13 décembre 2011
Oui, le français n'a pas dit son dernier mot !
Oui, le français n'a pas dit son dernier mot !
«Déjà en 2005, avec Pas si fous ces français(Seuil, 2005), ils étaient venus à Canal Académie pour briser quelques tabous sur notre identité. Cette fois, en solo, Jean-Benoît Nadeau dissipe la brume de nos esprits chagrins : jamais autant de gens n’ont parlé français qu’aujourd’hui !
Dans cette biographie de notre langue, Jean-Benoît Nadeau explique les signes et les raisons de cette vitalité. La France n’est pas la francophonie et si le dessein intelligent de la nation française semble difficile à saisir, des millions de nos contemporains continuent d’apprendre le français, souvent en plus d’autres langues internationales car, estime l’auteur, "le jeu des langues n’est pas à somme nulle ; celles-ci s’additionnent".
Dans cet entretien, Jean-Benoît Nadeau tord le cou au déclinisme sans esquiver les questions qui fâchent, en particulier le rapport à la modernité : si le français se développe hors de nos frontières, il séduit davantage les populations des pays pauvres que les cadres de l’élite mondialisée.»
Dans notre univers nord-américain, nous avons connu dernièrement des soubresauts importants et sensibles dans l'univers financier de Montréal. Ces reportages, qui touchaient la Caisse de Dépôt et la Banque Nationale, deux institutions avec une tradition francophone forte, et tout dernièrement, Bombardier, soulèvèrent des questions troublantes sur la situation du français dans la métropole du Québec et support crucial de la survie du français.
L'opinion de Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow ébranle cette inquiétude de dangerosité de la langue française. Il s'agit, bien sûr, de deux dossiers différents. En effet, si le français, selon les auteurs, demeure en croissance, à tout le moins stable, dans le monde, il demeure fort possiblement en danger à Montréal. Le plus tragique est le fait que le danger ne provient pas tellement des utilisateurs unilingues anglophones, mais des unilingues francophones qui s'éliminent, ou encore des bilingues d'origine francophone qui se plient de bonne foi à la tendance de l'utilisation de l'anglais dans le monde des finances et des multinationales. Le ballon est, dès lors, dans le camp des francophones. Nous ne voulons pas, bien sûr, que la langue française devienne une langue de loisir ou exclusivement réservée à l'univers culturel.
Il n'en reste pas moins que le livre Le français, quelle histoire! présenté dans cette entrevue présentée sur Canal Académie donne une image très optimiste de la situation du français dans le monde.
Il faut s'en réjouir, mais ne pas tomber dans le jovialisme heureux. Il y a de la place pour l'unilinguisme francophone!
7 décembre 2011
L'éducation de la démocratie
Nous fermons la quinzième semaine de la session. C'est la fin de l'Automne 2011. Une fois les corrections et la compilation terminées, je retomberai sur mes pattes en poussant un soupir de soulagement, et un brin de regret de devoir quitter cette cohorte que je fréquente depuis le mois d'août. Durant toutes ces semaines, j'ai tenté d'inculquer des connaissances : des données brutes à apprendre par coeur; des procédures à respecter pour développer certaines compétences; des algorithmes précis pour élaborer des applications structurées, logiques et convaincantes. Ils m'ont suivi relativement docilement; pas passivement, docilement dans le sens obéissant, qui suit les traces. Alors ont-ils expérimenté la démocratie? La démarche que je leur ai imposée a-t-elle brimé leur liberté? Quelle était leur marge d'autonomie?
Non, ils n'ont pas expérimenté la démocratie. Ils ont rempli leur mandat tel que je l'ai exigé selon des paramètres édictés par moi et sur lesquels ils n'avaient aucun droit de parole ni d'intervention : tout le contraire de la démocratie. Il ne m'avait pas élu non plus. Au début de la session, ils reçurent une feuille d'horaire sur laquelle toutes les informations pertinentes à leur horaire de cours et à leurs professeurs étaient listées. Voilà, la décision fut prise par le registraire en collaboration avec les professeurs et la direction pédagogique.
Oui, leur liberté a été brimée de façon importante. Un parcours avait été défini durant l'été et ils ont dû s'y conformer à la lettre. S’il y a eu des modifications, elles furent au niveau des échéanciers pas des prescriptions. Ils ont ramé ferme pour répondre à des exigences qui étaient les miennes; ils n'avaient pas de droit d'intervention. Ils n'avaient aucun droit non plus sur l'évaluation des résultats. Je notais de façon indépendante sans leur intervention. Ils ramassaient à la fin du processus la valeur de leur travail sans que la valeur de leur effort n'intervienne jamais.
Leur marge d'autonomie... était immense! Ah! Et comment cela? Comment dans un monde aussi totalitaire que l'éducation, des étudiants peuvent-ils exercer leur autonomie? En leur permettant de devenir responsables de leur propre échéancier à l'intérieur de celui que j'exigeais d'eux. Simplement parce que toutes les activités reliées aux atteintes des compétences se trouvaient en ligne et que chacun avait une grande marge de manoeuvre sur le moment de remise. Ils devaient donc à l'intérieur d'un mandat très précis compléter un parcours sur lequel ils avaient le choix d'appliquer une chronologie personnelle.
