Revoilà Zola dans ma vie. Pour le meilleur et pour le pire. Mes premières soirées avec le grand écrivain se déroulèrent dans l'autobus qui m'amenait et me ramenait régulièrement de Trois-Rivières à Saint-Jérôme où j'allais rejoindre ma jeune caissière. La Terre, Nana, l'Assomoir... page à page sous la lampe tubulaire, il m'accompagnait sur ce misérable trajet à travers un misérable paysage parmi une faune suante et nauséabonde.
Le Ventre de Paris, cette fois, qui digère l'histoire comme le dit si bien Guillemin qui signe l'édition Rencontre Lausanne.
Je ne devrais pas en cette session très chargée me laisser le luxe de cette lecture... Mais je ne peux pas vraiment résister. Retour en autobus...!
"Mais, dans les grandes rues couvertes, la vie affluait. Le long des trottoirs, aux deux bords, des maraîchers étaient encore là, de petitscultivateurs, venus
des environs de Paris, étalant sur des paniersleur récolte de la veille au soir,
bottes de légumes, poignées defruits. Au milieu du va-et-vient incessant de la
foule, des voituresentraient sous les voûtes, en ralentissant le trot sonnant de
leurschevaux. Deux de ces voitures, laissées en travers, barraient la
rue.Florent, pour passer, dut s'appuyer contre un des sacs grisâtres,pareils à
des sacs de charbon, et dont l'énorme charge faisait plierles essieux; les sacs,
mouillés, avaient une odeur fraîche d'alguesmarines; un d'eux, crevé par un
bout, laissait couler un tas noir degrosses moules. À tous les pas, maintenant,
ils devaient s'arrêter. Lamarée arrivait, les camions se succédaient, charriant
les hautes cagesde bois pleines de bourriches, que les chemins de fer apportent
touteschargées de l'Océan. Et, pour se garer des camions de la marée de plusen
plus pressés et inquiétants, ils se jetaient sous les roues descamions du
beurre, des oeufs et des fromages, de grands chariotsjaunes, à quatre chevaux, à
lanternes de couleur; des forts enlevaientles caisses d'oeufs, les paniers de
fromages et de beurre, qu'ilsportaient dans le pavillon de la criée, où des
employés en casquetteécrivaient sur des calepins, à la lueur du gaz. Claude
était ravi dece tumulte; il s'oubliait à un effet de lumière, à un groupe
deblouses, au déchargement d'une voiture. Enfin, ils se dégagèrent.Comme ils
longeaient toujours la grande rue, ils marchèrent dans uneodeur exquise qui
traînait autour d'eux et semblait les suivre. Ilsétaient au milieu du marché des
fleurs coupées. Sur le carreau, àdroite et à gauche, des femmes assises avaient
devant elles descorbeilles carrées, pleines de bottes de roses, de violettes,
dedahlias, de marguerites. Les bottes s'assombrissaient, pareilles à destaches
de sang, pâlissaient doucement avec des gris argentés d'unegrande délicatesse.
Près d'une corbeille, une bougie allumée mettaitlà, sur tout le noir d'alentour,
une chanson aiguë de couleur, lespanachures vives des marguerites, le rouge
saignant des dahlias, lebleuissement des violettes, les chairs vivantes des
roses. Et rienn'était plus doux ni plus printanier que les tendresses de ce
parfumrencontrées sur un trottoir, au sortir des souffles âpres de la maréeet de
la senteur pestilentielle des beurres et des fromages."
Le Ventre de Paris, cette fois, qui digère l'histoire comme le dit si bien Guillemin qui signe l'édition Rencontre Lausanne.
Je ne devrais pas en cette session très chargée me laisser le luxe de cette lecture... Mais je ne peux pas vraiment résister. Retour en autobus...!
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