Ces mots libèrent les souvenirs de ma jeunesse et les propulsent vers vos rêves.
Bonne nuit, bons rêves....
— Finis les déjeuners! Plus de croissants ni rien...
Alors que Paris de gauche, Paris syndicaliste, déambulait dans les grandes avenues pour dénoncer les mesures du Gouvernement pour modifier les règles de retraite des travailleurs, cette entrée dans cette luxueuse orgie qui fut début XXe, le quotidien de la classe dirigeante de la France me secoua et colla à mes pensées l'auteur du J'accuse et de la Terre, et de l'Assomoir. Il avait aussi placé les pièces avec La Fortune de Rougon et la Curée. Cette oeuvre monstrueuse, digne des dénonciations de Jaurès, prenait vraiment tout son sens. Quelques heures auparavant, quittant le grand boulevard Germain des Prés, contournant les cinq étoiles et les Maserati, sur François Ier, je passai devant Dior, Gauthier et Cartier pour ne nommer qu'eux en me disant que les manifestants se trompaient sans doute de cible et de rue. Les casseurs devraient laisser les autos des citoyens des boulevards tranquilles et se promener dans les arrières où se trouvent leurs véritables despotes.
Paris n'est pas la France. Il est la référence, elle est l'enveloppe. La France que je connaissais suivait de paisibles cours d'eau dans des vallées bucoliques. Comme Troyat le décrit dans le premier tome Des semailles et des moissons, seul un accident de parcours projette ces villageois vers les entrailles de l'Histoire. L'arrière-pays, les arrière-pays, ma foi, sont trop intimement liés dans la fabrique du patrimoine pour encadre leurn propre passé Leur évolution baigne sagement ses cressons dans la source. Toutefois, comme son Amélie qui s'installe à la ville, tout bascule dans Paris. Les chocs de la population forcent l'édification de crans d'arrêt. Les mouvements massifs, sur le principes de plaques tectoniques, forcent le passé à s'accrocher. Les musées poussent; les galeries accumulent; les bâtiments, du moins leur face externe, sont protégés; on décoiffe les ruelles de briques cachées et on les prolonge. La ville millénaire chevauche ses résumés de civilisation comme autant de villages rasés dont on cherche à protéger l'essence. En effet, on sent bien que c'est au coeur de cette conservation que se trouve son âme. Notre vie n'a plus aucun sens si elle ne garde de référence que la vibration éphémère de quelques générations. Les racines sont beaucoup plus profondes; et combien plus essentielle! Et à ce besoin, laVille lumièree excelle.
En refusant cette interprétation, nous sommes devant deux choix: nous acceptons que notre souche fondamentale soit issue directement du territoire et donc des populations indigènes originelles; ou nous devenons une population anecdotique d'à peine quelques centaines d'années, totalement orpheline en cultivant l'espoir que les centaines d'années continueront à s'additionner pour un jour espérer qu'elle soit contenue dans l'univers culturel mondial.«Je trouve que les journalistes forment une meute naïve, lance-t-il sans hésiter. Ils sont agressifs quand il y a une nouvelle, mais, sinon, c'est étonnant de voir à quel point ils se font remplir comme des valises.»
«La mobilité et l'inexpérience des journalistes sont deux facteurs qui expliquent cette naïveté, selon Mario Dumont. «Avant, les reporters politiques étaient très expérimentés, dit-il. Ils connaissaient leurs dossiers à fond, on ne pouvait pas leur en passer une. Ils connaissaient l'histoire, pouvaient parler de toutes les rencontres constitutionnelles, etc. Aujourd'hui, les nouveaux ne connaissent rien. J'en ai déjà rencontré qui ne savaient même pas que j'étais démissionnaire du Parti libéral du Québec.»