Je vous présente cette situation parce que je veux faire un corollaire avec l'état de notre démocratie. Un de mes amis a rédigé un article sur son blogue à ce sujet; la lecture de son texte vous permettra d'apprécier les deux solutions qu'il met de l'avant. Je fais le lien avec le monde de l'éducation, car de l'âge de 5 ans jusqu'à 17 pour le secondaire, 20 pour le collégial et 23 pour l'universitaire, les citoyens doivent composer avec un système qui n'a à peu près rien à voir avec la démocratie. Ils vivent pendant une trentaine d'heures par semaine sous le joug de tuteurs stricts leur demandant obéissance, performance et résultat. Une fois sortis de là, ils entrent dans leur famille où ils commencent cette fois-ci à continuer à obéir à leur parent ou ceux qui y tiennent ce rôle; à cela s'ajoutera bientôt l'obéissance tacite à un patron à l'intérieur d'un travail de statut précaire où à peu près tous leurs droits sont niés. Quand recevront-ils la démocratie? À Noël? Quand ils recevront leur permis de conduire? Quand ils auront finalement reçu un chèque de paye? Quand ils décideront de se casser de l'école? Quand, magiquement, deviendront-ils des citoyens? Cela arrivera grâce à des cours sur la citoyenneté donnés par monsieur madame sous la férule ministérielle. Quand ils vont atteindre l'âge vénérable de 18 ans, on leur demandera de faire un choix songé à des élections dont ils ne connaissent à peu près rien; au sujet desquels ils n'auront aucune perspective historique parce qu'on leur aura transmis de miettes en oubliant le principal : la liberté de choix. Mais il ne faut guère s'en surprendre, toute la machine scolaire carbure à l'obéissance, même les professeurs sont corsetés à ne plus pouvoir respirer.
Ainsi, dès leur plus tendre enfance à l'intérieur des garderies, et tout au long de leur parcours scolaire les individus progressent à l'intérieur de cadres définis pour leur efficacité, je suis tenté de dire pour leur rentabilité. Le Pouvoir est heureux, ils cordent dans ses institutions de bons diables obéissants qui feront preuve d'une docilité exemplaire une fois parvenus à l'âge adulte. Si les années 60 et 70 ont été si vibrantes, si bousculantes, ne serait-ce pas parce que les jeunes adultes à qui on donnait ce nouveau système plus ouvert et plus disponible y ont insufflé toute la dynamique de leur jeunesse passée à l'extérieur dans leur voisinnage à expérimenter la citoyenneté à la dure à l'intérieur de leur société de rue, microcosme de celle qui les attendaient au détour. Nous avions nos faibles, nos forts, nos cruels, nos mous; nous apprenions notre place future par essai et erreur; nous apprenions graduellement le sens des responsabilités et de l'indépendance. Nous apprenions que la démocratie s'applique lorsque les membres d'une communauté ont appris à se tenir debout seuls ou alors avec d'autres. Les humains, les citoyens, n'ont pas fondamentalement changé; ils n'ont tout simplement pas eu l'occasion de devenir matures. Ils n'ont pas appris à se tenir debout seuls!
Du mois d'août au mois de décembre, j'ai donné l'occasion à mes étudiants de devenir responsables de leur cours en leur transférant un degré de responsabilité qui leur était étranger. J'espère avoir planté un germe de citoyenneté.
5 décembre 2011
Assassin's Creed spa...
En fin de semaine, pas de stress.
Vendredi soir : Je prends la manette de mon PS3. Elle est couverte de poussière. Juste à côté, les deux baguettes à boules du MOVE sont encore chaudes de la sueur de mes deux filles qui opèrent ces machins comme de véritables engins à fission nucléaire. La pile est sans doute à plat. Je la frotte sur mon coton ouaté un peu comme la lampe du génie d'Aladin : vas-tu accepter de me donner du plaisir encore? Je m'assieds sur le fauteuil en regardant le grand écran, mort. Je cueille un papier-mouchoir et je complète mon nettoyage. Je me lève; je vais ramasser le boîtier du premier épisode; je l'ouvre; je libère le disque. Je démarre le système, glisse le disque dans la fente. Le beau bruit quand il s'enclenche. C'est un peu comme une porte qui se ferme, une porte qui se ferme sur la liberté et qui s'ouvre sur l'aventure de la dépendance, de l'accrochage.
Le jeu démarre l'introduction. Du déjà vu. Pourtant, alors que je retourne m'asseoir sur le fauteuil, je l'écoute attentivement, passivement, juste pour savoir si je me souviens bien de tous les détails. Le doc, son assistante, le labo, la chambre, la disposition d’instruments et du bureau. J'entre dans un univers connu : lui, couché sur le transmuteur d'ADN, c'est moi. Je suis revenu à la maison Doc; allez-y! Redémarrez la machine, je veux aller à Damascus. Je veux grimper les nids d'aigle et tours d'observation avec ces frissons de faire le mauvais geste et de tomber dans le vide vers la mort. À la fin de la mise en contexte, je ferme tout. J'ai hâte à demain.
