissière. La Terre, Nana, l'Assomoir... page à page sous la lampe tubulaire, il m'accompagnait sur ce misérable trajet à travers un misérable paysage parmi une faune suante et nauséabonde.


"Mais, dans les grandes rues couvertes, la vie affluait. Le long des trottoirs, aux deux bords, des maraîchers étaient encore là, de petitscultivateurs, venus
des environs de Paris, étalant sur des paniersleur récolte de la veille au soir,
bottes de légumes, poignées defruits. Au milieu du va-et-vient incessant de la
foule, des voituresentraient sous les voûtes, en ralentissant le trot sonnant de
leurschevaux. Deux de ces voitures, laissées en travers, barraient la
rue.Florent, pour passer, dut s'appuyer contre un des sacs grisâtres,pareils à
des sacs de charbon, et dont l'énorme charge faisait plierles essieux; les sacs,
mouillés, avaient une odeur fraîche d'alguesmarines; un d'eux, crevé par un
bout, laissait couler un tas noir degrosses moules. À tous les pas, maintenant,
ils devaient s'arrêter. Lamarée arrivait, les camions se succédaient, charriant
les hautes cagesde bois pleines de bourriches, que les chemins de fer apportent
touteschargées de l'Océan. Et, pour se garer des camions de la marée de plusen
plus pressés et inquiétants, ils se jetaient sous les roues descamions du
beurre, des oeufs et des fromages, de grands chariotsjaunes, à quatre chevaux, à
lanternes de couleur; des forts enlevaientles caisses d'oeufs, les paniers de
fromages et de beurre, qu'ilsportaient dans le pavillon de la criée, où des
employés en casquetteécrivaient sur des calepins, à la lueur du gaz. Claude
était ravi dece tumulte; il s'oubliait à un effet de lumière, à un groupe
deblouses, au déchargement d'une voiture. Enfin, ils se dégagèrent.Comme ils
longeaient toujours la grande rue, ils marchèrent dans uneodeur exquise qui
traînait autour d'eux et semblait les suivre. Ilsétaient au milieu du marché des
fleurs coupées. Sur le carreau, àdroite et à gauche, des femmes assises avaient
devant elles descorbeilles carrées, pleines de bottes de roses, de violettes,
dedahlias, de marguerites. Les bottes s'assombrissaient, pareilles à destaches
de sang, pâlissaient doucement avec des gris argentés d'unegrande délicatesse.
Près d'une corbeille, une bougie allumée mettaitlà, sur tout le noir d'alentour,
une chanson aiguë de couleur, lespanachures vives des marguerites, le rouge
saignant des dahlias, lebleuissement des violettes, les chairs vivantes des
roses. Et rienn'était plus doux ni plus printanier que les tendresses de ce
parfumrencontrées sur un trottoir, au sortir des souffles âpres de la maréeet de
la senteur pestilentielle des beurres et des fromages."

Le Ventre de Paris, cette fois, qui digère l'histoire comme le dit si bien Guillemin qui signe l'édition Rencontre Lausanne.

Je ne devrais pas en cette session très chargée me laisser le luxe de cette lecture... Mais je ne peux pas vraiment résister. Retour en autobus...!

22 janvier 2008

Le théâtre populaire ou intellectuel?

Une texte intéressant sur le théâtre vient de paraître sur le site de la revue Idée: http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20080116_aristote.pdf

Cette critique du livre de Florence Dupont reprend une très vieille rengaine: celle qui raconte les nombreuses prises de bec entre les tenants du "porteur de message" et les artisans du "spectacle de divertissement".

Ce livre ne règle pas le dilemme, mais il apporte un éclairage nouveau. D'ailleurs, il faut regarder les nouveaux spectacles théâtraux, c'est du moins le nom qu'on leur donne, à New York, qui sont devenus des expériences multimédiatiques où les spectateurs demeurent debout durant tout le spectacle, pour calculer toute la pertinence de cette nouvelle entrée dans la dialectique de cette littérature qui n'a jamais pu nicher définitivement ni chez le populiste ni chez l'intello.

27 novembre 2007

L'incompréhension médiatique


Nous publions ici un commentaire de madame Monique Dagnaud à partir du site de La vie des Idées . Cette critique du livre de Jean-Marie Charon touche au coeur même d'une dynamique médiatique contemporaine à l'intérieur de laquelle le consommateur, même s'il lit le plus grand nombre de publications, joue continuellement au jongleur ne sachant plus trop à quelle vérité se fier. Bonne lecture!