Son approche médicale, biologique, diffère des nombreuses études, critiques et autres commentaires faits sur l'art de Monet. Cet ophtalmologiste regarde les toiles avec la pathologie visuelle du peintre. La lumière qui réfléchit sur les objets, sur les éléments, sur les paysages, est analysée par le biais de l'image neurologique. Notre regard s'en trouve aussi modifié. Nous ne contemplons plus une image, mais nous la réfléchissons en nous plaçant dans la semi-voyance qui était la réalité de Monet.« Ce qui me fascine : la manière dont il est capable de décrypter la composition colorée et formelle d’une situation visuelle et de la transformer. C’est tout de même extravagant! Les moyens sont spontanés. La mise en place des taches de couleurs est immédiate, les choses prennent forme par une exactitude comme s’il avait déjà presque une analyse médicale de ce qui se passe dans la vision! »

«Nous parlons ici de l'Homme comme d'un produit quelconque de la nature [...] Ce message de la biologie que nous nous efforcerons de transmettre aussi simplement et fidèlement que possible, chacun est libre de la prendre tel quel, ou de lui donner le prolongement philosophique qu'il juge convenable. Mais nul ne peut le refuser, le récuser, et ceux-là mêmes qui pensent que l'Homme est autre chose que ce qu'y reconnaît la science ne peuvent manquer de convenir qu'il soit aussi cela [...] Sonc, pour le biologiste, l'homme est un animal, un animal comme les autres [...] Son espèce n'est que l'une des huit à neuf cent mille espèces animales qui peuplent actuellement la planète [...] Du point de vue matériel, l'humanité tout entière ne représente que bien peu de chose dans l'univers: le protoplasme humain figure pour 100 millions de tonnes sur une terre qui en pèse six sextillions, et la terre elle-même n'est qu'une des neuf planètes de notre système solaire; et notre soleil lui-même, un million de fois plus gros que la terre, n'est qu'une étoile médiocre parmi les 100 millions d'étoiles qui forment notre galaxie; et notre galaxie elle-même, si vaste que la lumière met plus de 100 000 ans à la traverser, n'est que l'une des millions de galaxies qui peuplent l'espace [...] L'humanité, âgée d'environ cent mille ans, durera-t-elle encore longtemps sur cette terre? Que le rideau s'abaissât avant la fin du drame, cela n'aurait d'ailleurs aucune importance, puisque, aussi bien, l'acteur est ici l'unique spectateur. Nulle part ailleurs, personne ne vivra la mort de la pensée humaine, et quand le dernier esprit s'éteindra sur la terre déserte, l'univers ne sentira même pas sur lui le passage d'une ombre furtive...» (Jean Rostand, L'Homme, pages 7,8,9 et 172)
« La littérature a valeur d’autorité, elle ne fait plus autorité. Elle a été confisquée par des élites qui s’appuient sur l’usage “éhonté d’un jargon incompréhensible, arme brandie contre toute invasion extérieure qui menacerait d’effriter l’ivoire de la tour”. Et l’auteur de pourfendre cette “consanguinité intellectuelle qui dégénère la pensée, vidée de son sens, tandis que les nouveaux pédants gagnent du terrain et imposent partout leur non-sens”. Où penser encore aujourd’hui? Florence Balique répond à cette question le plus simplement du monde : “Mais comme cela s’est toujours fait, chez soi, seul, ou entre esprits curieux destinés à s’ouvrir, non à se montrer ni à tenir salon.” Apprendre à jouer d’un instrument, peindre, dessiner, goûter les oeuvres d’art, lire sont “autant de pratiques culturelles où l’on s’essaie soi-même, où l’on engage ses facultés”. » (Joseph Macé-Scaron, Le Magazine littéraire)Combien de fois, une étudiante a-t-elle surgi avec une lecture inopinée d'un passage moult fois retravaillé; combien ai-je été sidéré par l'association insoupçonnée d'un étudiant bavard et frondeur tellement sensible qu'elle redéfinit les paramètres du propos de l'auteur? Une fois démystifiés, les outils d'écriture littéraire deviennent des clés pour déverrouiller les regards sur le texte. Toute leur naïveté accouche sur la feuille, souvent sans même qu'il ne s'en rende compte. Ils n'ont pas vu ce qu'ils ont décrit, ils ne croient pas en leurs trouvailles; ils les trouvent simplistes; ils n'en sont fiers qu'après les avoir persuadés de la grande originalité de leur interprétation, et de sa pertinence. Leur description n'est pas accrocheuse; le style sursaute et accroche. Mais pour quelle raison ne ferais-je pas le même effort pour les lire qu'eux ont fait pour lire mon extrait à analyser? Je dois devenir humble devant leurs efforts. Je dois lire leur propos et non m'arrêter à leurs mots.
« Autrement dit un individu à plume susceptible de réunir dans sa personne un conteur, un pédagogue et un enchanteur. On voit par là ce qui sépare un Nabokov d’un Borges dans leur pouvoir de transmettre une même passion de la littérature : l’enseignement. Le contact avec les étudiants, leur regard, leur écoute, leurs réactions. Nabokov feignait une indifférence teintée de mépris; mais plus il les traitait de “perroquets”, c’est-à-dire de “philistins” en puissance, son grand mot pour balayer les conformistes dans toute leur médiocrité bourgeoise, plus il s’attachait à eux. On entend sa voix chaleureuse jusque dans ses colères. Provocateur, injuste, arrogant, indépendant, partial, iconoclaste, excessif, tranchant, subjectif, ironique, mais c’était un magicien. N’est-ce pas ainsi qu’on forme le goût? La riche préface de Cécile Guilbert, ainsi que les avant-propos de John Updike, Guy Davenport et Fredson Bowers, rendent justice au génie du passeur. Pas moins conventionnel que ce professeur-là : non seulement il dédaignait les usages académiques, mais ses cours bousculaient allègrement les interprétations canoniques des grands classiques. Du démontage de chefs d’œuvre avec mise à nu des mécanismes et quête insatisfaite de la traduction idéale. » (Pierre Assouline, La République de livres)Voilà la grâce que je me souhaite, car si j'ai eu quelque utilité dans ma vie de prof, c'est bien d'avoir cassé les barrières érigées autour de la parole des livres.