Samedi matin : je liquide mes quelques missions familiales : vider les ordures; sortir la cage de l'oiseau mort; passer l'aspirateur; vider le lave-vaisselle. Enfin, je retourne au sous-sol et démarre le jeu. Je guide Altaïr dans les méandres du Moyen-Orient médiéval. Il est meilleur que lorsque je l'ai quitté la dernière. Il est plus calme, plus sûr de lui. Mais non, je ne suis pas en délire postubisoftique; je sais bien que c'est moi qui me sens plus cool. C'est une décision que j'ai prise quand j'ai décidé de rembarquer dans la quête. On y va pour le blues; on y va mollo pour jouir d'un peu de bon temps. D'ailleurs, en ce lundi matin, j'ai croisé un collègue qui me racontait qu'il avait lui aussi sorti des boules à mites un jeu avec lequel il s'amusait beaucoup; un jeu ayant comme canevas de base la Deuxième Guerre mondiale.
— Je pilote mon avion doucement sans heurt; je remplis ma mission; je reviens, j'atterris; je saute dans mon char d'assaut et va détruire quelques avant postes ennemis et puis j'appelle mes marines pour un débarquement. Il n'y en a plus de jeu comme ça; tout est trop vite aujourd'hui; trop sur les nerfs!
Je me promène donc doucement. Je trucide plusieurs soldats ennemis; je me promène à cheval dans la campagne en pointant vers tous les chemins et sentiers possibles. Je remarque le graphisme; l'expression des promeneurs et autres personnages qui deviennent mes compagnons d'aventure. Altaïr parle peu. Quand il le fait, c'est souvent pour se défendre devant Al Mualim qui n'a pas une très haute estime de son assassin en quête de reconnaissance. Est-ce que j'entends mon père??? Mais non... On avance ensemble. Je collectionne les drapeaux et les templiers. Je grimpe, deux fois plutôt qu'une, le long des tours; je reste en haut comme un bêta à regarder le paysage. Extraordinaire tout de même quand on y pense. Il y a du monde, de vrais individus en chair et en os, qui ont dessiné, enregistré, mis en ligne, corrigé et je ne sais quoi toutes ces séquences. Et elles collent toutes ensemble; les zooms ne sont pas artificiels, ils sont véritables. Bien sûr, que ne fait-on pas avec les logiciels d'aujourd'hui? Bon, écoute, moi, je ne pourrais même pas commencer à créer un personnage; on est loin de Jérusalem.
Je sens que l'après-midi est bien entamé. Les décorations de Noël avancent en haut. À côté, les filles et leurs amies jouent aux pichenottes. Je sais bien aussi que je devrais monter au bureau pour travailler à mes cours un peu. La culpabilité est bien faible. On va souper tantôt de toute façon; trop tard; il n'y a pas assez de temps pour que ça vaille la peine. Et puis, quelques petites missions supplémentaires vont être bonnes pour mon moral. Altaïr ne semble pas fatigué du tout. Pleine forme l'assassin!
— Pierre, il faut partir. Es-tu prêt?
— Oui!
Mais non, je ne suis pas prêt. Pas bouger depuis 10 h 30 ce matin. Des restes de morceaux de sandwich aux oeufs traînent sur la table depuis quelques heures. Tout le monde s'agite autour de moi. On part, on part, c'est l'heure... O.K. Je sauve une dernière citoyenne en tabassant sérieusement les quatre gardes armés qui la molestent : coup d'épée, empoigne au collet, projeté contre le mur, par terre, quelques coups supplémentaires sur le dos et au cou, le sang gicle, Arghhhh! Mort! L1 vers la fille en kirpan : merci merci, vous m'avez sauvé... Rien là. J'entrevois un drapeau sur le balcon à droite. Bon, je le prends et je quitte.
— Vite vite! Il faut y aller.
Je change ma chemise et mes jeans. Je mets mes bottes. Je sors attendre dans la voiture. Les filles me suivent de près. Ma conjointe sort quelques minutes plus tard. Allons dîner...
Dimanche matin : Je rentre les boyaux d'arrosage; il commence à geler; il ne faut pas qu'ils fendent. Je déambule dehors en ramassant les derniers vestiges de l'été. Je longe la piscine au tiers vide couverte d'un fin film de glace; je n’enverrais pas Altaïr là-dessus... Les platebandes sont à demi couvertes de neige; les monticules des mulots sautent aux yeux brun-noir. J'enlève le coussin d'une chaise de parterre; je la renverse pour joindre la haie avec le coin de la maison pour couper les rafales qui balaieront la neige. Je plie le coussin et le place dans la remise. Je regarde les voitures que je devrais laver... Non. Y a quelqu'un qui m'attend.
Je reprends le fil de l'aventure rapidement. Je passerai encore quatre ou cinq heures avec L'Assassin en gardant le même karma. Tout coule. La maison est relativement calme. Julie est à l'hôtel; Laurence et Emma sont immergées elles aussi dans leur activité : l'une avec des figurines médiévales émergeant d'un château à tourelles; l'autre, dans sa chambre avec ses amis imaginaires à faire et refaire des scénarios d'Animus bien à elle. Quel farniente! Le bonheur! Le travail est loin... C'est dimanche pour la première fois depuis des lunes.
Mon SPA s'appelle Assassin's Creed.