Les journalistes et leur public : malentendu ou paranoïa croisée ?
par Monique Dagnaud [27-11-2007]

Domaine : Culture & médias

mots-clés : media



Les médias sont régulièrement accablés de reproches par leur public. Des reproches fondés parfois – et, dans ce cas, la question est celle de leur régulation. Mais aussi des reproches excessifs qui appellent un autre effort d’interprétation.


Recensé :
Jean-Marie Charon, Les journalistes et leur public : le grand malentendu, Vuibert, 2007.


Qui nierait l’importance d’un tel sujet ? Jean-Marie Charon, dans son dernier ouvrage, explore les relations qui lient les journalistes à leur public : une facette essentielle de l’espace public contemporain, profondément emblématique de la société de défiance dans laquelle nous baignons. Quiconque a participé à l’un des nombreux débats organisés sur la question des médias connaît la violence émotionnelle qui soulève tout public (populaire, cultivé, jeune et vieux, etc.) contre le système d’information. Cette exaspération est parfaitement identifiée par une série de sondages qui, depuis 1987, visent à saisir la confiance accordée à ceux qui fabriquent l’information. Autant l’annoncer d’emblée : elle est faible et n’a cessé de se dégrader. Les journalistes sont incriminés de nombreux maux. De se polariser sur des sujets éloignés des préoccupations des gens. De fouiller dans la vie privée au risque de porter préjudice aux personnes. De fabriquer de l’à-peu-près sans prendre le temps de la vérification. D’embrouiller faits et commentaires. De proposer une hiérarchie de l’information sans lien raisonnable avec l’importance des sujets, par exemple en lançant les faits divers comme produits d’appel. Surtout, ils sont suspectés d’être sous l’influence des politiques, et encore bien davantage, notamment dans la période récente, sous la domination de groupes financiers.

Jean-Marie Charon décrypte d’une plume sereine les reproches adressés par le public aux médias et tente de dessiner, en se portant du côté des journalistes et de la fabrication de l’information, les raisons de ce désamour.

Le cœur du malentendu réside, selon lui, dans les attentes déçues du public. Ce dernier souhaite une information fiable et de qualité, une information « zéro défaut » : « Pour le public, en tout cas sans doute une part de plus en plus significative de celui-ci, les médias et les journalistes sont censés produire des connaissances ». Or les journalistes plaident que leurs conditions de travail (urgence, moyens matériels, surenchère concurrentielle) limitent fortement une telle ambition. De plus, les exigences du public « oublient » le caractère par essence inachevé et aléatoire de l’information à chaud : « L’information, lorsqu’il s’agit d’actualité, constitue par définition, une saisie, à un moment donné, d’une situation, qui a bien souvent fait irruption soudainement, sans que l’on en saisisse toujours le sens profond et encore moins l’évolution possible. (…). Autrement dit, l’information est une matière fragile, évolutive souvent relative… par nature ».

Certes, les idées lancées pour améliorer le niveau de l’information ne manquent pas. Dans le sillage d’une résolution relative à l’éthique des journalistes adoptée en 1993 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (en 1995), puis le Conseil économique et social (en 1999), ont multiplié les recommandations. La première, sans surprise, vise à garantir un niveau élevé de formation des journalistes – la création de l’école de journalisme de Sciences Po s’appuiera sur cet argument. La seconde propose l’établissement d’un code de déontologie qui définirait les bonnes pratiques – de fait, la profession est encadrée depuis longtemps par des chartes, en particulier la Charte de Munich, mais aussi par une noria de textes adoptés par les rédactions ou les entreprises de presse.

La proposition en faveur de la création d’un Conseil de la presse, instance de contrôle qui pourrait dénoncer, voire sanctionner les manquements, est régulièrement avancée. Mais elle est rejetée par la profession, en raison du poids de l’histoire. Soumis pendant des siècles à la tentation liberticide d’un pouvoir centralisé, les journalistes redoublent de méfiance, et toute intrusion d’un régulateur extérieur leur paraît d’emblée suspecte. Aussi l’autorégulation, le règlement, au sein de la profession et par la profession, de ses insuffisances et turpitudes, recueillent nettement leur préférence. Un point sur lequel l’auteur du livre, à l’évidence, les approuve. Le salut semble résider alors dans le renforcement des chartes d’entreprise ou la nomination de médiateurs.