L'unification linguistique est un phénomène intéressant. Au Canada, les Britanniques avaient très bien compris que leur nouvelle colonie serait mieux sécurisée si toute la population se servait d'une seule langue. Il est relativement curieux de constater qu'ils acceptèrent en fin de compte de permettre sa survivance accompagnée de leur intégrité physique, leurs biens, leur religion et leurs lois. Peut-être devons-nous au très grand respect qu'ils avaient du fait français cette curieuse décision : en effet, qu'un conquérant accorde au conquis tous les éléments pour contrer l'assimilation, il fallait bien une raison. Les conquis Français s'enrôleront d'ailleurs gaiement dans les forces britanniques pour défaire les révolutionnaires venant du Sud. Paradoxalement, les Britanniques ont conservé jusqu'à ce jour un grand respect non seulement pour la reine, mais aussi pour l'institution elle-même; de même, et je le mentionnais voilà quelques jours, les francophones souverainistes ont aussi gardé un fond royal. Tout comme les cousins de Grande-Bretagne, nous espérons encourager le centre-gauche sans jamais songer à dépasser le centre-droit dans nos pires cauchemars, mais qu'un symbole relativement inopérant au niveau du législatif demeure dans le décor? Pas de problème! Cela fait sans doute partie du dilemme du rouge et du noir, de la noblesse de sang et la noblesse de robe, d'une ascension sociale liée à la fois à sa monétarisation et à sa reconnaissance culturelle. Les votes au Canada sont sensibles à ces deux facteurs : que l'on parle de budget ou d'une quelconque dynamique culturelle qu'elle soit du Sud ou du Nord, de l'Est ou de l'Ouest, le vent va prendre dans les voiles.
Notre système bicaméral nous a modelés. Les fondements de notre démocratie reposent sur des traditions européennes; nos conflits sont restés des batailles de voisinage contrairement à la coupure essentielle que les patriotes de 1776 à Boston ont opérée. Rapidement, au Sud, l'argent a acheté du territoire; il s'est rempli d'antiroyalistes religieux, d'Irlandais qui crachaient sur le roi, de noirs féodaux, d'Allemands réformistes : un bouquet de têtes brûlées qui se tiraient à qui mieux mieux pendant que nous nous fusionnions le long d'une petite bande de terre cultivable en nous faisant balloter d'un roi à une reine à un premier ministre, jamais trop sûr de ce que l'avenir nous réservait. Les Américains ont commencé à voyager en Europe pour aller s'acheter de la culture en robe; nous vénérions nos cousins mutuels jusqu'à les prendre pour des sauveurs. Nous sommes encore attachés faute du courage nécessaire pour faire de notre territoire une appropriation intime.«After a movie you usually want to talk about the actors or the direction or the cinema-photography, but when you leave this movie what you want to do is go directly to a bookstore and buy a copy of “Howl” so that you can do some literary interpreting yourself; and then you want to go back and see the movie again (as I did) in the hope that this time you have something of your own to offer. See you there. »
«Hegel, of course, never directly wrote about Wall Street, but he was philosophically invested in the logic of market relations. Near the middle of the “Phenomenology of Spirit” (1807), he presents an argument that says, in effect: if Wall Street brokers and bankers understood themselves and their institutional world aright, they would not only accede to firm regulatory controls to govern their actions, but would enthusiastically welcome regulation. Hegel’s emphatic but paradoxical way of stating this is to say that if the free market individualist acts “in [his] own self-interest, [he] simply does not know what [he] is doing, and if [he] affirms that all men act in their own self-interest, [he] merely asserts that all men are not really aware of what acting really amounts to.” For Hegel, the idea of unconditioned rational self-interest — of, say, acting solely on the motive of making a maximal profit — simply mistakes what human action is or could be, and is thus rationally unintelligible. Self-interested action, in the sense it used by contemporary brokers and bankers, is impossible. If Hegel is right, there may be deeper and more basic reasons for strong market regulation than we have imagined.»