Vendredi soir : Je prends la manette de mon PS3. Elle est couverte de poussière. Juste à côté, les deux baguettes à boules du MOVE sont encore chaudes de la sueur de mes deux filles qui opèrent ces machins comme de véritables engins à fission nucléaire. La pile est sans doute à plat. Je la frotte sur mon coton ouaté un peu comme la lampe du génie d'Aladin : vas-tu accepter de me donner du plaisir encore? Je m'assieds sur le fauteuil en regardant le grand écran, mort. Je cueille un papier-mouchoir et je complète mon nettoyage. Je me lève; je vais ramasser le boîtier du premier épisode; je l'ouvre; je libère le disque. Je démarre le système, glisse le disque dans la fente. Le beau bruit quand il s'enclenche. C'est un peu comme une porte qui se ferme, une porte qui se ferme sur la liberté et qui s'ouvre sur l'aventure de la dépendance, de l'accrochage.
Le jeu démarre l'introduction. Du déjà vu. Pourtant, alors que je retourne m'asseoir sur le fauteuil, je l'écoute attentivement, passivement, juste pour savoir si je me souviens bien de tous les détails. Le doc, son assistante, le labo, la chambre, la disposition d’instruments et du bureau. J'entre dans un univers connu : lui, couché sur le transmuteur d'ADN, c'est moi. Je suis revenu à la maison Doc; allez-y! Redémarrez la machine, je veux aller à Damascus. Je veux grimper les nids d'aigle et tours d'observation avec ces frissons de faire le mauvais geste et de tomber dans le vide vers la mort. À la fin de la mise en contexte, je ferme tout. J'ai hâte à demain.
Samedi matin : je liquide mes quelques missions familiales : vider les ordures; sortir la cage de l'oiseau mort; passer l'aspirateur; vider le lave-vaisselle. Enfin, je retourne au sous-sol et démarre le jeu. Je guide Altaïr dans les méandres du Moyen-Orient médiéval. Il est meilleur que lorsque je l'ai quitté la dernière. Il est plus calme, plus sûr de lui. Mais non, je ne suis pas en délire postubisoftique; je sais bien que c'est moi qui me sens plus cool. C'est une décision que j'ai prise quand j'ai décidé de rembarquer dans la quête. On y va pour le blues; on y va mollo pour jouir d'un peu de bon temps. D'ailleurs, en ce lundi matin, j'ai croisé un collègue qui me racontait qu'il avait lui aussi sorti des boules à mites un jeu avec lequel il s'amusait beaucoup; un jeu ayant comme canevas de base la Deuxième Guerre mondiale.
— Je pilote mon avion doucement sans heurt; je remplis ma mission; je reviens, j'atterris; je saute dans mon char d'assaut et va détruire quelques avant postes ennemis et puis j'appelle mes marines pour un débarquement. Il n'y en a plus de jeu comme ça; tout est trop vite aujourd'hui; trop sur les nerfs!
Je me promène donc doucement. Je trucide plusieurs soldats ennemis; je me promène à cheval dans la campagne en pointant vers tous les chemins et sentiers possibles. Je remarque le graphisme; l'expression des promeneurs et autres personnages qui deviennent mes compagnons d'aventure. Altaïr parle peu. Quand il le fait, c'est souvent pour se défendre devant Al Mualim qui n'a pas une très haute estime de son assassin en quête de reconnaissance. Est-ce que j'entends mon père??? Mais non... On avance ensemble. Je collectionne les drapeaux et les templiers. Je grimpe, deux fois plutôt qu'une, le long des tours; je reste en haut comme un bêta à regarder le paysage. Extraordinaire tout de même quand on y pense. Il y a du monde, de vrais individus en chair et en os, qui ont dessiné, enregistré, mis en ligne, corrigé et je ne sais quoi toutes ces séquences. Et elles collent toutes ensemble; les zooms ne sont pas artificiels, ils sont véritables. Bien sûr, que ne fait-on pas avec les logiciels d'aujourd'hui? Bon, écoute, moi, je ne pourrais même pas commencer à créer un personnage; on est loin de Jérusalem.
Je sens que l'après-midi est bien entamé. Les décorations de Noël avancent en haut. À côté, les filles et leurs amies jouent aux pichenottes. Je sais bien aussi que je devrais monter au bureau pour travailler à mes cours un peu. La culpabilité est bien faible. On va souper tantôt de toute façon; trop tard; il n'y a pas assez de temps pour que ça vaille la peine. Et puis, quelques petites missions supplémentaires vont être bonnes pour mon moral. Altaïr ne semble pas fatigué du tout. Pleine forme l'assassin!
— Pierre, il faut partir. Es-tu prêt?
— Oui!
Mais non, je ne suis pas prêt. Pas bouger depuis 10 h 30 ce matin. Des restes de morceaux de sandwich aux oeufs traînent sur la table depuis quelques heures. Tout le monde s'agite autour de moi. On part, on part, c'est l'heure... O.K. Je sauve une dernière citoyenne en tabassant sérieusement les quatre gardes armés qui la molestent : coup d'épée, empoigne au collet, projeté contre le mur, par terre, quelques coups supplémentaires sur le dos et au cou, le sang gicle, Arghhhh! Mort! L1 vers la fille en kirpan : merci merci, vous m'avez sauvé... Rien là. J'entrevois un drapeau sur le balcon à droite. Bon, je le prends et je quitte.