Cette dynamique d’autorégulation touche néanmoins rapidement ses limites. « Le respect des chartes comme leur adaptation aux situations concrètes n’ont pas été discutés, ni fait l’objet de bilan », affirme Jean-Marie Charon. Les principes édictés opèrent davantage comme une boussole pour l’action que comme des instruments capables d’efficacité pour traiter des cas précis, prévenir ou sanctionner des manquements. Cet encadrement éthique « mou » favorise le sentiment d’impunité, que conforte encore plus l’omerta des confrères lorsque survient une dérive. L’absence de sanction ou de réaction forte est en elle-même un encouragement à la désinvolture ou à l’irresponsabilité : « Comment peut s’interpréter pour chaque journaliste qu’au-delà de commentaires privés, aucune condamnation formelle, n’ait jamais été formulée par une organisation professionnelle, à propos de dérapages graves et avérées ? »La même critique est adressée aux directions des entreprises de presse, muettes elles aussi la plupart du temps sur les dérapages de l’information.

Le chapitre sur la responsabilité des journalistes brosse un tableau somme toute impitoyable. L’auteur évoque un univers porté au « cynisme et au fatalisme ». On y découvre un milieu qui entretient sa propre impéritie en renvoyant ses insuffisances « aux structures, à la technique, aux logiques organisationnelles ou économiques ». On s’étonne du peu de rigueur qui l’anime : lors d’une enquête auprès des journalistes économiques et financiers, 52,4 % disent ne pas croiser leurs sources, 40,8 % ne pas toujours vérifier un chiffre, 46,8 % « ne pas savoir lire les comptes d’une entreprise », etc. Et on saisit toutes les facettes d’un comportement que l’auteur, pertinemment, nomme ainsi : « un déni de responsabilité ».

Visiblement peu convaincu de l’efficacité d’une régulation juridique, Jean-Marie Charon en appelle à un sursaut moral (pour une conception « morale » de la responsabilité), en raison des devoirs de cette profession envers autrui. Mais le rôle crucial joué par l’information dans la vie démocratique suppose d’aller plus loin. Il requiert d’engager des actions en association avec le milieu journalistique : « La prise en compte de l’intérêt général exige donc l’existence d’une réflexion éthique, individuelle et collective durant toute l’activité professionnelle. Cela appelle une formation et une préparation nourries d’études de cas par exemple, de l’approche de situations, circonstances, événements diversifiées ». Cet appel à un ressaisissement collectif fondé sur de la formation permanente, loin de rester lettre morte, a fait l’objet d’une initiative de la part de l’auteur. Jean-Marie Charon anime en effet depuis de nombreuses années Les Entretiens de l’information : confrontations entre journalistes sur des études de cas, précisément. Evidemment, la solution préconisée pour résoudre le Grand Malentendu entre public et journalistes se révèle, au terme du livre, une plaidoirie pro domo... Mais on doit saluer un chercheur qui, loin de se cantonner à la critique sociale, a proposé et mis en œuvre concrètement un traitement aux maux qu’il dépeint.

On peut, néanmoins éprouver quelque déception sur la conclusion. En effet, scepticisme juridique aidant, et armé d’une foi de charbonnier dans l’autorégulation de la profession, l’auteur émet des recommandations qui peuvent paraître dérisoires à l’aune de la gravité des déficiences invoquées. Peut-être une exploration approfondie de la complexité du droit qui encadre l’information, notamment la tension entre le principe de la liberté de communication, et les multiples autres principes qui le contrebalancent (diffamation, droit à la vie privée, protection de l’enfance, etc.), et donc de sa difficulté à être mis en œuvre, aurait été utile pour étayer la préférence affichée en faveur de l’autorégulation. La pratique du droit dans le traitement de l’information constitue le thème central d’un des ouvrages de Jean-Marie Charon (Un secret si bien volé : la loi, le juge et le journaliste, Le Seuil, 2000), ce qui explique sans doute qu’il en ait fait l’économie ici.