— Vite vite! Il faut y aller.
Je change ma chemise et mes jeans. Je mets mes bottes. Je sors attendre dans la voiture. Les filles me suivent de près. Ma conjointe sort quelques minutes plus tard. Allons dîner...
Dimanche matin : Je rentre les boyaux d'arrosage; il commence à geler; il ne faut pas qu'ils fendent. Je déambule dehors en ramassant les derniers vestiges de l'été. Je longe la piscine au tiers vide couverte d'un fin film de glace; je n’enverrais pas Altaïr là-dessus... Les platebandes sont à demi couvertes de neige; les monticules des mulots sautent aux yeux brun-noir. J'enlève le coussin d'une chaise de parterre; je la renverse pour joindre la haie avec le coin de la maison pour couper les rafales qui balaieront la neige. Je plie le coussin et le place dans la remise. Je regarde les voitures que je devrais laver... Non. Y a quelqu'un qui m'attend.
Je reprends le fil de l'aventure rapidement. Je passerai encore quatre ou cinq heures avec L'Assassin en gardant le même karma. Tout coule. La maison est relativement calme. Julie est à l'hôtel; Laurence et Emma sont immergées elles aussi dans leur activité : l'une avec des figurines médiévales émergeant d'un château à tourelles; l'autre, dans sa chambre avec ses amis imaginaires à faire et refaire des scénarios d'Animus bien à elle. Quel farniente! Le bonheur! Le travail est loin... C'est dimanche pour la première fois depuis des lunes.
Mon SPA s'appelle Assassin's Creed.
28 novembre 2011
Allo! Allo! Y a-t-il un parent dans la maison?
Coup de coeur!
Hier soir, avec ma fille Laurence, nous étudiions son volet technologique des devoirs de la soirée. Elle m'a expliqué le fonctionnement des quatre forces motrices : la vis, la pente ascendante, la poulie et le levier. Par la suite, nous nous sommes arrêtés sur les mouvements; elle me donna la conclusion que le pendule de l'horloge chez son amie Florence se balançait de façon oscillatoire semi-circulaire. Finalement, nous avons terminé par la lecture dans son livre d'histoire; j'y ai appris les rôles de la femme et de l'homme dans la société iroquoienne. Laurence n'est pas au collégial; elle n'est pas au secondaire non plus. Laurence est en troisième année primaire. Madame la ministre veut ajouter du vocabulaire? Bravo? Il faudrait commencer par regarder la réalité scolaire; il faudrait la connaître. Le curriculum du primaire en jetterait probablement plus d'un sur le derrière s'ils se donnaient la peine d'y jeter un coup d'oeil. L'école fait sa part; plusieurs parents ne la font pas ou la font carrément mal sans doute. Il est vrai que la partie de hockey à St-Georges de Champlain le mardi soir, c'est prioritaire; tout comme la gymnastique du mercredi à 18 h et la danse à 17 h le jeudi juste avant la pratique avec l'orchestre. Lundi, papa a son hockey et vendredi il y le souper avec les filles du bureau.
J'aimerais que l'on m'explique la raison pour laquelle les jeunes anglophones du Québec ont conservé parfaitement intacte leur performance alors que les jeunes francophones l'ont coupé de moitié. Je n'achète pas le socio-économique. Une amie qui peine à boucler son budget a réussi avec l'aide de l'orthopédagogue et beaucoup de temps à réintégrer son fils dans les classes normales et son dernier bulletin lui a tiré les larmes tellement elle était fière de lui (d'elle).
La réforme — la botte au cul — c'est aux parents à la recevoir! Les enfants, ce n'est pas pour la galerie ou la démographie de la survivance.
Entre temps, moi, je tente d'enseigner la littérature au collégial. Non, j'enseigne la littérature au collégial. Je ne pars pas de la troisième année; je ne pars pas de Kéranna ou des Pionniers. Je pars de Léonie, d'Andréanne, de Simon, d'Alexandre; et je les aime du mieux possible en tentant de faire percer de la lumière dans leur vie. Comme dit Leonard Cohen :
Ring the bells that still can ring
Forget your perfect offering
There is a crack in everything
That's how the light gets in.
(Sonne les cloches qui peuvent encore vibrer / Oublie ta parfaite offrande / Il y a toujours une fente quelque part / C'est par là que passe la lumière.)
Et plus la tâche est complexe, plus je me sens prof.
Et le soir au retour à la maison, je poursuis ma troisième année...
La guignolée payante!
Une fois par année, de la fin novembre à la mi-décembre, la population est invitée à s'acheter une sortie avec un journaliste, un animateur, un de ces personnages qui nagent dans les contrats-échanges et que l'on lit, entend ou voit selon le média que l'on privilégie. Cette vieille tradition servie à la moderne prend de l'ampleur d'année en année. C'est un peu comme la multiplication de journées thématiques régionale, nationale, nationale, nationale, internationale et tiers-mondiste. On encadre des valeurs humaines essentielles de partage dans de petites boîtes qui finissent inévitablement à mieux servir les initiateurs que les receveurs.