Ce livre aiguise la faim d’en savoir plus sur un autre sujet qu’il aborde peu : le public. Les causes du malentendu ne mettent-elles pas aussi le public sur la sellette ? Quid du comportement de ce dernier ? Quid de son étranglement d’indignation dès qu’il s’agit de parler de média ? Cette bruyante insatisfaction à l’égard du système d’information a quelque chose d’énigmatique tant elle paraît extrême, et son mystère s’accroît lorsque l’on s’aperçoit qu’elle est partagée et alimentée par beaucoup de journalistes. Cette virulence a toujours existé, mais cette démonstration de colère paraît extravagante si l’on considère qu’elle s’accroît, alors que les supports d’information n’ont cessé de se multiplier et de se diversifier au cours des dix dernières années. En matière d’information, en effet, l’homme contemporain vit sous le règne de l’abondance : les réseaux numériques font circuler les contenus les plus hétérogènes, de la qualité la plus haute, à la futilité la plus vaporeuse, du plus intello au plus pratique, les opinions les plus variées trouvant un répondant médiatique pour qui sait se repérer dans les sites et les organes de presse. Comment expliquer cette radicalité dans la défiance à l’égard des médias ? Pourquoi cette exacerbation vise-t-elle sans distinction l’ensemble des médias, alors que les critiques pourraient surtout s’appliquer au média dominant, la télévision ?

Certes, pour une partie de la population, la révolution numérique est passée presque inaperçue. Et peut-être perdure, comme un parfum qui n’arrive pas à s’évaporer, une posture critique qui pouvait s’appliquer à la télévision publique de monopole, sorte de voix officielle encadrée par le politique. Certes, il existe une doxa qui, depuis leur apparition, présente les médias audiovisuels comme des instruments d’aliénation et de manipulation. On doit pourtant chercher ailleurs les raisons de démonstrations aussi passionnées. La violence verbale contre le système d’information semble désigner autre chose qu’une appréciation désolée sur « la qualité » des contenus – si tel était le cas, France-Culture et Arte occuperaient le sommet des classements de Médiamétrie.

Cette émotion sans réel fondement évoque plutôt un processus de type bouc-émissaire. Les médias, pris comme une entité générique abstraite, seraient l’objet sur lequel s’exorcise la gamme immense des colères ou insatisfactions collectives. Ils constitueraient un objet transactionnel de la pensée. D’autant plus qu’ils offrent aux individus une expérience singulière, épreuve mentale inédite dans l’histoire des sociétés, une confrontation permanente au spectacle du monde dans lequel ils vivent.

Cette confrontation incite le spectateur à s’évaluer par rapport aux autres, se comparer, imaginer des biographies alternatives. Elle l’oblige à prendre position sur des thèmes ou des situations à propos desquels il est souvent largement impuissant. Vivre au rythme de l’écosystème médiatique comporte une dimension violente pour le psychisme, et la fréquentation d’un média d’images inspire facilement un ressentiment intérieur. Contre quoi ? Contre soi – on regarde souvent « malgré soi » : pour combler le temps, parce que votre entourage vous y incite, parce que l’écran allumé vous ramène vers lui en dépit de votre effort pour y échapper ? Contre l’image de la société promue, découpée, réorganisée par le média ? Contre ce flot des opinions et des paroles qui se déversent selon un principe d’équivalence en vous clouant comme seul juge ? Il y a dans la relation aux médias quelque chose qui concerne le rapport de soi à soi... et qui pourrait fournir le levain à l’exaspération ingénue que l’on repère dans tous les débats publics sur les journalistes.

La recherche sur les médias a fait l’impasse sur cette dimension. Depuis cinquante ans, dans le sillage des cultural studies, elle s’est employée à analyser les pratiques du spectateur actif, à démontrer que « la réception est une production de sens ». Mais aucune recherche n’a jamais tenté de sonder la passion funeste, la critique exaltée, qui s’emparent des individus lorsqu’ils sont conviés à une expression publique sur le sujet « médias ». Entre les journalistes et leur public, on trouverait peut-être des sentiments plus complexes qu’un malentendu : une paranoïa croisée.


par Monique Dagnaud [27-11-2007]

25 novembre 2007

Beowulf


Versification, 1967, Séminaire St-Joseph: l'année de l'expo; préhistoire de l'éducation où on apprenait encore quelque chose; The Norton Anthology of English Literature. Monsieur Tilkin, belge, ex-pilote de chasse, nous trace de grands traits en travers de la mystérieuse histoire de la Grande Île du Nord, brumeuse, venteuse, balayée d'esprits maléfiques et d'elfes. Beowulf!