Les justifications sont préparées à l'avance par des firmes spécialisées dont le contrat garantit le paiement de leur party de Noël et assure à leur client une visibilité accrue qui leur fait vendre de la publicité et qui à l'heure de leur bilan financier annuel leur permettra de caler de belles sommes rondelettes dans leur poste de dons aux oeuvres caritatives. Belle magouille!
Vous voyez ce guignol en haut. C'est vous qui embarquez dans cette mascarade. Non, ce n'est pas votre chroniqueur préféré; pas votre compagnon de travail sur Radio-Jaune/MIEL-FM; pas non plus Miss Météo Neige Fondante ni la Grenouille en T-Shirt. C'est vous; vous qui marchez béatement dans le sentier de la charité temporaire.
Téléphonez à n'importe quel membre de ces travestissements philanthropiques de faire quelque chose à l'ombre...
Dites-moi donc Julie et Pierre-Karl: À quand un de vos multiples millions pour les sans-emploi de la Gaspésie?
Vous pensez à d'autres personnages publics dont les millions dorment doucement?
Vous pensez à d'autres régions du pays qui fêteront avec des chèques de BS?
Arrêtez d'être gentils mesdames et messieurs des médias. Soyez généreux!
Les justifications sont préparées à l'avance par des firmes spécialisées dont le contrat garantit le paiement de leur party de Noël et assure à leur client une visibilité accrue qui leur fait vendre de la publicité et qui à l'heure de leur bilan financier annuel leur permettra de caler de belles sommes rondelettes dans leur poste de dons aux oeuvres caritatives. Belle magouille!
Vous voyez ce guignol en haut. C'est vous qui embarquez dans cette mascarade. Non, ce n'est pas votre chroniqueur préféré; pas votre compagnon de travail sur Radio-Jaune/MIEL-FM; pas non plus Miss Météo Neige Fondante ni la Grenouille en T-Shirt. C'est vous; vous qui marchez béatement dans le sentier de la charité temporaire.
Téléphonez à n'importe quel membre de ces travestissements philanthropiques de faire quelque chose à l'ombre...
Dites-moi donc Julie et Pierre-Karl: À quand un de vos multiples millions pour les sans-emploi de la Gaspésie?
Vous pensez à d'autres personnages publics dont les millions dorment doucement?
Vous pensez à d'autres régions du pays qui fêteront avec des chèques de BS?
Arrêtez d'être gentils mesdames et messieurs des médias. Soyez généreux!
Ces gens-là d'à côté de nous
Un voisin de palier et moi ne nous croisions jamais. Je n'entendais que sa musique en sourdine. La clé dans sa serrure aussi : son arrivée, son départ. Il ne recevait pas, ne s'absentait que rarement : difficile de savoir de quoi il vivait, s'il travaillait même. Quelquefois, une odeur de pizza glissait sous ma porte. La plupart du temps seulement le détersif légèrement ammoniaqué identifiait son environnement.
Je sens beaucoup. Les gens qui m'entourent se surprennent des odeurs qui me frappent. Je sens la pomme, cet acide qui gît dans la corbeille. La vie en société s'accroche à des informations sensorielles très individuelles. On tend à considérer les nôtres pour des règles générales : je remarque ceci, tout le monde doit le remarquer aussi. Non, nous vivons dans cette belle solitude de notre corps qui réagit en solo à l'univers qui grouille de nez, d'oreilles, de bouches, d'yeux et de doigts.
Mais les sens, faut-il encore ne pas trop les endormir. Un bon ami me vantait les bienfaits de l'arrivée de la dopamine dans son sang à un moment ou à un autre de son jogging matinal. Un autre me vantait le bienfait de son hockey de garage à l'ammoniac. Ou alors, c'est la senteur coutumière des draps familiers dus pour la lessive. Des nuages, que des nuages, accrochés à un plafond bas qui grisonnent la vie des traditions éclectiques qui nous accostent à jamais dans le ravin de la vie. Embourbé!
Ces gens-là d'à côté, ils ne vivent plus; ils respirent à peine; ils sentent, c'est tout. La misère des pauvres. Des pauvres d'esprit sans même le courage de soulever le bras un peu pour signaler leur présence. Ils mourront bientôt; ils mourront sans sympathie, sans souvenir...
Ces gens-là se disent peuple. Du bien bon monde qui ont senti la fierté quelques années; qui sentent maintenant la carie et la plaie.