En lisant cet essai, 'Beowulf' Movie Magic Can't Conjure The Poem's Bare-Bones Enchantment
par Blake Gopnik du Washington Post, jeudi le 22 novembre dernier, les murs austères flanqués des immenses cadres des célébrités de mon Séminaire ressurgirent à mes yeux. Mon nez retrouva le léger bouquet de moisissure et d'encens. J'entendais à nouveau mes savates claquées sur les larges tuiles usées et les échos me raconter leur mouvance.

Beowulf, to be a wolfe! Crier au loup! Dans le silence... d'un monastère:


"The great hero Beowulf, wrestling with the monster Grendel, split the sinews of
his foe and snapped his arm off at the shoulder. Going up against the monster's
mother, he slammed her to the earth, then sliced her neck through with a sword."

Arrghh! Roland dans toute sa gloire, qui m'avait intrigué, et fait rire de ses exploits tout français, en Éléments Latins (Secondaire I), se côtelait avec cette bête comme le Comte de Montmirail, d'Appremont et de Papincourt (http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Visiteurs) contre Rambo. Ce héros de l'Angleterre médiévale et ses fantastiques aventures retèrent graver dans ma mémoire à jamais:

"Whereas watching the movie leaves us absolutely in the place and present where
we started out. It's just "Die Hard" in chain mail."

Bientôt, dans mon sous-sol, sur écran géant, je l'inviterai chez moi. Je retouverai mes 16 ans:

"My own first encounter with "Beowulf" came as a kid, in a surprisingly uncleaned-up version from "The Golden Treasury of Myths and Legends." I still think the spare modernism of the book's images, hand-drawn by the great American illustrators Alice and Martin Provensen, comes closer to capturing the intensity of the ancient original than the $150 million movie's industrial light and magic ever does."

12 novembre 2007

Les trois mousquetaires... avec ou sans d'Artagnan!



Legnica, Pologne. Début mai: soleil jaune et arbres verts tendres. Les soirées sont encore juste assez fraîches pour demander un cardigan. Dans la cour du château Piast où le collège est installé, nous pénétrons à la brunante pour s'installer sur des estrades de fortune. Nous assisterons dans les prochaines minutes à une représentation de la pièce de théâtre "Les trois mousquetaires"; une adaptation française du célèbre roman d'Alexandre Dumas. Fermez les yeux et imaginez les tintements de la cloche du profond couloir d'entrée du château. Soudainement dans une folle cavalcade sur les pierres du porche, un carosse tout bardé d'arabesques et de feuillage d'or fracasse le silence et sonne la charge: le reine arrive pour le bal poursuivie par des mousquetaires qui désirent lui remettre son collier. Début tonitruant pour notre soirée théâtrale. Personne n'a encore parlé que nous sentons déjà la tension et l'indescriptible plaisir de participer à un spectacle de vie et de jeu.


Le jeu fut honnête; la langue parfois très accentuée; le maillage des effets sympathique, à l'image de ce cheval, qui, au beau milieu d'une scène pathétique, glissa sur la dalle et fit sursauter l'amante en robe d'époque et pouffer de rire les spectateurs; et encore quelques mésaventures scéniques comme la cape lancée pas Athos de la chambre de son amante qui plana jusque sur un spectateur... Quel pur plaisir dans cette cour intérieure médiévale, ce texte baroque sous une main romantique! De vrais personnages, de vrais chevaux, de vrais épées contre de la vraie pierre et les senteurs de tilleuls et de marronniers.


Le vrai par le faux. À la fin sans rideau, les spectateurs sont descendus des gradins; ils retournent à leur réalité. Cette réalité qui habite cette ville polonnaise encore stygmatisée par la retraite allemande, encore ruisselante de l'emprise russe. Cette folle équipée à l'intérieur du cadre médiéval appartenait au rêve. C'était un accomodement à la réalité. Pas un questionnement sur une situation, mais un simple intermède en écart avec le doute de son propre avenir. D'Artagnan le gascon avec son accent rural et son rustre cheval de somme avait une épée d'or dont le sens de la répartie a suffi pour sa mise à niveau.

Les mousquetaires ont accomodé la reine. Les polonnais m'ont accomodé. Eux-mêmes s'accomodaient de leur neuve solidarité. Les peuples du Tier Riche cherchent, aujourd'hui plus que jamais depuis la marche des nomades vers l'Empire romain, à organiser leur système d'assimiliation devant les hordes du Sud et de l'Est.

Bonne chance contre l'histoire. Appelez toujours votre d'Artagnan... qui sait dans quel accoutrement il vous arrivera!

2 novembre 2007

La politique de la quotidienneté

La Literary Review of Canada publie ce mois-ci une analyse du livre de Richard Poplak, Ja, No, Man: Growing Up White in Apartheid-Era South Africa, rédigé par David Dyzenhaus. La politique de l’ordinaire retrace la vie d’un Sud-Africain blanc et juif dans le tourbillon de la contestation de l’apartheid :

« His book clearly describes a life in what he calls “the miasmic fog that kept the country in darkness during the Apartheid years”: the fog of ideology that made it possible for white South Africans to avoid recognizing their brutal exploitation and oppression of the country’s black population.»

Il faut lire ce commentaire; il faut lire ce livre. Dans l’environnement canadien, un pays qui n’arrive pas à solutionner son morcellement national, coincé entre des nations étouffées – celles des amérindiens– fondatrices – ironiques de songer à une fondation émergeant de l’annihilation d’autres civilisations – , immigrantes – de plus prégnantes devant la faiblesse voire la non-existence de facto d’une identité claire – , les quotidiennetés de cette famille juive ressemble à s’y méprendre à une possible maisonnée de Hérouxville dit Code de vie québécois!

L’aveuglement est le même :

« The Poplaks were trying their best to lead an ordinary life, much as any middle class Canadian family tries to do, but this can obviously mean profoundly different things in different contexts. A Canadian-born friend of mine once spoke to me of his great “moral luck” at not having been born South African. He meant that living an ordinary life in a rather ordinary society like Canada is very different, morally speaking, from living that same life in a society where great injustice is so much part of daily life that it is possible to be oblivious, or on my argument, to make oneself oblivious to it. Another white South African friend who had many white close acquaintances deeply involved in the resistance to apartheid remarked to me in the 1980s that one of the things he hated about South Africa was that it made many people who were unsuited to politics of any sort feel compelled to take part in the dangerous politics of resistance. They were constitutionally suited to living ordinary lives. »

Pas aveugle pour blesser. Aveugle de bêtise. Être ordinaire est-il une vertu? Dans le magazine littéraire du mois d'octobre, Enrique Vila-Matas suggère « Une stupidité lucide : [une des attitudes à adopter] se fonde sur Érasme qui suggéra qu’en temps d’abrutissement général, l’homme sage doit feindre d’être idiot (comme le sot de son Éloge de la folie) et se montrer incapable de prendre position, conscient que c’est la meilleure façon de réussir dans le grand théâtre de l’Univers. » J’attends avec impatience les conclusions de messieurs Bouchard et Taylor de la Commission sur les accommodements raisonnables. Après les banales parfois très rustres souvent orchestrées salades de bettes à carde fanées et amers, le monde entier jasera de la sagesse des musulmans, des questionnements perspicaces de certains et de l’étroitesse d’esprit, j’aimerais dire naïve mais doit me contenter de niaise, de plusieurs.

« When my son jokingly sings “Oh Canada, our home’s on native land,” for example, the point is that Canada is a settler society, with a brutal history of “native” exploitation and segregation—indeed, a history that the white regimes of South Africa took as an example in establishing the Bantustans. And the fact that the live-in or live-out nanny comes not from the aboriginal communities of Canada but from the Philippines might make little moral difference. The rich countries of the north police their boundaries, even extend their boundaries into other countries, in order to ensure that only those migrant workers enter who are considered appropriately exploitable, much as the apartheid police in South Africa maintained the boundaries between the rich white enclaves and the areas set aside for blacks. »

Depuis la fin de l’apartheid, l’Afrique de Sud a changé. Les noirs ont droit de cité. Les blancs commencent à comprendre. Au Canada, les blancs sont toujours endormis et offusqués dès qu’une de ces fédérations, nations, ou communément nommée tribus ou gang de la réserve, pointe le nez sur une voie de chemin de fer, sur une route ou sur un pont. En cela, l’unité nationale canadienne est en sécurité : nous sommes tous pareils. Dès que quelqu’un de différent entre dans notre cour, nous pavoisons notre caucasienne blancheur judéo-chrétienne et réclamons la soumission.