CES GENS-LÀ (Jacques Brel)
1966
D'abord d'abord y a l'aîné
Lui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nez
Lui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qui boit
Ou tellement qu'il a bu
Qui fait rien de ses dix doigts
Mais lui qui n'en peut plus
Lui qui est complètement cuit
Et qui se prend pour le roi
Qui se saoule toutes les nuits
Avec du mauvais vin
Mais qu'on retrouve matin
Dans l'église qui roupille
Raide comme une saillie
Blanc comme un cierge de Pâques
Et puis qui balbutie
Et qui a l'oeil qui divague
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas Monsieur
On ne pense pas on prie
Et puis y a l'autre
Des carottes dans les cheveux
Qu'a jamais vu un peigne
Ouest méchant comme une teigne
Même qu'il donnerait sa chemise
A des pauvres gens heureux
Qui a marié la Denise
Une fille de la ville
Enfin d'une autre ville
Et que c'est pas fini
Qui fait ses petites affaires
Avec son petit chapeau
Avec son petit manteau
Avec sa petite auto
Qu'aimerait bien avoir l'air
Mais qui n'a pas l'air du tout
Faut pas jouer les riches
Quand on n'a pas le sou
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne vit pas Monsieur
On ne vit pas on triche
Et puis y a les autres
La mère qui ne dit rien
Ou bien n'importe quoi
Et du soir au matin
Sous sa belle gueule d'apôtre
Et dans son cadre en bois
Y a la moustache du père
Qui est mort d'une glissade
Et qui recarde son troupeau
Bouffer la soupe froide
Et ça fait des grands chloup
Et ça fait des grands chloup
Et puis il y a la toute vieille
Qu'en finit pas de vibrer
Et qu'on n'écoute même pas
Vu que c'est elle qu'a l'oseille
Et qu'on écoute même pas
Ce que ses pauvres mains racontent
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne cause pas Monsieur
On ne cause pas on compte
Et puis et puis
Et puis y a Frida
Qui est belle comme un soleil
Et qui m'aime pareil
Que moi j'aime Frida
Même qu'on se dit souvent
Qu'on aura une maison
Avec des tas de fenêtres
Avec presque pas de murs
Et qu'on vivra dedans
Et qu'il fera bon y être
Et que si c'est pas sûr
C'est quand même peut-être
Parce que les autres veulent pas
Parce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme ça
Qu'elle est trop belle pour moi
Que je suis tout juste bon
A égorger les chats
J'ai jamais tué de chats
Ou alors y a longtemps
Ou bien j'ai oublié
Ou ils sentaient pas bon
Enfin ils ne veulent pas
Enfin ils ne veulent pas
Parfois quand on se voit
Semblant que c'est pas exprès
Avec ses yeux mouillants
Elle dit qu'elle partira
Elle dit qu'elle me suivra
Alors pour un instant
Pour un instant seulement
Alors moi je la crois Monsieur
Pour un instant
Pour un instant seulement
Parce que chez ces gens-là
Monsieur on ne s'en va pas
On ne s'en va pas Monsieur
On ne s'en va pas
Mais il est tard Monsieur
Il faut que je rentre chez moi.
Je sens beaucoup. Les gens qui m'entourent se surprennent des odeurs qui me frappent. Je sens la pomme, cet acide qui gît dans la corbeille. La vie en société s'accroche à des informations sensorielles très individuelles. On tend à considérer les nôtres pour des règles générales : je remarque ceci, tout le monde doit le remarquer aussi. Non, nous vivons dans cette belle solitude de notre corps qui réagit en solo à l'univers qui grouille de nez, d'oreilles, de bouches, d'yeux et de doigts.
Mais les sens, faut-il encore ne pas trop les endormir. Un bon ami me vantait les bienfaits de l'arrivée de la dopamine dans son sang à un moment ou à un autre de son jogging matinal. Un autre me vantait le bienfait de son hockey de garage à l'ammoniac. Ou alors, c'est la senteur coutumière des draps familiers dus pour la lessive. Des nuages, que des nuages, accrochés à un plafond bas qui grisonnent la vie des traditions éclectiques qui nous accostent à jamais dans le ravin de la vie. Embourbé!
Ces gens-là d'à côté, ils ne vivent plus; ils respirent à peine; ils sentent, c'est tout. La misère des pauvres. Des pauvres d'esprit sans même le courage de soulever le bras un peu pour signaler leur présence. Ils mourront bientôt; ils mourront sans sympathie, sans souvenir...
Ces gens-là se disent peuple. Du bien bon monde qui ont senti la fierté quelques années; qui sentent maintenant la carie et la plaie.