Depuis la fin de l'apartheid, l'Afrique de Sud, n'a pas changé. Les traditions d'incestes, de violences et de faible scolarité sont tenaces. Chez nous, sous la pression toujours plus forte des communautés amérindiennes et immigrantes, nous réussirons peut-être un jour à atteindre une certaine maturité. Qui sait?

Poplak’s autobiography proves then to be a deeply political work: it shows that politics is situated unavoidably in the ordinary, and illustrates that the mechanics of political obliviousness do not reside entirely in a fog machine controlled by politicians. Rather, the mechanics involve countless daily, individual choices to maintain that fog, choices that will require more or less investment depending on one’s background. Political obliviousness is always resolute.

Vive la tranquillité!

Merci à l’auteur dont le nom apparaît ci-bas et à la revue pour les citations. Vous pouvez acheter l’édition de Literary Review of Canada ici .


The Politics of the Ordinary
Piercing the “fog” of apartheid ideology.

A review by David Dyzenhaus

Ja, No, Man: Growing Up White in Apartheid-Era South Africa
Richard Poplak
Penguin Canada
321 pages, softcoverISBN 9780143050445

1 novembre 2007

Les polémiques

J'ergote, tu t'obstines, il argue, nous boquons, vous débattez, ils s'enlisent.... La conjugaison du magazine littéraire de ce mois-ci.

D’entrée de jeu, Jean-Louis Hue signale dans l’avant-propos : « On jous reprochera peut-être de rapporter des chamailleries parfois dignes d’une cour de récréation. « Les polémistes me dégoûtent », disait Bernanos, se repentant des éreintements dont il accabla tant sse ses contemporains. La polémique, quand elle relève de la manie, esst vaine, voire dégradante. Mais elle sait être salutiare queand elle surgit avec à-propos pour aviver le débat, Elle s’apparente a;ors à une joute où il s’agir moins de terrasser l’adversaire que d’enrichir une réflexion commune. »

Je connais plein de philosophes, certains ont même un diplôme à l’appui de leurs longues arrangues. Ils sont habituellement fort gentils. J’en comprends certains, j’en écoute d’autres, mais je les respecte tous, car ils correspondent à cette recherche d’une vérité. Je préfère Chomsky; c’est un linguiste; je préfère le verbe au sillogisme. Mais comme j’aime bien me quereller et m’entendre parler, je joue le jeu à fond. « Une bouche qui se permet de parler ainsi ne mériterait-elle pas d’être fermée à cous de bâton plutôt que réduite au silence par une réfutation en règle? » (Bernard de Clairvaux au sujet d’Abélard, le premier professeur à forniquer officiellement avec sa pucelle d’élève). Quel verbe dans le phrase; quel tissage de sens qui miroite comme un prisme mille interprétations. La logique rejoint le mot.

Aujourd’hui, nous sussurons nos mots faute d’en utiliser, d’en connaître un nombre suffisant : « réduction des pratiques discursives aux traces textuelles; élison des événements qui s’y prduisent pour ne retenir que des marques pour une lecture; inventions de voix derrière les textes pour n’avoir pas à annalyser le modes d’implication du sujet dans les discours » Les mots et les mouches… partout! Foucault détruit Derrida en infirmant son texte. Que dire quand on raconte tout. La réalité ne peut toujours se photographier; faut bien le peindre quelque fois! Mais là, il faut des instruments : du temps, des brosses et des spatules, du canevas et du bois, des tubes et une palettes… de l’intelligence, de l’imagination, de l’honnêteté et de l’éthique.

Zarathoustra dit : « L’homme de la connaissance doit non seulement savoir aimer ses ennemis, mais aussi haïr ses amis, C’est mal récompenser un maître que de rester toujours son diciple. » Vive l’argent et les cotes, nous les aimons et les respections au-delà de nos pères. Le sur-homme est né, il est dans mon journal du matin!

Lisez donc octobre 2007, no 468, du Magazine Littéraire juste pour avoir raison lors de votre prochaine conversation avec un philosophe. Qui sait…!