CES GENS-LÀ (Jacques Brel)
1966
D'abord d'abord y a l'aîné
Lui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nez
Lui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qui boit
Ou tellement qu'il a bu
Qui fait rien de ses dix doigts
Mais lui qui n'en peut plus
Lui qui est complètement cuit
Et qui se prend pour le roi
Qui se saoule toutes les nuits
Avec du mauvais vin
Mais qu'on retrouve matin
Dans l'église qui roupille
Raide comme une saillie
Blanc comme un cierge de Pâques
Et puis qui balbutie
Et qui a l'oeil qui divague
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas Monsieur
On ne pense pas on prie
Et puis y a l'autre
Des carottes dans les cheveux
Qu'a jamais vu un peigne
Ouest méchant comme une teigne
Même qu'il donnerait sa chemise
A des pauvres gens heureux
Qui a marié la Denise
Une fille de la ville
Enfin d'une autre ville
Et que c'est pas fini
Qui fait ses petites affaires
Avec son petit chapeau
Avec son petit manteau
Avec sa petite auto
Qu'aimerait bien avoir l'air
Mais qui n'a pas l'air du tout
Faut pas jouer les riches
Quand on n'a pas le sou
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne vit pas Monsieur
On ne vit pas on triche
Et puis y a les autres
La mère qui ne dit rien
Ou bien n'importe quoi
Et du soir au matin
Sous sa belle gueule d'apôtre
Et dans son cadre en bois
Y a la moustache du père
Qui est mort d'une glissade
Et qui recarde son troupeau
Bouffer la soupe froide
Et ça fait des grands chloup
Et ça fait des grands chloup
Et puis il y a la toute vieille
Qu'en finit pas de vibrer
Et qu'on n'écoute même pas
Vu que c'est elle qu'a l'oseille
Et qu'on écoute même pas
Ce que ses pauvres mains racontent
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne cause pas Monsieur
On ne cause pas on compte
Et puis et puis
Et puis y a Frida
Qui est belle comme un soleil
Et qui m'aime pareil
Que moi j'aime Frida
Même qu'on se dit souvent
Qu'on aura une maison
Avec des tas de fenêtres
Avec presque pas de murs
Et qu'on vivra dedans
Et qu'il fera bon y être
Et que si c'est pas sûr
C'est quand même peut-être
Parce que les autres veulent pas
Parce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme ça
Qu'elle est trop belle pour moi
Que je suis tout juste bon
A égorger les chats
J'ai jamais tué de chats
Ou alors y a longtemps
Ou bien j'ai oublié
Ou ils sentaient pas bon
Enfin ils ne veulent pas
Enfin ils ne veulent pas
Parfois quand on se voit
Semblant que c'est pas exprès
Avec ses yeux mouillants
Elle dit qu'elle partira
Elle dit qu'elle me suivra
Alors pour un instant
Pour un instant seulement
Alors moi je la crois Monsieur
Pour un instant
Pour un instant seulement
Parce que chez ces gens-là
Monsieur on ne s'en va pas
On ne s'en va pas Monsieur
On ne s'en va pas
Mais il est tard Monsieur
Il faut que je rentre chez moi.
25 novembre 2011
Mouvement citoyen
Je ne suis pas parfaitement à l'aise avec l'expression « Mouvement citoyen ». Voter est un mouvement citoyen; payer honnêtement ses impôts et ses taxes aussi; de même une foule de gestes comme la récupération, le respect des propriétés publiques et privées. Alors pour quelle raison ce terme de Mouvement citoyen s'enracine-t-il avec une connotation relativement subversive, ou plutôt contestataire? Parce que le système qui génère ce type de mouvance n'est plus un système citoyen?
Voilà, selon moi, le noeud gordien de la situation actuelle. Ce mouvement mondial de prise de parole par les populations bouleverse soudainement un ordre social qui a glissé lentement vers la corruption et un gaspillage de plus en plus profonds, de plus en plus chroniques; de plus en plus génétique aussi je dirais en ce sens qu'il fait désormais partie intégrante de la substance même de la conduite de nos édiles. Si nous parlons régulièrement de cynisme et de perte de confiance, il faut nécessairement accepter le fait que cette situation provient de comportements récurrents qui s'échelonnent sur plusieurs années. Nous pouvons identifier deux coupables : les dirigeants d'une part et les citoyens d'autre part.
Les dirigeants ont glissé vers du patronage et le favoritisme légaux et illégaux. En s'appuyant sur des mandats plus ou moins clairs basés sur un nombre toujours fléchissant de taux de participation, ils ont commencé à tenir pour acquis que les firmes de fabrication d'images suffiraient à les rendre victorieux; plus de substance, que des comportements superficiels se transforment en règle de conduite standardisée. La réalité leur a donné raison : plus ils ont investi dans l'imagerie, plus ils ont récolté de bénéfices. Berlusconi en l'exemple parfait. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, en est un autre exemple. « Selon un de ses collaborateurs, l'élection d'Ahmadinejad à la présidence de la République islamique d'Iran n'est pas un accident, mais “est le résultat de deux ans de planification compliquée et aux facettes multiples” par une coalition qui inclut des Commandants des gardiens de la révolution, des représentants du clergé, des dirigeants du mouvement Basij et les amis et alliés qu'Ahmadinejad s'est fait pendant son mandat à la mairie de Téhéran. » (Abbas Milani, « Pious Populist. Understanding the rise of Iran's president» [archive], Boston Review, Novembre — décembre 2007). La planète vogue vers la futilité. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que la volatilité des bourses mondiales offre une réponse très pertinente à ce phénomène : les gouvernements mondiaux ne parviennent pas à replacer la croissance tranquille de la spéculation financière. Cette spéculation est basée sur la production; une production réelle, même s'il ne s'agissait que de la production de service ou de la production de consommation pure. Les bourses aujourd'hui ne peuvent se donner une direction précise puisque cette production ne comporte plus de prospective. Le citoyen se promène d'une image à une autre au gré des fabricants d'images; il ne décide plus; il suit. Devant cette volatilité sociale, les maisons boursières se retrouvent en pleine tempête de volatilité aussi.
Cette situation est d'ailleurs aggravée par la mondialisation des communications, une image fabriquée aux antipodes se retrouvant rapidement aux quatre coins de l'univers.
Le mouvement citoyen est un comportement naturel et souhaitable dans la mesure où ce même citoyen a la capacité de prendre des décisions fermes et indépendantes en regard avec ses besoins. Il est corrompu s'il reste à la remorque des mirages offerts par leurs dirigeants.
L'actualité nous suggère, je crois, un certain réveil.
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