31 octobre 2007

Pour une décolonnisation

Rasseoir Paris! Ville lumière qui obscurcit par son claironnement linguistique. Faut-il vraiment traduire le français d'outre-mer pour vendre sur Paris. Les précieuses ridicules n'ont jamais quitté Versailles. Allez écrivons! Mais attention! Écrivons français! Les jargons ont le souffle court et les jarrets fragiles.

http://www.lianes.org/Manifeste-pour-une-litterature-monde-en-francais_a128.html

À bon entendeur!

22 mars 2007

La ponctuation

La ponctuation, si jeune soit-elle dans l'histoire de notre langue, est devenue le sel de l'expression. Sans elle, point de salut! Lisons cet extrait sans espace ni ponctuation comme c'était le cas au Moyen Âge :

maislaparfaiteindépendancedesmusclesduvisageàlaquellemdenorpoisétaitarrivéluipermettait découtersansavoirlairdentendremonpèrefinissaitparsetroublerjavaispenséàdemanderlavisdela commissiondisaitilàmdenorpoisaprèsdelongspréambulesalorsduvisagedelaristocratiquevirtuose quiavaitgardélinertieduninstrumentistedontlemomentnestpasvenudexécutersapartiesortaitavec undébitégalsuruntonaiguetcommenefaisantquefinirmaisconfiéecettefoisàunautretimbrelaphrase commencéequebienentenduvousnhésiterezpasàréunirdautantplusquelesmembresvoussont individuellementconnusetpeuventfacilementsedéplacercenétaitpasévidemmentenellemêmeune terminaisonbienextraordinairemaislimmobilitéquilavaitprécédéelafaisaitsedétacheraveclanetteté cristallinelimprévuquasimalicieuxdecesphrasesparlesquelleslepianosilencieuxjusquelàrépliqueau momentvouluauvioloncellequonvientdentendredansunconcertodemozarthébienastuétécontentde tamatinéemeditmonpèretandisquonpassaitàtablepourmefairebrilleretpensantquemon enthousiasmemeferaitjugerparmdenorpoisilestalléentendrelabermatantôtvousvousrappelezque nousenavionsparléensembleditilensetournantverslediplomatedumêmetondallusionrétrospective techniqueetmystérieusequesilsefûtagiduneséancedelacommission

Le lecteur médiéval devait se satisfaire de cet arrangement. Quelques centaines d'années plus tard, les espaces entre les mots, puis des points apparaissaient. Aujourd'hui, nous avons la vie facile avec la ponctuation moderne. Encore faut-il la maîtriser!

Voici la source internet de cet extrait de Proust:
http://fr.wikisource.org/wiki/À_l

Et voici le texte présenté dans sa forme contemporaine:

"Mais la parfaite indépendance des muscles du visage à laquelle M. de Norpois était arrivé, lui permettait d'écouter sans avoir l'air d'entendre. Mon père finissait par se troubler: «J'avais pensé à demander l'avis de la Commission...» disait-il à M. de Norpois après de longs préambules. Alors du visage de l'aristocratique virtuose qui avait gardé l'inertie d'un instrumentiste dont le moment n'est pas venu d'exécuter sa partie, sortait avec un débit égal, sur un ton aigu et comme ne faisant que finir, mais confiée cette fois à un autre timbre, la phrase commencée: «Que bien entendu vous n'hésiterez pas à réunir, d'autant plus que les membres vous sont individuellement connus et peuvent facilement se déplacer.» Ce n'était pas évidemment en elle-même une terminaison bien extraordinaire. Mais l'immobilité qui l'avait précédée la faisait se détacher avec la netteté cristalline, l'imprévu quasi malicieux de ces phrases par lesquelles le piano, silencieux jusque-là, réplique, au moment voulu, au violoncelle qu'on vient d'entendre, dans un concerto de Mozart.

«Hé bien, as-tu été content de ta matinée? me dit mon père, tandis qu'on passait à table, pour me faire briller et pensant que mon enthousiasme me ferait juger par M. de Norpois. Il est allé entendre la Berma tantôt, vous vous rappelez que nous en avions parlé ensemble, dit-il en se tournant vers le diplomate du même ton d'allusion rétrospective, technique et mystérieuse que s'il se fût agi d'une séance de la Commission."

Écoutez attentivement cet extrait - il dure une trentaine de minutes, mais est vraiment très intéressant - et commentez l'avenir de notre ponctuation face à l'informatique et à tous les trucs qui sont formés à l'aide de la ponctuation.

http://www.canalacademie.com/La-ponctuation-ou-l-art-d.html